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 notre aube fut rouge. (alizarine)

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MessageSujet: notre aube fut rouge. (alizarine)   notre aube fut rouge. (alizarine) EmptySam 22 Fév - 12:19

Notre aube
fut rouge.


FLASHBACK, HUIT ANS AUPARAVANT.
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C’est une pluie lourde, non, c’est un mur. Un mur fait d’eau froide qui s’abat sur la route rendue boueuse. Les bourrasques éprouvent les troncs d’arbres bordant le chemin comme un vilain enfant s’amuserait à bousculer ses jouets. Ils vacillent – quand bien même soient-ils centenaires, dans leur terre trempe et meuble. La tempête est enragée, diluvienne, et, dans cette contrée, la furie des averses ne saurait se défaire de la grêle ou de la neige. C’est donc un tapis blanchâtre qui se met bientôt à couvrir le sol d’une fine pellicule, marquant le sillon de l’homme qui s’avance sur la route d’un pas claudiquant – bien que pressé.
Vêtu d’une pelisse et de lourdes bottes, il peine malgré tout à se frayer un pas sûr à travers la tourmente : sa tenue, bien que chargée, ne l’est certes pas assez pour survivre à un automne aussi rigoureux que celui-ci. Il serait peu laborieux pour un natif du nord, que de le deviner étranger à cette contrée, mais ici, pas une âme pour le jauger ! Le menton hirsute se tourne et se retourne, yeux plissés en une fente, dans l’espoir d’entrevoir une quelconque chaumière pouvant l’abriter, mais rien. Les ridules de Mora se tordent sous la contrariété et la douleur. Sa pogne droite serrée sur son flanc se crispe un peu plus pour tenter de calmer l’hémorragie. Le voici estampillé à nouveau par une vilaine blessure mais cette fois, nul combat n’en est la cause.

C’est une mauvaise chute depuis l’un des cordages suspendus qui s’est chargé de l’entailler. Par chance – si l’on peut dire – c’est une voile carrée qui a amorti son corps, déchirant néanmoins sa chair par un long éclat de bois délogé un peu plus tôt d’un des mâts par ladite tempête éprouvant sa frégate. Il leur aura fallu près de deux heures pour stabiliser l’épaisse silhouette dans l’une des rares baies de la côte nordique pour éviter au vent et aux courants de pousser le Salty Dog sur les récifs meurtriers. Il ne s’est rendu compte qu’à la fin de la manœuvre saigner comme un porc sous le regard inquiet de sa fille. La laissant alors à l’abri du froid – ce froid si éprouvant pour elle – derrière les murs épais de la cabine, il a prévenu quelques hommes de l’équipage qu’il allait devoir débarquer pour "rafistoler un peu ça", indiquant d’un bref signe de tête la large tâche rouge souillant sa chemise déjà trempe. Ce n’est qu’une fois à terre qu’il a pris conscience de sa blessure, subissant les affres de la douleur comme n’importe quel autre mortel.

« FOUTRE DIEUX ! jure-t-il à pleins poumons. »
Mais l’averse se charge de couvrir son explosion vocale – rendue plus rauque par le mal. Ses pas s’immobilisent et le pirate reprend son souffle en lorgnant d’un œil vitreux la flaque de fange et de glace à ses pieds. Cette plaie ne saurait avoir raison de son existence, elle est trop peu inquiétante, mais le froid couplé à une pneumonie et une hémorragie pourrait bien le clouer face contre terre s’il ne trouve pas vite un refuge et de quoi recoudre la balafre.
Dans l’air, soudain, un cri l’éveille. Il est court et lointain, mais c’est un cri humain. Celui d’un nourrisson, plus précisément. Les yeux du capitaine paraissent comme reprendre vie à l’écoute d’un tel son – qui ne serait ni le sifflement du vent, ni la résonance de ses pas fatigués. Il y a donc bien de la vie, dans ces sinistres parages ! Guidé par un relent d’énergie, il continue sa marche droit devant.
Quelques secondes suffisent pour qu’il perçoive des lumières se détacher du reste de la brume. Une auberge. Il vient de trouver une auberge.

Il entre, accompagné d’un courant d’air glacial et de quelques gouttes opportunistes venues s’écraser sur un plancher poussiéreux. La porte est refermée sans grande délicatesse mais on ne remarque que trop peu sa venue : dans le fond de la salle, des tables et chaises ont été repoussées pour qu’un petit groupe d’individus puisse s’y rassembler. Il distingue mal la scène, aussi se rapproche-t-il d’un pas lourd, dépouillant ses bottes d’une longue traînée humide.

Du rouge.

C’est la couleur prédominante du tableau.
Mais de tous les éléments – et dieux qu’ils sont nombreux – il remarque avant tout une femme. Sa chevelure, sa tenue, ses mains suintantes et le bout sale d’humain gesticulant dans ses paumes : rouges. Décontenancé par la vision, groggy par sa blessure, il reste en retrait pour voir la dame essuyer puis nettoyer l’enfant avant de le tendre à la mère, qui, cuisses écartées sur une anatomie éventrée comme une bête, sue à grosses gouttes en récitant des prières. Des individus qu’il devine être des clients de la gargote – dont le tenancier – s’agitent autour pour porter des linges, décrasser ou rassurer. La Femme Rouge, elle, pourvue d’une quiétude déstabilisante, se redresse et se distance de toute l’agitation en essuyant ses main dans un carré de tissu.
« Vous. » Sa voix est plus faible qu’il ne l’aurait voulu. C’est même un murmure qui est loin de se faire entendre. Il se rapproche dans le dos de l’inconnue et pose une pogne lourde et glacée sur l’épaule féminine. « Vous, qu’il répète. » C’est déjà plus clair et plus fort, mais quelque chose de menaçant gronde malgré lui dans le ton. La douleur le rend nerveux, aussi inquiétant qu’un animal puisse l’être, blessé et en territoire inconnu. La gueule patibulaire du pirate fait bientôt face à un visage gracile quoique ferme. Un silence s’installe avant qu’il ne pense à retirer ses serres en articulant lentement. « Vous avez l’air de vous y connaître, en boucherie. » Ce pourrait être drôle s’il n’affichait pas une mine aussi sombre. Il découvre un pan de sa pelisse, dévoilant une chemise imbibée d’un grenat sombre et un attirail d’épéiste. L’on ne sait guère s’il cherche à lui indiquer son problème, ou préciser la menace par le reflet de la lame. « Vous savez coudre ? »
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Alizarine Khan
Alizarine Khanalizarine
ɤ REGISTRATION : 29/12/2013
ɤ PARCHEMINS : 322
ɤ STATUT DU SANG : la roture, sans passer par la case savonnette à vilains, merci
ɤ CONTRÉE DE NAISSANCE : née à Brenwall, en Alcahar
ɤ METIER OU FONCTION : alleresse (servante de Gilraen & la Mère, dans un sens) & maître assassin, ça va bien ensemble
ɤ INVENTAIRE : (toujours avec elle) un prénom de merde • un nom de famille inventé (qu'importe) • une vie de merde • des fringues rouges • deux poignards • des onguents • une paire de ciseaux • quelques rares bijoux • une sacoche dans laquelle elle pourrait presque transporter toute sa vie

(caché à Brenwall) un bocal de conservation longue durée (une sorte de formol médiéval) où un bébé mort-né attend patiemment qu'elle remplisse le contrat qu'elle a avec les déesses Mère & Gilraen.

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MessageSujet: Re: notre aube fut rouge. (alizarine)   notre aube fut rouge. (alizarine) EmptySam 22 Fév - 12:23

Alcahar la glaciale est noyée sous des trombes d'eau. Déluge de pluie, de neige, de grêle, rabattues par un vent implacable. Les éléments se déchainent alors que le chaos règne déjà à l'intérieur. Alizarine est revenue dans la contrée qui l'a vue naître. Elle a tué deux personnes la veille, et elle a passé la nuit à prier Gilraen. Et puis, elle a cessé de prier, n'a pas dormi et s'est contentée d'écouter le fracas du tonnerre. Ça ne s'est pas calmé de la journée. Un vieux qui avait la goutte a raconté que sa jambe lui faisait moins mal quand l'accalmie approchait : il a toujours un mal de chien à cette heure tardive. Le soleil n'est pas parvenu à percer à travers la couche lourde de nuages. Normal, en Alcahar, on vous dira. La femme aux cheveux rouges avait presque oublié ce climat déplorable. Deux mois, déjà qu'elle est de retour ici, et en deux mois, elle a dû voir peut-être 3 jours de soleil complet. Et pourtant, ce n'est pas parce que le temps est lamentable que les femmes s'arrêtent pour autant de donner la vie. Elle a eu de quoi faire, et elle va encore avoir de quoi faire ce soir.

Elle dîne à l'auberge d'un petit village pourri sur une des côtes du Nord. On ne l'embête pas. Les villageois présents savent qu'elle est alleresse : elle prend toujours soin de signaler sa présence et son métier, pour qu'on lui indique les femmes à accoucher dans les alentours. Le problème d'Alcahar reste tout de même l'impraticabilité de certaines routes pour qui ne les connait pas (plus). S'avancer à l'intérieur des terres si on n'a pas connaissance des hameaux, c'est se perdre forcément. Elle est donc en plein milieu du potage qu'on a bien voulu lui servir lorsqu'un homme entre, tient la porte à un autre, et que ce dernier entre en portant un brancard de fortune, soutenu par un troisième homme. Une femme est sur ce brancard. Hurlant à en vriller les tympans des sourds. Comprenant que c'est ses services qu'on vient chercher, Alizarine se lève presqu'immédiatement, et ordonne à l'aubergiste de faire bouillir une grande quantité d'eau et de lui passer un savon et des linges aussi propres que possible. Avisant une femme d'un âge incertain, mais qui doit bien déjà avoir enfanté, Liza lui fait signe de débarrasser une table du fond. En quelques secondes, le calme apparent de l'auberge est devenu un chaos qui demande à être organisé. Alizarine a dix ans de métier derrière elle, elle sait comment se débrouiller. Le temps leur est compté. Liza le sait, ne peut pas le perdre. Travailler dans l'urgence a quelque chose d'excitant, mais de particulièrement agaçant par moments aussi. Elle ne reviendra à son potage que lorsqu'il sera aussi glacé que la mer qui borde les côtes. Tant pis. Le devoir l'appelle.

La suite n'est plus qu'un enchaînement répétitif de gestes. La femme est posée sur une table nettoyée et couverte d'un drap descendu en catastrophe. Elle hurle toujours, halète, et il faut que Liza immobilise doucement la tête de la future mère pour que cette dernière commence à se calmer. « Tout va bien se passer. Respire. » Sa voix, calme et posée, a un effet apaisant. Coup d'œil autour d'elle, Alizarine pointe du doigt le père (elle suppose), et elle lui ordonne de tenir la main de la femme en travail et de lui dire tout ce qu'il peut pour la rassurer. Elle n'a pas que ça à faire, elle va avoir besoin de sa voix pour la suite, et elle préfère ne pas trop réfléchir à quoi dire. Aidant la jeune femme à se positionner bien pour donner la vie, elle se lave les mains avant d'écarter les jambes de la donzelle et de vérifier l'ouverture… Elle voit déjà le haut du crâne, comprend qu'il va falloir s'y mettre très vite. Le compte à rebours est enclenché, il n'y a plus le choix.
Alizarine est rodée à ce genre d'exercice et c'est de sa voix paisible qu'elle guide la jeune mère dans sa respiration et ses contractions, ses poussées, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'elle puisse extirper le nouveau-né de sa mère. Les ordres habituels suivent. Les ciseaux, chauffés à blanc, coupent le cordon, elle le noue, nettoie le nourrisson, le laisse pousser son premier cri strident et long, (qui s'ensuit de sanglots aïgus). Elle lui nettoie le museau, l'emmitoufle dans un drap chaud (et propre, hein)… Puis le donne à la mère. Des gestes encore et encore répétés. Et une fois que tout cela est réalisé, elle donne quelques instructions (plutôt gestuelles que verbales) et s'écarte enfin tout en essuyant le sang qui macule ses mains à l'aide d'un linge déjà bien rougi.

- - - - - - - - - -

Loin d'être consciente qu'un intrus s'est glissé dans l'auberge tandis qu'elle accouchait la nouvelle mère, elle va pour retourner à sa table lorsqu'une main s'abat sur son épaule. La voix qui accompagne la main glacée est caverneuse, grave. Un homme (en même temps, avec une paluche pareille). « Vous. » Elle daigne se retourner, le chiffon maculé toujours dans la main droite. L'homme a qui elle fait face n'est pas d'ici : sa dégaine le trahit. Ça et le fait qu'il soit complètement trempé de la tête aux pieds alors que même les chiens ne sortent pas par ce temps. Sourcils froncés, air grave, il a l'air de vouloir lui demander (ou de lui ordonner, peut-être) quelque chose. Il libère son épaule, tandis qu'elle soutient son regard. « Vous avez l’air de vous y connaître, en boucherie. » Boucherie ? Le terme soulève très légèrement (presque imperceptiblement) un coin des lèvres d'Alizarine. En voilà un nouveau surnom : la bouchère ! Elle arque un sourcil, sans dire mot. Oui, donc, que lui veut-il ? Clairement, il ne veut pas qu'elle l'aide à accoucher… Il dévoile bientôt son flanc gauche. La première chose qu'elle repère, en bonne Sombrelame qui se respecte, c'est la garde de l'épée. La menacerait-il ? Sauf que ce qu'elle avait pris pour une chemise rouge s'avère être une chemise blanche très tachée. L'homme est blessé. Méchamment blessé. Suffisamment, en tout cas, pour qu'il brave la tempête à la recherche d'un semblant de couturière. « Vous savez coudre ? » D'accord, il ne la défie pas en duel. Ou ne la menace pas. Quoique. Elle hoche la tête, positivement. Sauf qu'elle n'a pas d'aiguille ou de fil. Pas sur elle, en tout cas. Et qu'elle n'est pas chirurgien ou barbier. Coup d'œil derrière elle. Les instruments (bassines, linges, etc.) sont toujours dans le coin où elle a accouché la femme. Sauf qu'il y a plein de monde dans ce coin-là. Et vu l'endroit de la blessure, s'il bouge un bras, il risque d'aggraver le tout. Rapidement, Alizarine comprend qu'il faudra qu'elle ôte la pelisse et la chemise de l'homme blessé, si elle veut pouvoir faire quelque chose. Les autres occupants de l'auberge sont encore moins connaisseurs en terme de chirurgie, il n'y a qu'elle pour faire ce boulot. Un nouveau chantier s'annonce. « Attendez-moi là. elle lui désigne l'âtre de l'auberge, où le feu crépite doucement. Et ne vous asseyez pas. » Ceux qui l'ont aidé à amener un nouveau-né au monde vont l'aider à garder un homme en vie. Trop de bonnes choses dans la même soirée.

Elle laisse l'homme trempé jusqu'aux os aller se réchauffer un peu auprès du feu, et en avise deux qui font faire ses aides. L'énorme bassine en étain qui contient l'eau encore chaude est apportée sur une table près de l'âtre, les linges encore propres la suivent. Et la femme de l'aubergiste est partie chercher des aiguilles et du fil (coup de chance, elle reprise régulièrement des vêtements, puisqu'ils n'ont pas assez pour s'en acheter des neufs). Alizarine revient auprès du grand blessé et écarte précautionneusement les pans de la pelisse de l'homme. La chemise poisse du sang. Coup d'œil à l'homme. Non, il n'a pas l'air à deux doigts de tourner de l'œil. Endurant, un grand machin comme ça. « On se réveille., qu'elle lui grogne tout en considérant la tache grenat. Vous pouvez tendre les bras ? »
Elle finit par le débarrasser de sa pelisse, qu'un individu lambda extérieur à la scène importante récupère et pose sur le dossier d'une chaise. Maintenant la chemise, que cet imbécile a -comme la plupart de ces imbéciles d'hommes- rentrée dans son pantalon. Si elle tire dessus, elle lui fera mal… Oh, ça lui servira de leçon. Elle ne peut décemment pas commencer à défaire le bas de l'homme. Sinon, ça va jaser. Donc elle défait habilement les boutons de la chemise de l'homme et, une fois que cette besogne est réalisée, elle écarte doucement le pan ensanglanté du torse de l'homme… et tire pour l'extirper du pantalon. Tant pis s'il a mal. Il n'avait qu'à y penser avant de se blesser. Pareil avec l'autre pan, et la chemise finit sur le dossier d'une chaise. « Bougez toujours pas. » La ceinture qui tient les armes finit avec le reste. Un (bel) homme torse nu fait face à Alizarine, qui n'a malheureusement pas le temps d'apprécier ce que la nature a fait de bien. La blessure est trop grande pour être le fait d'une lame. Trop irrégulière pour être un pieu… Elle, qui s'était baissée pour observer de plus près les dégâts, se relève vers l'homme. « Comment vous vous êtes fait ça ? » Les autres autour se sont écartés : il y a quelque chose chez l'homme qui ne leur inspire pas confiance. Ils n'oseront pas cacher ses armes parce qu'ils savent qu'il le leur fera payer s'ils tentent une idiotie de ce genre. Mais il y a quelque chose de trop sombre chez cet homme venu du froid, pour qu'ils s'inquiètent véritablement de son sort. Il n'y a peut-être qu'Alizarine qui ne se soucie pas des convenances et qui a l'air décidée à l'aider. Peut-être vaudrait-il mieux qu'ils soient tous les deux, au calme. Ou avec une tierce personne, s'il faut tenir l'homme. C'est ce que propose la femme de l'aubergiste qui redoute que l'homme soit un fuyard, un hors-la-loi, quelqu'un qui attirera des ennuis à leur gagne-pain déjà bien mal en point. Elle l'a murmuré à l'oreille d'Alizarine -il a fallu qu'elle se hisse sur la pointe de ses pieds pour atteindre l'oreille de la femme rouge, plus grande qu'elle. L'affaire est entendue tacitement.

Et c'est ainsi qu'ils finissent par n'être que tous les deux dans une des chambres miteuses de l'auberge. Les hommes qui avaient porté la grande bassine et les linges les ont montés dans la chambre, et sont partis. Liza assure qu'elle se débrouillera seule, se moquant bien que l'homme soit un assassin, un malfrat, ou le cousin de la reine. Tout ce dont elle a besoin est là, le fil, les aiguilles, les linges, l'eau, et une pince qui sera sans doute trop grosse, mais qu'importe. Ils sont seuls, et elle revient à la charge. « Qu'est-ce que vous avez fait pour vous faire une blessure pareille ? »
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MessageSujet: Re: notre aube fut rouge. (alizarine)   notre aube fut rouge. (alizarine) EmptySam 22 Fév - 12:40

Le feu ondoyant dans l’âtre le tranquillise. A dire vrai, savoir que cette femme ait accepté de l’aider lui apporte un certain réconfort, si ce n’est pas mental, au moins musculaire. Il est dorénavant certain de ne pas avoir à recourir à la force ou la menace, chose qui aurait été des plus sensibles en la situation que voici : face à des témoins, blessé comme du gibier. S’il est agile de sa lame, une procession de quelques gueux armés d’objets contondants aurait néanmoins pu venir à bout dudit fier escrimeur. Les flammes vacillent et l’on fait place autour, laissant l’inconnue aller et venir en préparant le terrain comme il se doit. L’attention de l’étranger se perd dans le chatoiement et la tiédeur, et quand bien même il sente sur lui des paires d’yeux intrigués – voire inquiets – il ne décroche pas un seul instant ses billes claires de la danse éclatante se jouant dans l’âtre.

Elle revient alors, l’ébranle quelque peu et aux questions ne répondent que des signes de tête. Il est exténué et la chaleur de l’auberge assomme sa carcasse après une telle traversée humide et glaciale. Il n’a plus d’autre choix que de se laisser faire comme un enfant, levant les bras lorsqu’on le lui demande, ne bougeant plus lorsqu’il le faut et serrant les dents lorsque la douleur devient trop aigüe, à tel mouvement ou tel toucher. L’habitude guide les gestes de la femme, conciliant expertise et crédibilité auprès de son patient qui ne manque pas de lui jeter quelques regards silencieux, attentif malgré le début de fièvre. Attentif à au travail mené, mais aussi attentif à elle. Étrange dame dont les reflets carmins paraissent irradier aux lueurs du feu. Son faciès se tranche subitement d’un rictus endolori. La plaie est disjointe du tissu de chemise et il se rend compte de la pression jusqu’alors exercée par sa pogne pour que l’étoffe se soit à ce point ancrée à la chair ouverte.

Il quitte la sensation trempe du textile, buste dénudé, et son menton se baisse sans ménagement pour mirer la blessure. Moche. Sale. Épaisse. La vision ne l’effraie pas, tout au plus grimace-t-il avec blase avant de relever ses calots pour les laisser courir sur les figures alentour. Les brebis ont peur de voir le loup dans la bergerie. C’est une réaction à laquelle il n’est que trop bien habitué. Des murmures sont échangés et les femmes, entre elles, s’accordent sur une même concession ; le mener dans l’une des chambres, à l’abri des regards. Il gratifie sa guérisseuse d’un nouveau signe de tête, restant quiet et silencieux pour ne pas plus troubler la paix précaire trônant dans la grande salle.

Une fois au premier, le séant de l’homme trouve un rebord de literie sur lequel il s’assoit avec harassement. Elle lui a pourtant conseillé de rester debout, lorsqu’ils étaient en bas, mais il ne peut décemment plus se tenir sur ses deux jambes engourdies par la longue marche et le froid mordant. La position exacerbe quelque peu la douleur mais soulage paradoxalement le reste du corps. Il veille à se tenir droit et les billes se lèvent vers la femme. C’est qu’elle ne démord pas et, quelque part, Mora lui accorde cette curiosité. C’est la moindre des choses au vu de l’aide apportée.
« Une mauvaise chute. » Quelque chose a changé dans sa voix. Il n’y a plus cette ombre menaçante entendue plus tôt. Seul un timbre rocailleux accompagne la parole pondérée de l’étranger. « Je possède un navire, et ce navire pâtit sévèrement de la tempête. Enfin. Moins, maintenant que nous nous sommes occupés de l’éclipser au vent et aux courants. Et occulter une frégate de cette ampleur à la colère des océans, ma dame, je vous prie de croire que c’est un combat de tous les instants. » Et sa frégate, il en parle comme d’une maîtresse, comme d’une mère, d’une fille, d’une femme unique et chère en son cœur. « Le pluie m’a bêtement fait glisser. Le bois des mâts est très lisse, pour un peu qu’il flotte et nos bottes valdinguent. » Il constate avoir dit la vérité. En d’autres occasions, il aurait très certainement impliqué un obscur combat duquel il serait ressorti vainqueur mais estropié. Le genre d’histoires qu’un pirate préfère conter, plutôt que d’avouer s’être fait malmener par son propre rafiot.

Il se tait un instant en observant l’inconnue. C’est qu’il se sent mis à nu – certes littéralement parlant, mais rares sont ceux à l’avoir vu affaibli, et plus rares encore ceux à l’avoir soigné. Peut-être n’a-t-il rien à prouver. Peut-être se sent-il différent, en cet instant. Plus homme que capitaine. Son torse parle pour lui, toile gravée de cicatrices, la carne redessinée par des lames et, sur son rachis, la caresse d’anciennes flagellations esclavagistes. Il n’est pas bien rude de faire le rapprochement entre cette effigie martyrisée comme celle d’un soldat, ledit navire et l’allure de baroudeur, pour conclure de cet homme une mauvaise réputation de flibustier.
De pirate.

« Vous ne me craignez pas. » Ce n’est guère une question. C’est une affirmation. « Ils ont tous compris. Ils ont tous eu peur. Mais vous, non. Même lorsque je vous ai présenté mon arme. Vous n’avez même pas bronché. » Il la dévisage sans suspicion aucune. Parce qu’au fond, ça lui fait du bien. Qu’on le regarde comme un être humain et non pas comme un monstre, un paria. Oui. Une fois l’an, ça fait du bien. Il retrouve l’homme civilisé qui sommeille en lui et qui, en compagnie de sa vermine, aurait tendance à se prosterner face au capitaine sanglant. « Pourquoi ? » La question se dérobe avant même qu’il prenne le temps de la formuler. C’est un murmure, donc, qui s’échappe d’entre ses lippes, tandis que le regard s’accroche au visage avec une étrange sollicitude.
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Alizarine Khan
Alizarine Khanalizarine
ɤ REGISTRATION : 29/12/2013
ɤ PARCHEMINS : 322
ɤ STATUT DU SANG : la roture, sans passer par la case savonnette à vilains, merci
ɤ CONTRÉE DE NAISSANCE : née à Brenwall, en Alcahar
ɤ METIER OU FONCTION : alleresse (servante de Gilraen & la Mère, dans un sens) & maître assassin, ça va bien ensemble
ɤ INVENTAIRE : (toujours avec elle) un prénom de merde • un nom de famille inventé (qu'importe) • une vie de merde • des fringues rouges • deux poignards • des onguents • une paire de ciseaux • quelques rares bijoux • une sacoche dans laquelle elle pourrait presque transporter toute sa vie

(caché à Brenwall) un bocal de conservation longue durée (une sorte de formol médiéval) où un bébé mort-né attend patiemment qu'elle remplisse le contrat qu'elle a avec les déesses Mère & Gilraen.

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MessageSujet: Re: notre aube fut rouge. (alizarine)   notre aube fut rouge. (alizarine) EmptySam 22 Fév - 12:55

Le feu brûle dans le foyer de la chambre, éclairant de rouge et d'orangé l'ensemble de la pièce. Dehors, le vent souffle, siffle, et la pluie n'est plus qu'un épais rideau qui cache tout et inonde l'horizon. Alizarine revient à l'homme blessé. Il s'est assis au bord de la couche. Tant pis pour lui, il aura mal. Mais il a l'air terrassé par la fatigue, alors elle ne grogne pas. Elle attend de voir ce qu'il lui dit, tandis qu'elle observe la blessure sans pour autant se rapprocher. Le sang coule toujours, épais, sombre, de la plaie. Loin de sécher il coule, poisseux. La voix de l'homme gronde de nouveau mais le ton de la menace a disparu. Sans doute a-t-il compris que ça ne servait à rien de tenter de l'impressionner (même si, sans vouloir le reconnaître, elle l'est tout de même un peu). Il s'évertue à lui raconter comment il s'est blessé.
Une chute. Une malheureuse chute. Elle l'écoute, sans rien dire. Elle essaie d'imaginer, la mer furieuse, le bateau en proie à des vagues gigantesques… N'étant jamais allée sur un navire, elle a du mal à se le représenter : elle le voit seul sur un rafiot, au final, tandis que le récit de l'homme continue. Il n'a pas besoin d'aller plus loin, elle comprend qu'il est tombé sur un bout de bois aiguisé ou quelque chose de ce style. C'est donc le bois qui l'a blessé. Pauvre homme.

À la lueur du feu, elle repère les cicatrices qui cisellent le torse de l'homme, comme une carte au trésor. Un combattant, sans armure. L'épée du bretteur qu'il avait dévoilée à son côté gauche, en bas dans la grande salle, donnait déjà ce genre d'informations. La Sombrelame relève les yeux vers l'homme et n'importe quel imbécile peut déduire qu'elle sait ce qu'il est. Un pirate. Plus ou moins maniéré, peut-être. Mais un pirate tout de même. Elle s'en moque. « Vous ne me craignez pas. » Il a compris, lui aussi. Peut-il croire à l'histoire de l'alleresse qui a déjà vu assez de sang pour ne plus rien craindre ? Ou se doute-t-il que sous ses airs de sage-femme innocente, qui ne fait qu'apporter la vie sur Kahanor, il y a un autre visage qui se cache ? Une autre accoucheuse aurait frémi à la vue de l'arme et du sang de l'homme. Liza n'a même pas haussé les sourcils, voyant l'arme avant la blessure. Croira-t-il qu'elle a simplement vu d'autres horreurs pour avoir peur d'une épée ? Se doutera-t-il de l'anguille sous la roche ? Non. Il n'a pas encore compris, comme l'atteste la question qui lui échappe. « Pourquoi ? » La croira-t-il si elle lui ment ? Non… Il lui a fait grâce de lui dire la vérité au sujet de sa blessure (en même temps, cela valait mieux pour lui), elle peut lui dire (une partie de) la vérité. Sans que son visage ne trahisse une quelconque émotion particulière, elle porte un doigt à ses lèvres, pour lui intimer le secret. Et la voilà qui remonte ses jupons (rouges) pour découvrir un mollet clair, auquel est attaché un poignard long d'une vingtaine de centimètres. Et puis elle laisse les jupons retomber en silence, et un sourire au coin des lèvres, elle demande simplement : « Satisfait ? »
Elle ne lui aura pas menti, elle a simplement omis de lui dire que ce poignard était là parce qu'il lui arrivait de tuer des gens pour rétablir un semblant d'équilibre dans le monde. Ce ne sont pas des choses qui se révèlent à une personne tout juste rencontrée. Elle ne sait même pas le nom de l'homme, alors il ne faut pas qu'il espère qu'elle lui révèle tous ses petits secrets. Elle respecte les siens (car il en a forcément), et elle ne dévoilera pas ses propres secrets. Chacun a droit à un petit jardin secret.
Au final, le poignard à son mollet peut aussi être vu comme une menace retournée : elle a une arme, elle est capable de s'en servir. Ça explique aussi qu'elle se moque comme d'une guigne d'avoir un "chaperon" ou une sorte de garde dans cette pièce tant qu'elle va recoudre l'homme. Le laissant reprendre quelques forces, assis sur le bord de la literie, elle prend un tabouret bancal qui attendait patiemment dans un coin de la chambre, le pose devant l'âtre. « Asseyez-vous là, je verrai mieux. » Le tonnerre roule dehors et la pluie s'écrase sans discontinuer sur la petite vitre embuée de la chambre. Elle tourne, cherche un autre siège, le tire de sous la table. Elle s'assied en face de l'homme et, armée d'un linge humidifié, elle entreprend de nettoyer la blessure. Le chiffon bientôt rougi finit au feu : il est irrécupérable, de toute façon. Un autre prend sa place dans la main d'Alizarine qui finit par y voir plus clair. L'entaille n'est pas si large qu'elle le craignait, et tandis qu'elle éponge le sang, elle repère un bout de… Pas de chair… « Du bois ? » Ça lui échappe. Elle relève les yeux vers l'homme, interrogative… Puis comprend bientôt qu'il s'est bien fait mal, et qu'il y a des éclats de bois (ou en tout cas, au moins un visible) logés dans la blessure. Fantastique. Le sang ne coagule nullement, et les pinces qu'on lui a donné sont beaucoup trop grosses pour manœuvrer dans une blessure pareille. En effet, ce sont des pinces qui servent à sortir une bûche du feu, pour aller allumer les feux des autres chambres. Or, point de bûche dans la blessure, mais un éclat, fin. Alizarine va devoir y mettre ses doigts longs et effilés si elle veut pouvoir déloger l'éclat qui est juste sous son nez, logé dans la chair de l'homme, rougi du sang du pirate.

Elle n'a rien pour anesthésier l'homme, aucun baume pour nettoyer des plaies. À vrai dire, Alizarine sait bien que les infections des plaies existent, mais elle n'a pas le temps de battre la campagne pour aller cueillir des plantes -surtout pas par ce temps-là. Paumée dans un village sur la côte d'Alcahar, c'est déjà un miracle qu'elle ait accouché une femme qui a été transportée en brancard, et que la mère soit encore en vie. Moue gênée, elle alterne entre la blessure et le visage de l'homme. Puis, les yeux sur la plaie, elle finit par dire : « Je vais devoir faire avec les moyens du bord. Mordez… ça. et voilà qu'elle ramasse le chiffon souillé qui était tombé au sol et lui tend, sans se soucier de savoir si c'est hygiénique, ou s'il aime le goût du sang. Je vais vous faire un peu mal, et j'aimerais autant que vous ne vous coupiez pas la langue. » Le feu crépite, le sang coule encore, l'éclat de bois nargue l'alleresse. « Prêt ? » Elle n'attend même pas qu'il lui réponde, et la voilà qui d'une main appuie les parois de la blessure pour les écarter un peu (pas trop), et de l'autre main tente d'attraper le maudit éclat de bois moqueur. Elle s'y reprend une fois, deux fois, et parvint enfin à attraper l'éclat poisseux de sang, l'extirper et le poser sur sa robe, sur laquelle elle s'essuie allègrement les doigts ensanglantés. « Faites pas cette tête. Si vous me détestez déjà pour ça, vous allez vouloir m'égorger quand j'aurais commencé à vous recoudre. Cela dit, c'est peut-être déjà le cas ? » Ombre d'un sourire qui ourle ses lèvres : moqueuse ? provocatrice ? Qu'importe. Elle le fixe, un temps, tout en continuant de s'essuyer les doigts sur sa robe déjà rouge. Attendrait-elle qu'il l'envoie paître ? Qu'il décline les services souhaités ?
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MessageSujet: Re: notre aube fut rouge. (alizarine)   notre aube fut rouge. (alizarine) EmptyDim 23 Fév - 2:33

Un index sur la pulpe lui intime le silence et, aussitôt, les bas de la robe sont hissés telle une voile de navire pour découvrir un pan de carne ornée d’une arme. Il observe en se taisant, avant qu’on ne lui dérobe le spectacle en rabattant l’étoffe rouge. Il ne sait ce qui a pu l’hypnotiser au plus : la dague ou la chair dénudée. Elle le questionne et, pour toute réponse, un sourire s’élime sur la figure du patient, en coin, évidemment, comme un pacte scellé de secret gardé. Le voilà éclairé sur l’hardiesse – ou tout du moins le sang-froid – de la dame. Elle n’est pas femme à se laisser impressionner par l’éclat sauvage d’une lame. Il se met à observer avec quiétude la silhouette qui se meut dans l’espace afin d’y récupérer un antique tabouret. La robe, aux leurs du feu, paraît comme exsuder de sang. La vision est si funeste qu’un air grave se met à hanter les ridules de l’homme que la douleur comprime déjà. Il se rend peu à peu compte de son fourvoiement, celui d’accorder une confiance aveugle à une étrangère dont il ne connaît pas même le nom. Blessé, dépouillé de ses habits et de son épée, il ne devient plus qu’un agneau à la merci d’une dague amarrée à un mollet d’ivoire. La paranoïa d’habitude si démesurée de Mora semble s’être acclimatée à la bienfaisance innée de sa sauveuse. Est-ce une bonne chose ? Il imagine difficilement un être lui voulant du mal s’attarder à le soigner de la sorte. A moins que ce ne soit pour mieux le livrer à la justice … ?

« Asseyez-vous là, je verrai mieux. » Il se redresse malgré tout. Il n’a pas franchement le choix. Son état ne lui permet aucune extrapolation équivoque au sujet de l’inconnue. Il doit se fier à son flair. Et son flair ne renifle que la fragrance d’une curieuse sérénité. D’où peut bien venir cette paix que la dame instigue en lui ? Les effigies se font bientôt face et pendant qu’elle décrasse la plaie, le regard clair du capitaine se reprend à la dévisager. Le derme à vif lui semble être labouré tant la sensibilité est exacerbée et, par instants, les muscles se contractent par réflexe. « Du bois ? finit-elle par dire. » Il détourne le menton pour mirer l’incision. Un haussement de sourcils accueille la réaction. « Une écaille de navire. » Comme diraient les marins. Il n’a pas l’air étonné de voir que sa blessure suppure de quelques déchets accidentels. De sa chute à cette chambre, il n’a pas un seul instant pris le temps de sarcler la balafre. C’est donc ça qui griffe sa viande ouverte. Il s’attend à devoir pâtir s’il veut voir la fameuse écaille se déloger de la chair et, comme prévu, elle lui tend un tissu sale dans lequel il n’hésite pas à planter ses canines. Il est habitué aux saloperies ornant son émail pour pouvoir empêcher sa langue d’être tranchée par la douleur. Ce n’est pas sa première cicatrice.
« Prêt ? » Il branle du chef sans hésitation et les doigts partent en excursion dans l’écorchure en arrachant un grognement tendu chez Mora qui finit par barricader sa mâchoire de deux fentes raides. Les veines de la nuque saillissent ; c’est que la vilaine joue réellement à la bouchère. Il prend cependant sur lui pour ne point se mouvoir et laisser les serres s’en aller quérir le cure-dents avec soin. Et par soin l’on n’entend pas à une, pas à deux, mais à trois reprises …

Enfin dépiauté, une expiration profonde s’échappe des naseaux en même temps qu’il récupère le torchon humidifié d’une écume rageuse. Un instant, le portrait du capitaine se mue d’une sévérité agacée que seule la douleur – et les quelques répétitions – viennent déposer sur ses traits. Mais, balayés par une brise reconnaissante, les ressentiments s’évaporent aux paroles énoncées. Une risette s’invite même sur les commissures.
« Je serais bien sot de vouloir votre mort. Je n’ai pas fait tout ce chemin pour exécuter la seule personne capable de me soigner. Et ce serait un tel gâchis … » Le regard divague. Il divague des mains ensanglantées qu’elle s’efforce d’essuyer à même l’étoffe, jusqu’à la panse, le buste et puis le décolleté. Peut-être imagine-t-il là-dessous des mamelles à faire rougir le plus frigide des moines. Pris sur le fait, il détourne son attention vers les flammes de l’âtre, non pas gêné, mais troublé.
« Pardonnez-moi. » Un loup de sa trempe qui s’excuse, voilà bien un miracle. Mais le pirate ci-présent paraît être pourvu d’une bien plus noble courtoisie que n’importe quel autre brigand écumant les océans. « Je n’ai pas vu de femme depuis plus d’un mois. » Autrement dit : je n’ai pas goûté à l’arôme exquis d’un bouton de rose depuis plus d’un mois, si l’on aime la poésie. Un sourire cocasse s’invite alors qu’il continue de scruter le feu. « Quelle piètre caricature que vous devez avoir de moi. Entre ma blessure "de guerre" et ma soif de chien en chaleur, la médiocrité s’amoncelle. » Il se décide à la regarder à nouveau, demandant simplement :
« Puis-je connaître votre nom ? »
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Alizarine Khan
Alizarine Khanalizarine
ɤ REGISTRATION : 29/12/2013
ɤ PARCHEMINS : 322
ɤ STATUT DU SANG : la roture, sans passer par la case savonnette à vilains, merci
ɤ CONTRÉE DE NAISSANCE : née à Brenwall, en Alcahar
ɤ METIER OU FONCTION : alleresse (servante de Gilraen & la Mère, dans un sens) & maître assassin, ça va bien ensemble
ɤ INVENTAIRE : (toujours avec elle) un prénom de merde • un nom de famille inventé (qu'importe) • une vie de merde • des fringues rouges • deux poignards • des onguents • une paire de ciseaux • quelques rares bijoux • une sacoche dans laquelle elle pourrait presque transporter toute sa vie

(caché à Brenwall) un bocal de conservation longue durée (une sorte de formol médiéval) où un bébé mort-né attend patiemment qu'elle remplisse le contrat qu'elle a avec les déesses Mère & Gilraen.

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MessageSujet: Re: notre aube fut rouge. (alizarine)   notre aube fut rouge. (alizarine) EmptyDim 23 Fév - 11:02

Alizarine n'est pas particulièrement fière d'elle : elle aurait préféré réussir à saisir l'éclat de bois (l'écaille de navire, si c'est ainsi que l'on dit) à la première tentative. Mais poisseux de sang, il glissait, et c'est toujours compliqué de manœuvrer à l'intérieur d'une blessure quand on a que ses doigts pour ce faire. Il semble lui en vouloir une fraction de seconde, mais l'hypothèse qu'elle émet à haute-voix suffit à le dérider. Il se permet même un compliment à son égard, qui loin de la faire rougir (elle en a déjà entendu d'autres, et des plus crus) étire son sourire en coin. Elle l'observe, sans mot dire, et sent qu'il la déshabille du regard. Il s'attarde sur sa poitrine, et elle le ramène à la réalité : « Ah oui ?, demande-t-elle, amusée par le manège. » Point de reproche dans cette interrogation. Il peut bien regarder ce qu'il veut, elle est loin d'être gênée comme une petite prude des châteaux, qui rougit dès qu'un preux chevalier croise son regard. L'alleresse a passé l'âge pour ces enfantillages.
Il détourne le regard vers le feu, et elle se lève sans bruit pour aller prendre fil et aiguille, posés sur la table en bois qui pourrit depuis des années. La femme de l'aubergiste lui a prêté tout ce qu'elle possédait : des bobines de fil emmêlés, une pelote de laine (qui ne servira à rien), et plusieurs aiguilles de différentes tailles, dont une en corne, très jolie, mais bien trop grossière pour l'usage qu'elle veut en faire. Elle prend la réaction de l'homme pour de la gêne, même si elle sent qu'il ne s'encombre des convenances que pour très peu de choses. Et pourtant, comme on le disait, elle prend le regard de l'homme comme un compliment, et non pas comme une insulte. Elle est bien consciente de l'effet qu'elle peut produire, avec sa robe près du corps, d'une couleur qui attire le regard, et son décolleté trop plongeant pour être raisonnable. Armée de ses poignards, et forte de son entraînement, elle se moque bien du désir qu'elle peut attiser. S'en est toujours moquée, à tel point que son maître pendant son apprentissage la rappelait parfois à l'ordre en lui disant de ne pas se faire remarquer.

« Pardonnez-moi. » Perdue dans la contemplation des aiguilles à sa disposition, Alizarine avait presque oublié (presque, ne divaguons pas non plus) la présence de l'homme. Elle tourne la tête vers lui et l'observe. Il regarde toujours l'âtre, et lui présente des excuses qui n'ont nullement lieu d'être. L'homme a beau être flibustier, il a beaucoup plus de manières qu'un  pirate imbécile ivre d'eau de mer. Un marin avec une éducation, peut-être ? Cela existe bien, après tout. Ainsi donc, il a passé plus d'un mois en mer. Elle comprend bien qu'il ait des besoins ou des idées qui lui traversent la tête face à elle. Elle ne l'interrompt pas, cependant, le laissant continuer pour voir où il veut (où il va) en venir. Elle est revenue à sa comparaison des différentes aiguilles, et finit par en trouver une alors qu'il brosse un auto-portrait bien en deçà de ce qu'elle perçoit. Un mince éclat de rire se faufile entre ses lèvres, signe qu'elle ne croit pas le moins du monde à la médiocrité de l'homme qui s'est présenté à elle. Bien entendu qu'il ne paie pas de mine, avec sa blessure obtenue en chutant, et sa réaction si primitive face au corps féminin, mais qui est-elle pour juger ? Et puis, il sait parler, il est bel homme, et la voix grave et rocailleuse de l'inconnu a un charme indubitable. Le fil et l'aiguille sélectionnés en main, elle revient auprès de l'homme, s'assied de nouveau et, tournée vers le feu, elle passe le fil dans le chas de l'aiguille, le déroule de sorte à avoir un fil doublé assez long pour recoudre l'entaille.
Elle devine le regard de l'homme posé sur elle plus qu'elle ne le sent réellement, mais elle est encore trop occupée par la longueur du fil pour lui rendre le regard. La question posée lui arrache un sourire amusé. Elle comprend parfaitement les avances sous-jacentes qui se dissimulent sous ses mots. Ou bien peut-être lui demande-t-il son nom simplement pour pouvoir s'adresser à elle ? À d'autres ! Il faudrait vraiment être une camériste écervelée n'ayant jamais vu le loup pour ignorer ce qu'il se passe. Il a avoué ne pas avoir connu de femme depuis un mois, et sa silhouette ne le laisse vraisemblablement pas indifférent. Quittant finalement le fil et l'aiguille du regard, elle le pose sur l'homme. Sans chercher à le séduire plus que cela, son visage a quitté ses apparats de fermeté et de sérieux. « Mon nom est bien trop long à prononcer, même les gens qui le connaissent réussissent à se tromper. Mais, vous pouvez m'appeler Liza, si vous y tenez. » Est-ce son vrai nom ? un diminutif ? Peu de choses permettent de le savoir, mais elle n'en est pas vraiment à mentir.

Elle ne l'interroge pas en retour. Pas parce qu'elle ne veut pas le savoir, loin de là. La curiosité, vile tentatrice, serait ravie d'apprendre le nom de l'homme. Mais elle sent que, si elle ne le lui demande pas, il finira tout de même par se présenter. On ne peut pas demander pardon d'avoir laissé son regard s'attarder sur des atouts féminins sans penser à se présenter : l'homme n'est pas maniéré, mais il connait la politesse. Elle essaie de déduire d'autres choses de l'homme, mais sait bien qu'elle n'apprendra rien de plus si elle ne l'enjoint pas à parler de nouveau. Son regard quitte les iris de l'homme pour descendre sur le torse marqué par des combats et des accidents. Il serait peut-être temps de le recoudre. Elle rapproche son tabouret de celui de l'homme, leurs genoux se touchent sans qu'elle ne cherche à bouger ses jambes. Elle se décale néanmoins lorsqu'elle se rend compte que son ombre projetée par le feu couvre la blessure. Penchée légèrement sur le côté droit, la bobine de fil sur sa robe, au niveau de ses cuisses, Liza sait qu'elle va devoir distraire l'homme pour pouvoir au moins planter l'aiguille dans sa peau. C'est un pirate, d'autres cicatrices prouvent qu'il a déjà été recousu, et elle ne craint pas vraiment de lui faire mal. C'est simplement la première réaction qu'elle redoute, celle qu'elle avait constamment quand elle était plus jeune et qu'elle apprenait à coudre auprès de sa même. À chaque fois que l'aiguille rencontrait son doigt, elle la lâchait brutalement et la main blessée (de façon minime, certes) partait en arrière.  
« Racontez-moi donc vos exploits, monsieur de la Flibusterie. Que faites-vous en Alcahar ? » Une invitation comme une autre à lui donner son nom, son grade, et à lui raconter ses dernières aventures. Tout pour le détourner de ce qu'elle va faire pendant quelques minutes. Et tandis qu'il parle, elle commence à le recoudre, s'efforçant d'être délicate et de ne pas plus charcuter l'homme qu'il ne l'est déjà. Penchée en avant, sans se soucier de ce que son décolleté peut encore dévoiler, les cheveux qui roulent sur ses épaules pour tomber devant, elle se concentre sur sa besogne, tout en écoutant attentivement le récit de l'homme. Sa main gauche est posée sur le flanc de l'homme, sous la blessure, et tient la peau tout en recueillant encore le sang qui entame sa coagulation. La droite, habile, recoud la plaie. Elle a pris le fil le plus solide qu'il y avait, noir, relativement fin (d'où le fait qu'elle le double). Précautionneusement, elle referme l'entaille, en prenant soin de ne pas emmêler son fil relativement long. Les instructions de sa mère couturière lui reviennent en mémoire, et un rictus amusé et éphémère orne bientôt ses lèvres face à l'ironie du moment : elle qui avait juré qu'elle ne deviendrait jamais couturière se retrouve à recoudre un homme. On a fait pire, remarquez. Elle l'écoute, enregistre les paroles de l'homme et commence à voir se dessiner le véritable portrait. Pas seulement l'homme blessé et brûlant de désir, piètre caricature il est vrai. Mais l'homme puissant, autoritaire, intelligent, bestial aussi.
Lorsqu'elle arrive au bout de sa couture sur peau, en essayant de ne pas trop le montrer, Liza est sous le charme de cet homme mystérieux, venu de la pluie diluvienne, et encore ensanglanté. Elle prend le poignard accroché à son mollet pour couper le fil et libérer l'aiguille. Se lève pour aller poser l'aiguille et le poignard sur la table, et rincer ses mains dans la grande bassine d'eau. Puis se retourne vers le pirate et lui donne un conseil typique des chirurgiens : « Vous devriez boire, avec tout le sang que vous avez perdu… » Tout pour retarder l'inévitable qui approche à grandes enjambées. Ou pour donner l'illusion qu'elle n'est point intéressée ? Sans doute pas, non. Inconsciemment, quelque chose dans son attitude s'est modifiée. Femme facile ? Il croira bien ce qu'il voudra, hein.
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MessageSujet: Re: notre aube fut rouge. (alizarine)   notre aube fut rouge. (alizarine) EmptyLun 24 Fév - 18:37

C’est d’un simple surnom, dont il faudra se contenter. Il esquisse un sourire entendu et accepte silencieusement la suggestion. Liza. Il est vrai qu’ainsi, aucune écorchure ne risque d’être prononcée. Se demande-t-il quelles sont les véritables lettres ornant l’effigie de la dame ? Non. Il ne souhaite, finalement, n’avoir qu’une sonorité bien propre à formuler lorsqu’il s’adresse à elle. Une ouverture courtoise pour … eh bien. Approfondir le maigre lien les unissant. Un lien aussi fin que les fils censés le recoudre. C’est ainsi que font les êtres civilisés. Un jeu semblable à un échiquier où l’on place peu à peu ses pions pour frôler la reine. Le seigneur des mers regrette parfois de ne pouvoir ainsi converser avec ses hommes. Il n’est question que d’ordres rugis, d’autorité cinglante et, parfois, de camaraderie triviale. Une tape dans le dos ou un regard sera toujours plus significatif pour ces chiens qu’un long discours quintessencié.
Elle se place un peu mieux à ses côtés, étirant un silence qu’il ne se décide pas à briser. L’âtre crépite pour combler la tiède quiétude tandis que les corps se meuvent de peu pour trouver la meilleure position à la séance de couture.
« Racontez-moi donc vos exploits, monsieur de la Flibusterie. Que faites-vous en Alcahar ? »
Les sourcils de l’étranger s’élèvent doucement en rivant les globes oculaires sur le portrait féminin.
La partie continue.

L’aiguille se met à transpercer la carne comme une canine animale le ferait dans de la viande, tirant un bref rictus au capitaine qui s’efforce de garder un flegme des plus orgueilleux. Ce n’est pas la première fois que l’on rafistole sa charpente, allons, du nerf. Il sent le derme à vif pâtir des morsures infligées par le métal mais son esprit repousse bien vite la sensation. La fierté du mâle se mue en une robuste falaise qui n’a que faire de ces fracassantes hurlant contre sa roche.
« Un homme qui narre ses exploits est un homme qui doute de sa valeur. » Un air narquois se glisse sur ses ridules alors qu’il adresse un demi-sourire roublard à la guérisseuse. « Ou alors c’est qu’il est un vieillard entouré de ses petits-enfants qui ne réclament que des récits au coin du feu. » Une lueur résignée traverse les billes du loup de mer. Voilà bien un tableau qu’il est certain de ne jamais vivre. Son existence intrépide a été jusqu’ici bien miséricordieuse de le mener à l’aube de ses quarante ans sans le noyer dans les fonds sous-marins, la gorge tranchée par un sabre et les viscères à l’air. « Je suis venu dans le nord pour faire commerce avec quelques tribus … leurs ressources me sont précieuses. De bien des manières. » Le voici flanqué d’un sens aigu du commerce, mais, ce commerce, tout banal qu’il semble être décrit, n’a guère l’air d’être très légal. Qu’est-ce qui le serait, avec un pirate ?
L’aiguille continue sa perforation, refermant lentement mais sûrement la plaie derrière elle. « Vous êtes d’ici, n’est-ce pas ? » L’accent ne trompe pas. Il la mire en silence quelques courtes secondes. C’est à ce point rhétorique qu’un simple échange de regards confirme sa théorie. « Je viens rarement dans cette contrée. Ma fille ne peut guère supporter les températures extrêmes d’Alcahar, aussi j’évite de trop m’attarder en ces terres. Mais si le temps est aussi barbare qu’un prédateur vorace, je dois bien reconnaître le sens profond de l’hospitalité dont ses autochtones sont capables. A croire que le froid ravive les cœurs. » Si, cette nuit, sa présence dans l’auberge n’a guère été plus qu’un dérangement pour le tenancier et les clients, ses échanges avec les tribus alentours n’ont été jusqu’à présent qu’alliances profitables et rencontres certes archaïques, mais authentiques.
Sans parler d’une certaine alleresse au teint exsangue et aux éclats vermeils.

Qui, par ailleurs, en a terminé de son travail.
A la lueur de la lame du poignard, l’attention du capitaine se dédouble en méfiance innée. Mais il n’est question que d’un fil que l’on coupe et d’une blessure refermée. Relevée pour aller décrasser ses mains, celle qu’il doit dorénavant nommer Liza lui prodigue un conseil qu’aucun flibustier n’aurait dans l’idée de contester. « Si vous me laissez vous payer un verre. Enfin. Si la vermine d’en bas ne s’est pas déjà occupée de dépouiller toute ma bourse. » Ils n’oseraient pas, se gausse le seigneur, mais ce ne serait pourtant pas la première fois. « Capitaine Mora, fait-il subitement. Mais vous pouvez m’appeler Hermeus, imitant avec badinage les paroles de la dame énoncées plus tôt. »
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Alizarine Khan
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ɤ REGISTRATION : 29/12/2013
ɤ PARCHEMINS : 322
ɤ STATUT DU SANG : la roture, sans passer par la case savonnette à vilains, merci
ɤ CONTRÉE DE NAISSANCE : née à Brenwall, en Alcahar
ɤ METIER OU FONCTION : alleresse (servante de Gilraen & la Mère, dans un sens) & maître assassin, ça va bien ensemble
ɤ INVENTAIRE : (toujours avec elle) un prénom de merde • un nom de famille inventé (qu'importe) • une vie de merde • des fringues rouges • deux poignards • des onguents • une paire de ciseaux • quelques rares bijoux • une sacoche dans laquelle elle pourrait presque transporter toute sa vie

(caché à Brenwall) un bocal de conservation longue durée (une sorte de formol médiéval) où un bébé mort-né attend patiemment qu'elle remplisse le contrat qu'elle a avec les déesses Mère & Gilraen.

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MessageSujet: Re: notre aube fut rouge. (alizarine)   notre aube fut rouge. (alizarine) EmptyMar 25 Fév - 0:09

Au final, il ne lui apprend pas grand chose sur lui-même. Les informations qu'elle récupère au fil du discours lui permettent tout de même de mieux comprendre ce qui meut l'inconnu. Lui, en retour, a déjà déduit des choses sur elle. Oui, elle est d'Alcahar : leurs regards se croisent sans qu'elle n'ajoute plus d'informations. Peut-être plus tard. Pour le moment, elle le recoud encore et ne veut pas s'encombrer avec des réponses formulées. Parfois elle peut parler tout en agissant. Là, quand il s'agit de refermer une blessure de façon pérenne, elle préfère se concentrer d'abord sur sa besogne. La conversation viendra après : l'état dans lequel le blessé se trouve laisse deviner à Alizarine qu'il ne ressortira pas dans la nuit torrentielle. Ça, et le regard qu'il pose sur son corps à elle.

Elle s'essuie les mains dans un linge qui rougit, comme les autres auparavant, récupère son poignard et le glisse dans le fourreau à son mollet. Avec le temps, elle s'est habituée à sentir le poids de l'arme, et elle se sent presque nue lorsqu'il n'est plus à sa place. Bon, quand elle l'enfonce dans le ventre d'un homme qu'elle doit tuer, elle oublie cette sensation, bien sûr. Entretemps, son patient lui propose de lui offrir un verre. Réflexion brève, non pas qu'elle refuse qu'un malfrat lui paye à boire, mais plutôt qu'elle se souvient avoir laissé un potage sur la table qu'elle occupait avant que la taverne ne fourmille d’activités. Nostalgie soudaine : adieu potage glacé, sans doute donné à la toute nouvelle mère. Qu'importe, après tout. Elle n'a finalement pas le temps d'accepter la proposition qu'il lui donne enfin son nom. Mora. Hermeus Mora. Elle ne relève pas la moquerie légère. Et Monsieur est Capitaine. Ça, d'un autre côté, elle l’a déjà plus ou moins compris : la façon qu'il a eu, plus tôt, de parler du navire, avec ce semblant de fièvre passionnée dans la voix, presque imperceptible. Mais donc, elle vient de recoudre un marin gradé. Sympathique. Cela dit, elle sait d'ores et déjà qu'elle ne pourra sans doute jamais s'en vanter, déjà que ça n'est pas dans ses habitudes. Le flibustier a peut-être sa tête mise à prix. L'ombre d'une idée passe et ne s'arrête pas : impossible pour elle d'envisager d'abattre celui qu'elle vient d'aider. Le hasard l'a amené là, blessé, et elle a choisi de le soigner. Autant ne pas se contredire complètement.

Alors elle prend les aiguilles et les fils prêtés par la femme de l'aubergiste, et précède ledit Mora hors de la chambre. Sourire énigmatique aux lèvres, elle lui lance avant de sortir : « Remettez votre chemise, quand même. » Elle l'a montée tout à l'heure, en ayant en tête de peut-être en faire des bandages, mais finalement elle a laissé tomber l'idée. « Attendez quelques minutes et descendez à votre tour. » On ne sait jamais. Techniquement, les aubergistes n'ont pas eu le temps de prévenir de quelconques garde-côtes de la présence d'un intrus dégoulinant d'eau. Mais il suffit d'un coup du sort pour que des gardes passent dans la taverne et repèrent les taches de sang sur le parquet déjà sale de la taverne et décident de rester pour en savoir plus… Et dans ce cas-là, la suite sera compromise. Dans tous les cas, faire patienter quelques instants le pirate assure à Alizarine de pouvoir remonter les marches s'il y a de la visite imprévue.

Une fois en bas, elle constate que la jeune mère et les trois hommes qui l'avaient accompagnée sont repartis. Restent encore deux badauds qui ont sirotent leur bière, et la femme d'un âge avancé qui semble attendre quelqu'un ou quelque chose. En la voyant arriver, l'ancêtre se lève de son siège et s'approche d'elle à petits pas saccadés pour lui donner quelque chose. « Les parents n'avaient rien pour vous payer. À part ceci. » Et elle met dans la main d'Alizarine un pendentif qui ressemble plus à un talisman ancien qu'autre chose, et Liza y reconnaît sans le dire la figure de Gilraen la douce. Un sourire amusé. Cela suffira comme paiement : la femme aux cheveux de feu hoche la tête, avant de faire glisser le pendentif dans une bourse attachée à sa taille. Elle regarde vers la table où elle était installée plus tôt : le bol de potage a disparu, comme elle s'y attendait.
Elle revient vers le comptoir, où la tenancière vient s'assurer que tout s'est bien passé. « Merci pour tout. J'ai laissé les linges et la bassine en haut, pour pouvoir lui faire un bandage tout à l'heure. » Néanmoins, elle lui rend les aiguilles et les bobines de fils. Au moins ça de fait.

Songeuse, elle va s'asseoir près du feu, à côté de la chaise où sont encore posées la pelisse, et les effets du Capitaine Mora. Son regard erre dans les flammes mourantes de l'âtre, tandis qu'elle essaie de rétablir ses comptes mentaux. Doit-elle compter le marin comme une nouvelle vie, ou doit-elle le laisser hors de tout calcul ? Elle prie silencieusement Gilraen, perdue dans la contemplation du feu : elle la prie pour la mère, et pour l'enfant tout juste né, et aussi pour elle, un peu. Elle n'en sort que lorsque des pas font grincer l'escalier en bois, et se retourne pour observer celui qui en descend. Quelque chose d’animal se dégage de lui. D’animal noble, cela dit. Il n'y a pas à dire : se faire rafistoler une entaille redonne à la démarche beaucoup plus de prestance. Ça et commencer à sécher après avoir piétiné sous la pluie pendant un long moment. Elle le laisse approcher, et lui affirme : « J'ai bien l'impression que vous allez devoir tenir votre promesse : votre bourse semble intacte. » Et la voilà qui la lui tend : un instant, elle se sent coupable de l'avoir laissé mettre sa chemise tout seul, et s'inquiète de savoir si les points de suture ont résisté. D'un autre côté, vu la lueur dans les yeux du brun, il faudra qu'ils résistent à un type d'activité. « Cela dit, je compte sur votre galanterie : ne me saoulez pas, ou vous devrez m'aider à remonter dans ma chambre. » Car oui, la chambre où elle l'a recousu est la sienne (payée en même temps qu'elle a payé pour le potage, plus tôt dans la soirée, avant que tout ne s'accélère). Une invitation ? Poser la question, c’est ignorer l’évidence même.

Une fois qu'ils sont servis, elle croise ses jambes, s'appuie contre le dossier de sa chaise et commence à compter sur ses doigts. « Vous n'êtes pas d'Alcahar. Et vu votre amour pour nos climats, vous n'êtes pas de Forteterre non plus. » Oui, elle essaie de deviner d'où il vient. Rassemblant ses souvenirs des différentes intonations qu'elle a pu croiser dans ses pérégrinations avec son maître Siger, elle hasarde enfin : « Vous ne venez quand même pas de Yeldheril même, n'est-ce pas ? » Elle parle à voix basse, consciente que cette île est un repaire de malfrats. Pas que celui qui lui fait face ait l'air très honnête, hein. Simplement que ça ne sert à rien de donner plus de raisons aux personnes alentour de s'inquiéter.

* * * * * * *

L'heure tourne, l'orage continue de gronder au dehors, et les badauds vident les lieux. La petite vieille est partie se coucher depuis qu'elle a transmis le paiement à Alizarine, et les deux ivrognes sont repartis sous la pluie, ronds comme des queues de pelle. Ne restent finalement qu'Hermeus et Alizarine. Et le tavernier, qui attend de voir s'il doit donner une chambre à l'étrange individu, ou si sa femme avait raison quand elle disait que cette histoire allait mal finir. Le feu crépite encore -il a été ravivé un peu plus tôt par le tavernier nerveux- et Liza finit par se lever et s'étirer comme une chatte. Elle va pour contourner l'obstacle que représentent Mora et sa chaise, mais sa main se pose doucement sur l'épaule du capitaine, et d'une voix qui ne laisse aucun doute sur ses intentions, elle lui intime tout à fait naturellement un « Vous venez ? » empli de promesses.
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MessageSujet: Re: notre aube fut rouge. (alizarine)   notre aube fut rouge. (alizarine) EmptyMar 25 Fév - 23:00

Il patiente dans la chambre depuis quelques minutes. Les murmures et paroles ont fait place au silence, escorté du crépitement quiet du feu dans l’âtre. Les flammes, pareilles à des muses frivoles et sauvages, font tournoyer leurs ardentes étoffes dans un bal hypnotique. Si, jusqu’à présent, le faciès du capitaine n’a été qu’un visage tantôt sûr et tantôt affable, les ridules, désormais, se fendent de cette identique fatigue éprouvée à son arrivée dans la pièce. Il se sent quelque peu éprouvé par une fièvre lente et sinueuse, patrouillant dans sa carcasse tel un nid de vipères éventré. Il se prend à observer la plaie et le travail exécuté, examinant le fil sombre allant et venant dans la chair avec précision. La besogne a été rondement menée malgré les obstacles préparatifs, offrant à la balafre une sorte de symétrie à la limite de l’esthétique. A la limite. Car il n’en reste pas moins que la carne est à vif, laide et humide.

Sa lourde pogne s’en vient attraper ladite chemise avec lassitude tandis que son attention de rapace se rive sur la vitre poisseuse. La tempête gronde toujours, crachant son venin au goût de révolte sur les vieux carreaux. Il serait insensé de quitter l’auberge, mais une salve d’inquiétude se met à frapper ses nerfs ; il n’aime guère laisser son navire à la merci des intempéries tandis que lui-même se prélasse tel un gros chien d’intérieur dans une gargote. Ses pensées passent très rapidement du Salty Dog à Anahita. Recluse dans la cabine tel un animal de foire que la maigre chaleur d’une couverture ne saurait guérir de son mal. Le textile de son haut se glisse sur ses épaules, guidé par une culpabilité aussi rare que poignante. Si Mora s’embête généralement peu des scrupules et de la vilénie, le sort de son enfant paraît comme hisser en lui une voile d’angoisse bien plus tumultueuse que les rafales au dehors.

Mais il serait insensé de quitter l’auberge et, en boucle, ce raisonnement se déroule telle une litanie.

Demain, dès l’aube, il quittera les lieux. Pour l’heure, il doit se reposer.
Se reposer.
Quel obscur mensonge que voici. Son crâne peut bien pâtir d’une houle préoccupante, son corps lui, intrépide malgré la fièvre, ne demande qu’à dévorer les vallons féminins de cette … Liza. Ses courbes, ses creux, la goûter comme un mets sacrifié par les dieux au nom de l’avidité bestiale des hommes. Voguer sur sa peau et la faire ruisseler d’une écume glorifiée. La prendre et ne laisser d’elle que des brisures assouvies.
Il remet au lendemain toutes ses craintes et se décide à descendre au rez-de-chaussée.

La salle est bercée par une certaine torpeur malgré une température semble-t-il plus basse que dans la chambre. Sa légère fièvre lui permet néanmoins de rester en simple chemise, collant quelques mèches rendues éparses par les évènements, sur son front et ses tempes. Un coup d’œil est lancé au tenancier et aux quelques rares clients avant de glisser ses billes claires sur la silhouette sanguine. Il la rejoint.
« J'ai bien l'impression que vous allez devoir tenir votre promesse : votre bourse semble intacte. » Les épaisses phalanges récupèrent l’aumônière faite de cuir tanné alors qu’un sourire en coin est délié. Si le capitaine est pourvu d’une subtilité dont peu de flibustiers sauraient s’éduquer, la perversion d’esprit semble aussi être l’un de ses grands atouts. Inutile de faire une gravure de la tournure que prend une telle phrase dans son imagination virile. Il s’assoit en face – prenant le temps qu’il faut pour épargner les points de suture – et pose la fameuse bourse sur le plat de la table, à la vue de tous. Sans aucune gêne – la présence de son arme à quelques centimètres de là doit y faire pour beaucoup.
« Cela dit, je compte sur votre galanterie : ne me saoulez pas, ou vous devrez m'aider à remonter dans ma chambre.
C’est une perspective intéressante et qui mérite d’être étudiée … » Badinage qui, s’il n’avait pas pris une intonation faussement polie, pourrait être sale, de la bouche d’un tel homme.
La risette s’accroît. Mais quelle vieille canaille.

On vient les servir et, aux chopes, Mora ajoute à l’addition une miche de pain. Un genre d’éponge qui, gonflée par les rasades de gnôle, pourra faire tenir son estomac au moins jusqu’aux aurores. C’est qu’il lui faut indubitablement reprendre des forces, avec ou sans perspective intéressante méritant d’être étudiée
Préférentiellement avec. Cela va de soi.
« Vous n'êtes pas d'Alcahar. Et vu votre amour pour nos climats, vous n'êtes pas de Forteterre non plus.
Non plus, confirme-t-il en engloutissant un morceau de pain presqu’aussi gros que son poing. Vorace, le brigand.
Vous ne venez quand même pas de Yeldheril même, n'est-ce pas ? se met-elle à chuchoter, tirant chez le capitaine un sourire carnassier. Il se penche légèrement, comme pour entrer dans la confession en adoptant le même timbre de voix.
Honnêtement, si. Et je suis venu semer le chaos et la mort pour que nos dieux sans noms et sans visages puissent se repaître du sang de l’Humanité. » Il arque un sourcil et laisse le silence faire son œuvre facétieuse. Nombreuses sont les légendes courant sur cette île faite de mauvais êtres, et nombreuses sont les craintes éprouvées par le peuple de Kahanor à la simple énonciation de Yelderhil. Son masque sinistre se fend bientôt d’un rire épais et fort peu discret, dérangeant les quelques badauds de leur somnolence. Il récupère sa chope et s’enfile une lampée. La galéjade est bien bonne et pourtant, l’ironie pèse. Mora est bien placé pour savoir que ce récit, tout exagéré qu’il puisse être, tremble d’un fond de vérité. Une vérité dont lui-même participe activement …
Mais l’heure n’est pas à l’effroi glaçant dont peut faire preuve ce seigneur des mers. Non. En ce lieu et en cette heure tardive, il n’est qu’un homme qui mange, boit et, en toute franchise, flirte comme un jeune godelureau.

Le gosier imbibé, le capitaine se met à confier – cette fois-ci avec franchise – qu’il vient de Terremer. Contrée dans laquelle il n’a plus mis les pieds depuis près de dix-sept années, prétextant une situation familiale difficile et un choix personnel. Il fait en sorte de ne pas devoir en dire trop, s’intéressant plus à Liza, alleresse de son statut, itinérante depuis de longues lunes, ayant elle aussi choisi l’horizon hasardeux d’une vie libre faite de rencontres fortuites à la croisée des chemins.
Comme la leur.
L’idée qu’elle puisse être une femme affranchie de toutes racines l’enivre bien plus que l’alcool de son bock.
Il trouve en elle une consœur de l’existence.

* * *

Les chopes sont vides. L’assiette aussi. La salle s’est dépouillée et Liza s’élève pour s’étirer. Grâce féline qui ne passe pas à côté des yeux perçants – et loin d’être éborgnés – du pirate. Puis elle le contourne et, un instant, le mâle se dit avoir raté le coche.
Une patte fragile s’empare avec douceur de son épaule, contestant les doutes émis à l’instant.
« Vous venez ? »
Il pivote à son encontre, à peine, mais s’abstient pour une fois de sourire. Ce qui bourlingue dans son regard est fiévreux. Suffisamment pour supplanter une quelconque réponse.

Il la laisse s’éloigner après une œillade échangée – de celles qui brûlent les entrailles et irradient l’essence. Tandis qu’elle monte les escaliers grinçants, il récupère ses effets et s’en va payer l’aubergiste en éventrant sa bien belle bourse restée intacte.

* * *

La poignée de la porte crisse quelque peu et ils s’engouffrent l’un à la suite de l’autre. La chambre n’a pas changée, sinon qu’une modeste pénombre s’est installée après que le feu de cheminée se soit consumé dans son âtre. Il n’y a que les éclairs pour irradier par instants la pièce dont il se souvient suffisamment bien les grossiers détails pour y cheminer sans la lumière d’une bougie. Elle s’introduit en premier avant de le laisser passer et, tandis qu’elle referme soigneusement la porte derrière eux, il balance sans grande délicatesse ses affaires sur le sol, non loin de la literie. Elle termine de verrouiller la serrure qu’il passe déjà dans son dos, tant et si bien que, lorsqu’elle se retourne, une masse épaisse aux vagues traits humains se retrouve en face d’elle.
« J’ai oublié de vous remercier, souffle-t-il. » Il s’est rapproché à ce point qu’elle se voit forcée d’écraser son rachis contre le bois vieillot. Une pogne s’érige et les phalanges rugueuses viennent flâner sur le derme ivoire rendu blême par l’obscurité. Ça se frôle, se caresse à peine et, finalement, l’index et le pouce se saisissent d’une longue mèche aussi rouge que le sang d’un nouveau-né. « Pour votre aide, ajoute-t-il. » Et sa figure n’est plus qu’à un fragment du portrait féminin. Si le silence s’installe bel et bien sur leurs silhouettes, il n’en est pas moins abîmé par les froissements d’étoffes qui se chiffonnent les unes contre les autres. Les lippes du capitaine finissent leur interminable course sur la pulpe voisine qu’il se met sans attendre à dévorer. Un baiser loin d’être pudique. Loin d’être sage. Loin d’être celui d’un galant freluquet. Une morsure faite d’iode salée, épicée par un désir animal. Primitif. Si les mots semblent parfois s’échapper de la gueule de cet homme avec une prestance seigneuriale, son envie, elle, n’est qu’érotisme brut. Il a passé l’âge de soustraire aux liaisons charnelles toutes ses aspérités rustiques. Car il n’y a rien d’élégant là-dedans. Effaçant sa langue et ses lèvres en une dernière lapée humide, il fait vrombir un ;
« Merci. » garni d’une pesanteur sensuelle. Flibustier, marchand, et … hédoniste, visiblement. Son autre paluche est déjà entrain de flairer les jupons, soulevant à hauteur de cuisses puis s’enroulant sous le textile pour venir installer la paume chaude au contact direct de la carne. Il cajole la chair en remontant langoureusement le long du gigot avant de s’arrêter sur le fessier qu’il se met à pétrir avec calme en interrogeant l’oreille droite dont il se rapproche ostensiblement :
« Je dois m’arrêter ? Il faut me le dire maintenant. Parce qu’après … » Son visage revient en confrontation directe avec celui de la dame. Et son regard fustigé d’une mer houleuse indique à l’alleresse, qu’après, il sera trop tard pour endiguer les flots.


Dernière édition par Hermeus Mora le Mer 26 Fév - 20:33, édité 1 fois
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Alizarine Khan
Alizarine Khanalizarine
ɤ REGISTRATION : 29/12/2013
ɤ PARCHEMINS : 322
ɤ STATUT DU SANG : la roture, sans passer par la case savonnette à vilains, merci
ɤ CONTRÉE DE NAISSANCE : née à Brenwall, en Alcahar
ɤ METIER OU FONCTION : alleresse (servante de Gilraen & la Mère, dans un sens) & maître assassin, ça va bien ensemble
ɤ INVENTAIRE : (toujours avec elle) un prénom de merde • un nom de famille inventé (qu'importe) • une vie de merde • des fringues rouges • deux poignards • des onguents • une paire de ciseaux • quelques rares bijoux • une sacoche dans laquelle elle pourrait presque transporter toute sa vie

(caché à Brenwall) un bocal de conservation longue durée (une sorte de formol médiéval) où un bébé mort-né attend patiemment qu'elle remplisse le contrat qu'elle a avec les déesses Mère & Gilraen.

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MessageSujet: Re: notre aube fut rouge. (alizarine)   notre aube fut rouge. (alizarine) EmptyMer 26 Fév - 1:52

La soirée s'est bien passée, jusqu'à présent. Elle a su taire les détails gênants de son existence. Jouant le jeu, elle a accepté de parler d'elle, mais sans pour autant le laisser en apprendre trop sur son compte. En retour, elle en sait toujours peu sur l'homme, mais à vrai dire, elle a décidé qu'elle n'avait pas besoin d'en connaître plus pour ce soir. Ils parlent, ils boivent, il mange. Et bientôt, ils montent. Regards brûlants. Promesses muettes. Elle l'attend dans les marches, un instant, s'attarde, le suit des prunelles. Puis reprend son ascension, tentant d'être la plus discrète possible. À l'étage quatre portes : l'une, la plus à gauche donne sur la chambre de la petite vieille. La sienne est complètement à droite du palier. Les deux du centre sont vides. L'une d'entre elles aurait pu accueillir le voyageur qu'elle introduit chez elle. Clef en main, la femme à la chevelure rouge ouvre la porte, entre et attend qu'il pénètre dans la pièce pour refermer derrière eux. Raclement du métal, elle verrouille, lâche la poignée et laisse la clef dans la serrure.

La pénombre les enveloppe, déchirée par à-coups lumineux. Elle sent une présence dans son dos, n'a aucun doute sur son identité : son invité, voilà ce qu'il est. Quelque chose comme ça. Elle se retourne lestement, frôlant le corps du pirate, bientôt prisonnière contre la porte. Elle a l'impression que son cœur peut s'entendre dans toute la pièce, mais il n'en est rien : tant qu'il ne se presse pas contre elle, il n'en saura rien. Mais le voilà qui s'approche. « J’ai oublié de vous remercier. » Au creux de l'obscurité, elle n'est plus que sensations, sa vision lui faisant défaut tandis que Mora est à contre-jour. Il est assez proche pour qu'elle sente l'haleine de bière. Mais elle ne tique pas, ne se recule pas plus -elle ne le peut point, cela dit. Ne se dérobe pas non plus lorsque l'idée vient au Capitaine d'esquisser une caresse de sa joue. Elle tente d'ancrer ses yeux dans ceux du marin, mais n'y parvient pas, ne pouvant discerner les billes dans les ténèbres. Il précise pour quoi il veut la remercier : « Pour votre aide. » Grand bien lui fasse. La nuit augmente, il s'approche d'elle encore, les poils de sa barbe titillent la peau de l'alleresse. Et puis, l'espace entre eux n'est plus : la jonction de leurs lèvres l'a fait disparaître. Loin de le rejeter, elle accepte le baiser et y répond avec passion. Après tout, elle ne l'a pas fait monter dans sa chambre simplement pour regarder le feu mourir, ou pour qu'il lui raconte une belle histoire de piraterie avant qu'elle s'endorme. Non, si elle l'a invité dans son alcôve, c'est parce qu'elle a certaines envies qui ne demandent qu'à être satisfaites. Et le sieur Mora l'a charmée. Non, elle n'en est pas éprise comme une petite pucelle. Elle est intriguée, séduite, la curiosité piquée au vif. Et sa voix… Elle pourra sans doute se damner rien que pour l'entendre susurrer n'importe quoi à son oreille. « Merci. » Grondement de sa voix, frissons qui remontent le corps d'Alizarine. Elle ferme les yeux, s'abandonne un instant et laisse les paluches puissantes du flibustier vagabonder sur son corps. Frémit encore à cause des différences de température : la main de l'homme est bien plus fraiche que ses cuisses à elle, ne serait-ce que pour la partie extérieure. Un soupir d'aise s'extirpe d'entre ses lèvres tandis qu'il s'approprie son corps.

Elle ouvre de nouveau les yeux alors qu'il lui pose une question stupide. « Je dois m’arrêter ? Il faut me le dire maintenant. Parce qu’après … » Liza n'est pas de ces gourgandines qui attisent le désir d'un mâle pour ensuite se dérober et aller chercher asile ailleurs. Elle le fixe, perçoit finalement ses traits malgré le peu de lumière. Des menaces ? Loin de là. « Dois-je comprendre que je n'ai pas été assez claire ? » Cajoleuse. Elle rit presque, son ton de voix trahit en tout cas un amusement moqueur. Elle le veut, en elle. S'inquiète-t-il pour elle ? Craint-il de lui faire mal ? Allons bon, elle n'a pas besoin qu'on la prenne avec des pincettes. Elle a juste envie qu'on la prenne. Rectification, qu'il la prenne. Tout simplement. Ses doigts répètent un geste déjà esquissé plus tôt : ils défont de nouveau les boutons de la chemise d'Hermeus. Tout en faisant cela, de sa voix légèrement voilée elle reprend : « Si vous vous inquiétez pour votre blessure… » Les pans de la chemise sont de nouveau disjoints. Elle affirme, confiante : « Les points tiendront. » Et la voilà qui entreprend de parcourir le torse de son très-prochainement-amant, frôlant du bout des doigts les cicatrices qu'elle a pu voir à la lueur rougeoyante de l'âtre, évitant soigneusement la zone douloureuse qu'elle a recousu plus tôt. Elle inspire : des odeurs de sel, de sang, d'alcool, de sueur même, se mêlent. D'aucuns diront qu'il sent le chien mouillé. Elle, plutôt que d'être débectée par la fragrance, elle l'hume de plus belle, posant bientôt l'avant de son visage au creux du cou de Mora. Lui embrasse le cou, non loin de la carotide. L'avertit enfin : « Cessez de me prendre pour une petite chose fragile, Capitaine. » Le poignard à son mollet aurait dû suffire, comme avertissement. Mais qu'importe, le mâle a une éducation. Tant mieux, il y a tant de personnes qui n'en ont pas -à commencer par elle-même.
Profitant de leur proximité, elle l'embrasse fiévreusement, une main toujours sur le torse, entre les pans de la chemise, l'autre accrochée au cou du brun. Depuis quand n'a-t-elle plus connu d'homme ? Elle n'en sait rien, n'a pas compté. Elle ne compte que les naissances et les morts qu'elle provoque. Ceux qu'elle a pu croiser jusque là étaient insipides, ou imbéciles, ou détestables, ou tout simplement repoussants. Hermeus Mora peut être haïssable à certains égards (les habitants de Kahanor apprécient peu la flibuste, en règle générale), mais il a trouvé grâce aux yeux de Liza. Sans doute un concours de circonstances qui a joué, aussi. Et qui s'en soucie, après tout ? Ils sont là, seuls dans une chambre, trop proches pour que ça soit décent, mais ils s'en moquent bien. Il n'y a qu'eux, et les dieux ont autre chose à faire que de s'intéresser à des affaires humaines aussi basses que les leurs.

Naturellement, elle passe au tutoiement. La proximité physique se mue en proximité verbale et la femme du peuple qui dit ce qu'elle veut surgit. « Aux Neuf les convenances, fais-moi tienne, Hermeus. » finit-elle par dire alors que la tempête continue de gronder au dehors. Ils dormiront peu, sans nul doute. Mais pour le moment, c'est certainement la dernière de ses préoccupations. Au diable les formalisations, ça n'est pas comme s'ils se tentaient mutuellement depuis peu. « Contre cette porte, sur le lit, sur la table, peu m'importe., précise-t-elle encore, Les trois même, si ça t'amuse., sourire enjoué qui ourle ses lèvres, Et ne t'arrête pas…, laisse-t-elle échapper. » S'il demandait la permission, elle est toute donnée. Elle ne reviendra pas sur ce qu'elle vient de dire. Quémandeuse d'attention et d'affection, elle en viendrait presque à mendier. Presque. Le masque tombe, la partie s'achève, elle rend les armes. Quoique… Une nouvelle partie vient peut-être tout juste de commencer.
Observant les flots tempétueux du haut de la falaise intacte, Alizarine vient de se jeter dans le vide.
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MessageSujet: Re: notre aube fut rouge. (alizarine)   notre aube fut rouge. (alizarine) EmptyJeu 27 Fév - 15:34

Accord tacite cavalant sous un semblant de risette ; la dame ne veut pas expliciter, tout au plus confirmer. Le mâle a-t-il peur de l’abîmer telle une effigie de porcelaine ? Cela se peut. C’est qu’elle est singulière. Loin de ressembler aux femelles ayant jalonné son parcours marin ; vulgaires morceaux de barbaque miaulant haut et fort, pourvu qu’elles soient payées en retour. Le capitaine du Salty Dog n’est pas connu pour ses chasses à la biche. Il préfère s’empiffrer des livres, raturer son carnet de bord et acérer ses lames avant le combat plutôt que de tringler de la gueuse pestiférée au dentier écorché. Les bordels ne le voient que trop peu. Et du reste ? Du reste … à quoi peut bien ressembler une vie sentimentale si elle n’est offerte qu’à la mer et sa carne de cobalt ? Sa pogne pétrit un peu plus cette fesse ferme et douce qui se prélasse de sous l’étoffe. A bien cogiter, ça fait des lunes qu’il n’a pas prise une femme pour autre chose qu’assouvir un besoin passager. Il redécouvre la passion comme il a pu, naguère, découvrir les lointains royaumes par-delà les flots du sud.

Elle s’occupe de sa chemise, déliant la fermeture en usant de ces doigts aussi fins que des pattes d’épeire, tout en le rassurant sur un détail déjà omis par son esprit fiévreux. La blessure entravée de son lien noir réapparait sous les deux regards. Et même que ça ne tienne pas. Un sourire féroce étire ses lippes. Il serait bien capable de la faire sienne les tripes à l’air s’il le fallait. L’idée, cependant, loin d’être plaisante, s’étouffe dans un lourd soupir émigré de son torse comme la pulpe féminine s’en vient déjà conquérir la nuque épaisse et transpirante. Ce genre de suavités apaise les âmes labourées. Et, ce genre de suavités, on ne les trouve pas dans la gueule corruptrice d’une catin.
Les lippes s’entre-dévorent à nouveau et les corps s’écrasent un peu plus l’un sur l’autre contre l’huis de la chambre. Qu’il cesse de la prendre pour une chose fragile semble être un élément déjà bien acquis et digéré par Mora. La manière qu’il a de plaquer la silhouette de Liza est défaite de toute douceur probe et courtoise.

Les pulpes éraflées se déracinent pour faire place à de nouvelles paroles qu’il n’écoute qu’à moitié. Ses deux paluches soulèvent déjà les pans de la robe sanguine tandis que ses crocs et sa langue blasphèment le cou exsangue en des succions opportunistes. Un torrent. Il n’est plus qu’un torrent. Avide de tout, et surtout d’elle.
« (…) Et ne t'arrête pas … »
Si elle quémande, il ne le voit pas ainsi. Il ne perçoit qu’une identique faim enivrant les deux carnassiers qu’ils se révèlent être. La dernière syllabe n’a pas même le temps de mourir au creux des lèvres qu’il s’écarte à peine pour l’obliger à se retourner face contre la porte. S’il n’est nullement brutal, ses gestes s’embêtent néanmoins peu d’une quelconque délicatesse. L’impatience gronde et ravage la constance. Ses pognes, véloces, viennent défaire l’attache du vêtement qu’il fait rapidement glisser à terre comme il pourrait abaisser les voiles de sa frégate. Le corps nu contracte sa mâchoire. Il se sent submergé par la vision exquise de ces littoraux blafards, couverts par instants des éclats frivoles exhibés par l’orage. Il revient allier son buste au rachis de l’alleresse.
Les peaux sont brûlantes.
La sueur huile le contact et une douleur sourde se met à irradier du côté de la balafre. Ses bras s’en vont pourtant enlacer Liza, une patte se coulant  sous le menton, contre la gorge, l’autre naviguant le long de la panse, puis du bas-ventre. Elle s’engouffre et saccage le pubis d’une force tranquille, allant et venant en cet antre comme un courant chaud. L’exhalaison de leurs carcasses moites et ardentes monte aux narines comme un parfum entêtant. Il l’entend gémir en baptisant l’air pesant d’une première et longue partition extatique tandis que ses doigts s’enlisent dans le cristal maraudé, assoiffés. Les secondes s’écoulent, escortées de morsures et baisers hâtifs échangés ou emparés, conduits par le rythme langoureux joué en deçà.

Jusqu’à ce qu’il retire son emprise et se sépare, reculant de quelques pas dans la pénombre zébrée d’éclairs. Ses bras s’articulent pour retirer la liquette maculée de sang séché qui rejoint à son tour les lattes poisseuses du plancher. Elle se retourne et il veut qu’elle le suive : c’est une évidence. Il s’assoit en bord de literie pour se dépêtrer de ses lourdes bottes. Les sangles en fer cliquètent, tirant quelques vagues rictus à l’homme qui doit malgré tout se courber pour ce faire. Enfin déchaussé, il recule sur le matelas médiocre qui à chaque déplacement du capitaine paraît s’essouffler en faisant grincer les lattes. Agonie dont le matériau ne se débarrasse guère, lorsque sa partenaire vient le rejoindre.
La vieille femme du palier peut toujours se brosser si elle comptait naïvement avoir une nuit calme et réparatrice. Le mobilier de l’auberge semble ne pas avoir pâtit de quelconques ébats charnels depuis bien des lustres …
Un sourire découvre l’émail de Mora dont les mains glissent dès lors sur les cuisses nues de l’alleresse.
« Laisse-le. » Le poignard. Il veut la savoir armée. Il veut la savoir guerrière.
Assassine.
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Alizarine Khan
Alizarine Khanalizarine
ɤ REGISTRATION : 29/12/2013
ɤ PARCHEMINS : 322
ɤ STATUT DU SANG : la roture, sans passer par la case savonnette à vilains, merci
ɤ CONTRÉE DE NAISSANCE : née à Brenwall, en Alcahar
ɤ METIER OU FONCTION : alleresse (servante de Gilraen & la Mère, dans un sens) & maître assassin, ça va bien ensemble
ɤ INVENTAIRE : (toujours avec elle) un prénom de merde • un nom de famille inventé (qu'importe) • une vie de merde • des fringues rouges • deux poignards • des onguents • une paire de ciseaux • quelques rares bijoux • une sacoche dans laquelle elle pourrait presque transporter toute sa vie

(caché à Brenwall) un bocal de conservation longue durée (une sorte de formol médiéval) où un bébé mort-né attend patiemment qu'elle remplisse le contrat qu'elle a avec les déesses Mère & Gilraen.

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MessageSujet: Re: notre aube fut rouge. (alizarine)   notre aube fut rouge. (alizarine) EmptyVen 28 Fév - 15:35

La fièvre se fait contagieuse et ce ne sont soudainement plus que des corps brûlants de désir qui se frôlent, se pressent, s'entrechoquent. Point d'esprit, point de réflexion. Pourquoi réfléchir quand on peut se contenter simplement de sentir ? Elle roule la tête en arrière, les yeux fermés. Sentir, voilà ce qu'elle veut faire, tout bêtement. Les paumes chaudes de l'homme quittent ses cuisses, elle fait bientôt face à la porte de bois grinçante. L'attache saute et après la sensation de cette seconde peau de tissu carmin, c'est l'air frais de la nuit dans une chambre sans feu qui l'encercle. Bruissement de la robe qui glisse au sol, couvrant les pieds de la femme d'une étoffe aussi rouge que ses cheveux. Elle ne reste pas longtemps la proie à la fraicheur, puisque le torse du pirate se presse contre son dos : duel de la glace et du feu, deux carnes opposées, l'une buriné par le soleil et ses reflets sur l'onde, l'autre soustraite aux rayons de l'astre céleste. Les bras puissants d'Hermeus entourent Alizarine. Pour l'étreindre ? Pour l'étrangler ? Pour la maintenir, simplement. L'alleresse s'abandonne, choisit de faire confiance au malfrat et à ses mains expertes. Et confiance à ses propres réflexes, aussi, s'il le faut.
Contre le bas de son dos, le métal glacé de la boucle de ceinture contraste avec la chaleur qui émane de son épiderme. Tandis que les doigts masculins glissent toujours plus profondément en elle, elle sent le vit du capitaine se durcir contre ses fesses, à travers l'étoffe du froc, et naturellement elle se presse contre lui. L'embrasse quand il lui dérobe un baiser. Plante ses ongles dans l'avant-bras qui lui maintient le menton. Soupire. Gémit. N'est plus que sensations décuplées, exaltées, extatiques. Sans vraiment le contrôler, elle ondule bientôt du bassin en suivant le rythme imposé par celui qui s'est introduit dans son intimité.
Et au dehors, inlassable, le tonnerre gronde encore. La pluie battante s'écrase sur la petite fenêtre et le toit au dessus de leur tête dans un bruit presque assourdissant. Les éclairs percent la nuit désormais noire.

il s'écarte. Elle se retourne lentement, marche sur sa robe gisant à terre, s'adosse à la porte, respiration saccadée, sentant les battements de son cœur résonner là où les doigts de Mora se sont affairés.Il s'est débarrassé de sa chemise. La silhouette musclée du flibustier se découpe lorsque des éclairs blancs zèbrent le ciel. Elle aime ça. Elle l'observe, oisive un instant, croisant ses jambes brièvement pour essayer de calmer cette faim charnelle qui gronde en elle. Elle le suit du regard, alors qu'il se pose sur le bord de la literie pour se débarrasser de ses bottes. Et une fois que le talon de la deuxième chaussure touche le sol dans un bruit sourd, elle quitte son support vertical pour le rejoindre sur le lit, le faisant couiner de plus belle. Les longs cheveux rouges coulent dans le dos de l'alleresse, roulant le long de sa carne dénudée. Sans aucune gêne, elle s'installe sur lui et le chevauche. Il a encore son froc, il n'y a absolument rien de sale à ce qu'elle le toise de toute sa hauteur. Le fait qu'elle soit nue amène bien entendu à douter. Et aussi la raison pour laquelle elle s'est installée sur lui, peut-être : sentir, encore et toujours. Percevoir le désir du mâle contre le sien, à travers le pantalon. Les mains de Mora glissent le long de ses cuisses, nouveau frémissement. Elle n'ondule cependant pas du bassin comme une vulgaire catin. Elle reste là, immobile. Son sourire en coin se fend en un éclat de rire alors qu'il lui intime de conserver son arme sur elle. Aurait-il dans l'idée de se battre avec elle ? Sans doute pas. Une lueur brille dans les yeux de la Sombrelame, elle comprend finalement mieux l'inconnu qu'elle ne le pensait. Il ne sait peut-être pas ce qu'elle est exactement, mais il l'a senti chez elle, comme elle l'a senti chez lui : le danger. Les menaces sourdes. Le goût du risque. Serait-ce ce qui attire l'homme chez elle ? L'odeur du péril ? C'est en tout cas sans doute ce qui ne la laisse pas insensible.

À chaque rai de lumière soudain, elle découvre une nouvelle facette du visage d'Hermeus. Elle reste ainsi, quelques instants, sans pour autant pouvoir évaluer le temps précis. Histoire de bien s'imprégner des traits de son futur amant. Les battements de son palpitant se sont apaisés, peut-être pas en rapidité, mais au moins en force. Elle recule de quelques centimètres pour ne plus être assise sur une certaine bosse. Entreprend de défaire la boucle de ceinture du pirate. Puis s'attaque aux lacets du froc, sans regarder ce qu'elle fait du tout. Non, elle a ancré ses yeux irradiant de désir dans ceux de Mora, et ne les quitte finalement que pour vérifier où elle glisse sa main -comme si elle l'ignorait ! Frôlant de ses doigts effilés l'épée de chair et de sang, elle finit par rouler sur le côté, le débarrassant d'un poids sur ses jambes. Bras écrasé sous son flanc gauche, elle découvre une partie de l'anatomie du danger fait homme. Ses doigts s'enroulent autour de leur proie, serrent, vont et viennent, s'arrêtent, reprennent leur manège comme bon lui semble, c'est selon. Elle poursuit ce petit jeu -car ce n'est qu'un jeu de grandes personnes, après tout- jusqu'à lui arracher un râle. Son cœur bat de nouveau plus vite, plus fort, et elle finit par lui imposer la nudité en lui ôtant ce froc qui est bien trop gênant. Adieu atours tachés, nippes déchirées, hardes et guenilles ! Le ton du moment est à l'animalité.

Aussi nus que le nouveau-né sorti du ventre de sa mère, les corps se heurtent de nouveau, s'effleurent, se serrent. Elle revient sur Mora, et le matelas exhale encore un râle d'agonie désespéré, agonie lente et chuintante tandis que les corps s'emboitent pour ne faire plus qu'un. Une chance que la petite vieille à l'autre bout du palier soit sourde comme un pot, puisque les soupirs et les gémissements se font de plus en plus sonores, couvrant facilement les protestations du sommier qui n'avait pas été secoué comme cela depuis un long moment. Leurs mains courent sur le corps de l'autre, leurs lèvres se cherchent, se mordent, se dévorent. Inhumanité à son apogée. Les bêtes humaines qu'ils sont, assoiffées de la chair de l'autre, se meuvent en cadence et s'enivrent à chaque coup de rein. Grognements et murmures s'entremêlent. Les minutes s'écoulent, le tonnerre roule toujours sur le paysage détrempé d'Alcahar, et eux continuent leur danse passionnée. Les phalanges se crispent, les jointures blanchissent, les souffles se mêlent, les regards grisés se croisent. Ils roulent sur la literie qui dépérit sans qu'on ne s'en soucie. Affamés. Sauvages. L'étreinte langoureuse se poursuit naturellement. Comme s'ils étaient finalement faits l'un pour l'autre -une sottise qu'une pucelle de quatorze ans, n'ayant entendu que des belles histoires de chevaliers et de princesses, pourrait proférer.
Insensible à ces considérations niaises, la petite mort, celle qui ne tue pas vraiment, s'approche avec certitude.
Alizarine accompagne des hanches les mouvements de Mora, sonore mais jamais aussi bruyante qu'une putain rassurant un puceau venu découvrir la silhouette féminine. Pas besoin de flatter le pirate, de toute façon. Elle ne calcule rien, n'est que sensation…
Un dernier coup de rein du capitaine lui arrache un long cri et l'amène à la jouissance.

Cœur battant à tout rompre, respiration saccadée, pellicule de sueur qui lui recouvre la peau, Alizarine reste cramponnée à son amant quelques poignées de secondes. Puis ouvre ses bras, repose sa tête sur la paillasse, essaie de reprendre sa respiration, cille un instant et fixe ses prunelles brûlantes sur le brun.  Ses jambes enserrent encore la taille du flibustier, le poignard heureusement tourné vers l'extérieur et n'ayant pas éraflé l'échine déjà bien cisaillée du bandit maritime. Son regard coule un instant sur le torse du mâle, simplement pour vérifier ce qu'elle affirmait plus tôt et un sourire satisfait orne ses lèvres tandis qu'elle avoue sans aucune gêne : « Et dire que je n'étais pas sûre que ça tiendrait. » Les points de suture ont résisté aux assauts bestiaux. Les billes bleu clair s'ancrent de nouveau dans les calots de Mora, et tandis qu'un frisson parcourt l'alleresse, sa voix voilée reprend : « J'ai froid. » Constat et invitation à se poser sur elle et à la réchauffer, qui peut aussi être prise pour tout autre. À force de n'être que sensation, Liza ne pense effectivement à expliciter plus clairement ce qu'elle attend. Mais après tout, attend-elle quelque chose de particulier de la part du forban des mers ? Rien n'est pour le moins sûr.
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MessageSujet: Re: notre aube fut rouge. (alizarine)   notre aube fut rouge. (alizarine) EmptyLun 3 Mar - 2:54

Elle effleure ; il frémit. Elle caresse ; il pantèle. Les coudes sur la paillasse, la tête basculée, le menton hirsute hissé vers un plafond fait de ténèbres nocturnes qui, par moments, fugaces et éclatants, laissent apparaître de vieilles poutres au bois noueux. Les lippes entrouvertes du capitaine tranchent l’air frais de souffles profonds. Le délice est impérieux, les râles qui torsadent bientôt dans sa gorge, aussi. La patte féline prélassée sur son vit gorgé est un ressac jouissif qui ne se termine qu’une fois chevauché. Les cuisses de part et d’autre de ses flancs, elle s’empale et s’offre comme rares sont les femmes à le faire. Ou à l’accepter. Entière et dévouée, la carne épousant l’autre avec volupté. Les paluches s’accrochent aux hanches, griffent pour retenir la chair qui va et vient en des froissements moites. Animalité profonde, crépitement sensitif, il est en elle, enfoncé comme un pieu agressif et robuste dans un aven bouillonnant. Les souffles sont fait de braises qui fleurissent sur les faciès. Il discerne l’entrelacs négligé de mèches sanguines trébuchant sur les frêles épaules et chatouillant de temps à autre son torse de pigments facétieux. Les fesses s’écrasent sur ses aines avec fracas, arrachant protestations de la literie et roulements graves du gosier de l’homme. Il se prend à la figurer telle une déité mesquine venue lui faire perdre raison en plein sommeil ; une sirène espiègle aux atouts ensorceleurs. Quel mâle ne succomberait pas à cette allégresse démesurée surplombée par une telle effigie ?

L’échine se redresse, il l’entraîne à la renverse et réprime un grognement de bête affamée. Plus vif, plus intense, plus au-dedans, le flibustier profane ce corps de femme avec une ferveur qu’il n’adresse généralement que trop peu. Il idolâtre bientôt cette ferme poitrine de morsures voraces comme s’il retrouvait le goût antédiluvien du nourrisson pour les mamelles maternelles. Les lippes se serrent contre le derme fin, la langue contamine et le bassin, toujours, crible la demeure avec tantôt langueur, tantôt empressement. Les mains juchées sur la paillasse se crispent et de sa gueule éclot bientôt le refrain court mais lourd de l’orgasme querelleur. Celui à qui la discrétion importe peu.
Encore moins en ce lieu.
Le torse rejoint avec lenteur l’abdomen de l’alleresse et leur sueur unanime se confond avec naturel en une souillure libertine. La chaleur des muscles émanant de leurs corps épuisés fait bientôt ronfler leur paire d’une léthargie relaxante, tant et si bien que, l’un contre l’autre, ils restent de logues secondes à se renifler, se sentir et s’aimer. S’il ondoie encore quelque peu en elle pour intensifier le souvenir de l’écho jouissif, il finit néanmoins par se retirer en tombant rachis sur la paillasse. Un long soupir serein accompagne sa retraite, quand bien même son thorax se soulève d’une respiration encore preste.

« Et moi, je n’étais pas sûr de tenir. Tout court. » Le menton clairsemé de barbe vrille vers Liza. S’il s’en remet tant que ça à elle, ce n’est pas parce qu’ils viennent de faire connaissance de la plus intime des façons. Connaître une femme à travers l’acte charnel n’est pas une clé en soi pour ouvrir toutes les portes jusqu’alors scellées, loin de là, même. Un sourire railleur s’en vient ourler ses lèvres. Lui, si fier et si digne, que la faiblesse rebute et que l’orgueil envenime, se retrouve à avouer la plus basse confession qu’un homme puisse dicter. Douter de lui et de sa robustesse. Comme s’il la connaissait depuis bien des hivers. Comme si cette nuit n’était qu’une parmi tant d’autres. Comme si la silhouette féminine partageait sa couche aussi fréquemment que l’astre solaire se hisse sur son linceul maritime. Les bras épais viennent la chercher pour qu’elle glisse contre lui, l’engloutissant pleinement d’une tiédeur à la fois corporelle et humaine. Les jambes s’entremêlent et le dos de Liza s’enchâsse bientôt contre son buste. Il inspire l’arôme étourdissant qu’elle possède après l’amour, le nez camouflé dans sa cascade de rubis soyeux, éraflant de peu la nuque découverte. Il enserre comme un amant épris, offrant cette sensation – hélas utopique – que rien ne pourra jamais lui arriver. Qu’il est là pour la protéger, en ce jour et à jamais.

Comme les dieux doivent se gausser.

Avant qu’il ne puisse ajouter autre chose, un sommeil léger le dérobe. Ainsi positionnés, le confort rustique de leur couche se transforme en nid lénitif pouvant anesthésier leurs dernières bordées de force.
Toutefois, plus tard dans la nuit, le capitaine éveillera à nouveau leur appétit charnel en jalonnant de quelques baisers et caresses la sculpture capturée entre ses pattes, œuvrant une fois encore en elle comme s’il ne se lassait plus de la sentir au plus profond de son être. Il s’avérera dès lors que ses craintes envers son endurance étaient loin d’être fondées. Toxicomane de cette nymphe comme le plus idiot des insectes attiré par la lumière d’une torche, seules les prémices d’une aurore calmeront son addiction avide.  

* * *

Cliquetis de métal. Froissements de tissus. Bruits étouffés de pas. Une légère clarté berce la chambre que la matinée rend déjà plus accueillante. Un poids s’assoit bientôt sur un bord de literie, celui le plus proche d’elle, et des phalanges se mettent à arpenter une joue aussi fraîche que douce. Malgré les draps et la couverture la caparaçonnant presqu’entièrement, l’alleresse pâtit du manque de chaleur évident imposé par une isolation médiocre de la bicoque. Sa nudité complète n’aidant bien évidemment pas …
Au contraire de lui, vêtu des pieds à la tête par ses frusques de la veille, certes toujours crasseux, mais bel et bien secs. Il patiente avec un calme troublé qu’elle remue des paupières et s’éveille de peu pour commencer à parler de sa voix caverneuse mais basse.
« Je dois partir. » Si les syllabes sont neutres, l’air gonfle néanmoins de tristes adieux. Le portrait de Mora reste impassible, mais quelque chose dans ses globes oculaires souffre en silence. Il retire sa pogne pour la faire glisser sous un pan de sa pelisse et en extraire une pièce d’or plus grosse que la normale. La tenant fermement entre ses phalanges, il l’observe, pensif, avant de reprendre. « Quels que soient les ports où tu iras, en tout Kahanor, montre cette pièce aux marins, aux marchands, aux aubergistes ou aux badauds. Ils te mèneront à un homme qui possède mon absolue confiance. » Il dépose le joyau aux gravures brutes sur un coin de la paillasse, près des mains de Liza, sans l’obliger à l’acquérir. « Il saura te dire où je me trouve, ou bien vers quelle escale je me dirige. Et il saura me prévenir de ton passage. » L’émail se serre. S’il peine réellement à garder un sang-froid de maître, il ne le montre toutefois pas. Quelles sont les chances pour qu’elle réussisse à croiser Valhöl au moment opportun ? Quelles sont les chances pour qu’ils réussissent à se revoir malgré ce piètre stratagème ?
Infimes.
Elles sont infimes.
Ainsi est faite leur existence. La liberté a un prix.
Le regard houleux du capitaine revient dans les billes de l’alleresse.
« Nos dieux ne sont pas les mêmes, mais je les prierai tous, s’il le faut, pour qu’ils veillent sur toi. » Sa patte revient vers Liza, glisse sur la couverture et en une longue caresse sillonnant son flanc, s’arrête à hauteur d’un relief, celui du poignard encore et toujours accroché. Un premier et unique sourire – bien que fade – soulève ses lippes. « Même si une lame sera toujours plus efficace qu’une oraison païenne et mille supplications. »
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Alizarine Khan
Alizarine Khanalizarine
ɤ REGISTRATION : 29/12/2013
ɤ PARCHEMINS : 322
ɤ STATUT DU SANG : la roture, sans passer par la case savonnette à vilains, merci
ɤ CONTRÉE DE NAISSANCE : née à Brenwall, en Alcahar
ɤ METIER OU FONCTION : alleresse (servante de Gilraen & la Mère, dans un sens) & maître assassin, ça va bien ensemble
ɤ INVENTAIRE : (toujours avec elle) un prénom de merde • un nom de famille inventé (qu'importe) • une vie de merde • des fringues rouges • deux poignards • des onguents • une paire de ciseaux • quelques rares bijoux • une sacoche dans laquelle elle pourrait presque transporter toute sa vie

(caché à Brenwall) un bocal de conservation longue durée (une sorte de formol médiéval) où un bébé mort-né attend patiemment qu'elle remplisse le contrat qu'elle a avec les déesses Mère & Gilraen.

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MessageSujet: Re: notre aube fut rouge. (alizarine)   notre aube fut rouge. (alizarine) EmptyLun 3 Mar - 11:31

Le corps de l'homme fait place à l'air frais de la chambre tandis qu'il se retire et s'allonge sur le dos. Dernier soupir en le sentant s'extirper d'elle. La respiration de Liza s'apaise, ne devient plus qu'un mince filet qu'on n'entend pas, avec le fracas de la pluie. Le tonnerre s'en est allé, emportant dans son sillage son armée d'éclairs, pour aller terrifier des gueux plus à l'intérieur des terres d'Alcahar. La voix d'Hermeus reprend, se permettant une confidence que peu d'hommes osent. Il s'est passé quelque chose entre eux, sans qu'elle ne puisse déterminer clairement quand le déclic s'est produit et s'il y a eu véritablement déclic. Des imbéciles qui aiment l'ironie du sort parleront allègrement de coup de foudre, rapport au temps et au phénomène. D'autres se moqueront de trouver un mot pour décrire. Liza est finalement de ces derniers. Elle sourit tendrement à la confession du flibustier, sans pour autant répondre. Que peut-on répondre dans cette situation, d'ailleurs ? Vous voyez bien.
Il l'attire à lui et elle serait bien sotte de résister. Se coulant contre le corps du pirate, elle se laisse encercler d'une quiétude chaleureuse. Le cœur de son amant cogne contre son omoplate et elle se laisse bercer par cette illusion éphémère que les dieux les protègent, et que Mora surtout sera là quoi qu'il arrive. La Sombrelame en est venue à faire entièrement confiance à un malfrat qui se retrouvera tôt ou tard avec un contrat sur la tête. Sans mot, elle en a dévoilé sans doute plus à l'inconnu qu'elle n'a pu en dévoiler à l'ensemble des hommes qu'elle a croisé pendant la décennie précédente.

Elle tarde à s'endormir, tandis que la respiration du capitaine se fait plus lente et plus profonde. Des pensées s'entrechoquent dans sa tête, tempête sous un crâne. Est-ce Gilraen qui a mis l'homme sur sa route ? Ou bien les dieux n'ont-ils pas autre chose de mieux à faire que de se soucier des destins individuels des hommes ? Et après ? Cette nuit n'est-elle destinée qu'à être un souvenir sans lendemain ? Prière silencieuse à la Mère, à Gilraen, à n'importe qui. Liza ne sait pas à quelle divinité se vouer, ignore qui remercier ou qui maudire. Et puis le sommeil, implacable chasseur, s'abat sur elle en traître. Il sera chassé au beau milieu de la nuit pour une nouvelle étreinte fiévreuse, lorsque la pluie aura cessé de marteler le toit et l'horizon. Et reviendra, sûr de lui.

* * *

On tente de la soutirer à sa nuit paisible. D'abord un poids sur le matelas qui s'affaisse. Elle sort des bras de Morphée sans pour autant ouvrir les yeux. La conscience lui revient peu à peu par la suite. La sensation de caresse sur sa joue. Il lui faut quelques secondes néanmoins pour émerger, ciller et percevoir une silhouette masculine. Mora. La soirée de la veille lui revient en mémoire immédiatement et elle parvient ainsi à mettre un nom sur ce visage bien matinal. Elle va pour esquisser un sourire ensommeillé, mais l'autre lui coupe l'herbe sous le pied. « Je dois partir. » Le rictus meurt sur ses lèvres avant que d'être né. Elle ne répond rien. Se contente de le fixer. Qu'attendait-elle, après tout ? Il n'allait pas la demander en mariage au petit matin, et ils n'allaient pas vivre heureux et avoir plein d'enfants jusqu'à la fin de leurs jours. Que nenni. Les dieux sont joueurs aujourd'hui. Elle cille de nouveau, ne le quitte pas des yeux même quand il pose quelque chose -une pièce vraisemblablement- sur le matelas, non loin de sa main droite. Elle prend conscience réellement de ce qu'il est en train de lui dire.
Il part.
Pour de bon.
Il lui laisse un moyen de le contacter, certes. Mais il part.
Qu'espérait-elle ?

Quelque part en elle, la gamine rêveuse élevée dans la roture d'Alcahar voit toutes ses illusions d'un soir voler en éclat.
Elle aurait dû s'en douter, aussi.

Elle entend ce qu'il lui dit, sans vraiment l'écouter. La stupeur l'étreint et ce n'est qu'avec un temps de retard qu'elle assimile les informations.
Il part, certes. Il doit partir, il a un navire et un équipage qui l'attendent. Une fille, aussi. Des obligations, en somme, qui l'arrachent à la terre meuble et le renvoient sur les flots. Mais il espère la revoir, un jour. Un pirate ne laisse pas une pièce de ce style à une vulgaire putain. Alizarine sait ce qu'un tel écu d'or signifie pour les bandits des mers. Signe d'appartenance à une confrérie, à un clan. Les Sombrelames n'ont pas ce moyen de reconnaissance, mais elle saisit son importance. S'il décide de la lui céder, c'est qu'il l'estime. Ou plus. Mais, ne retombons pas dans des considérations niaises et mièvres dont elle a été tirée quelques secondes plus tôt. Elle déglutit tandis qu'il termine son mode d'emploi et mentionne son homme de confiance. Si elle était plus réveillée, elle se redresserait. Pour quoi faire ? Elle n'en sait rien elle-même. Leurs regards se croisent de nouveau et il peut voir qu'elle a fini par le comprendre. Quand on incarne le péril comme ils le font tous les deux si bien, il est impossible de promettre d'être à tel ou tel endroit à période fixe. Elle est consciente que les marées ne se contrôlent pas. De son côté, si elle se retrouve à devoir accoucher une femme sans l'avoir prévu, son emploi du temps (de ses déplacements et de ses assassinats, aussi) est bouleversé. Cela s'est déjà produit par le passé.
Sa main droite tâtonne et se referme sur le rond de métal froid. Serrant ce nouveau trésor, Alizarine continue de le fixer. Comme si elle voulait graver ses traits à la lumière du jour naissant dans sa mémoire. Le brun a l'air grave, sans doute a-t-il muri sa décision. Il est conscient, comme elle, qu'il se peut qu'ils ne se revoient jamais. Mais ça n'empêche pas d'essayer. Une promesse, voilà ce qu'est cette pièce. Une promesse qu'ils tenteront, par tous les moyens à leur disposition, de se retrouver, dans quelques jours, semaines, mois, saisons, années… selon ce que les dieux leur réservent. Les Neuf, comme les Trois.

Tant qu'on est à parler des entités divines, le voilà qui assure une nouvelle chose : « Nos dieux ne sont pas les mêmes, mais je les prierai tous, s’il le faut, pour qu’ils veillent sur toi. » Elle ferme les yeux sous la main du forban et les rouvre de nouveau lorsqu'il arrive au poignard. « Même si une lame sera toujours plus efficace qu’une oraison païenne et mille supplications. » Cherche ses billes, et les retrouve. Voit son sourire, et le lui rend avec un air énigmatique. Elle croit à Gilraen et à la Mère. Les autres, elle s'en moque un peu et elle les prie encore moins. Elle croit aussi, effectivement, à sa capacité à se débarrasser d'un importun. Il le sait, elle n'en a aucun doute.
Elle se redresse du matelas, la pièce d'or qui s'imprime lentement mais sûrement dans sa paume droite. « Ne sous-estime pas non plus totalement les dieux. C'est un peu eux qui ont fait se croiser nos chemins. » Eux, et le hasard, aussi. Elle ignore que d'ici quelques années, éperdue de chagrin aliéné, elle maudira ce hasard moqueur qui les a amenés à se rencontrer. Pour l'heure, elle est encore dans cette impression que tout ira bien. Malgré la distance. Malgré les obstacles à leurs retrouvailles. Malgré les incertitudes de la vie, des chemins forestiers et des fonds marins.

Assise sur la paillasse, elle tire la couverture pour s'en couvrir les épaules et le buste, s'en fait une cape de fortune, qui gratte comme la laine sait si bien le faire. Elle tend sa main droite à Hermeus, et entrouvre ses doigts pour lui laisser voir l'éclat doré. Qu'il sache qu'elle a pris la pièce. Promesse qu'elle fait à son tour. « Je ne sais pas quand, et j'ignore dans quel port et comment, mais je viendrai. » Attends-moi, implorent ses yeux bleu, plus clairs à la lueur du matin, sans qu'elle prenne la peine de formuler verbalement cette supplique. Ses doigts se referment sur son précieux, tandis que ses bras viennent enlacer la nuque du pirate. Ses lèvres retrouvent celles de son amant, et la passion se teinte de tristesse dans un baiser qui devrait être le dernier. Devrait. Parce que lorsqu'elle s'écarte, c'est normalement pour le voir partir, sans savoir quand elle le reverra. Un éclair de génie -hm, à vérifier- la traverse et elle bondit du lit, beaucoup plus vive qu'il y a quelques minutes, en lui lançant un  « Attends ! qui ne laisse pas trop le choix. » À grandes enjambées, elle se rapproche de sa robe, qui gît sur le sol devant la porte, là où on l'avait laissé la veille. Elle s'accroupit et ses mains passent dans les plis. Sous les replis de l'étoffe, elle trouve sa bourse, l'ouvre et fouille dedans. Point de pièce à lui échanger, ou de paiement malvenu. Tableau qui pourrait être amusant que cette femme nue qui vide finalement le contenu de sa bourse sur le tissu rouge. Des pièces, des cailloux et quelques bijoux ornent ainsi la robe défaite. Piochant finalement ce qu'elle cherchait, elle se redresse sans prendre la peine de remettre ce qu'elle a étalé dans l'escarcelle vidée et revient vers Mora, prêt à partir. « Ce n'est pas aussi utile que ce que tu m'as donné, mais sait-on jamais. » Elle lui dépose dans la main le pendentif de Gilraen en ambre rouge, celui-là-même qu'on lui a donné la veille pour la payer. Elle aurait pu le revendre, peut-être. Mais elle a des principes, et elle aurait hésité à revendre l'effigie de sa patronne. Elle préfère la confier à Hermeus, un peu comme si ce tout petit objet pouvait le protéger contre vents et marées. Gilraen saura, peut-être. Et puis, un pendentif comme ça ne tuera personne, alors bon. Sa main s'efface en frôlant la sienne et retombe le long de son corps.
Faire ses adieux est bien plus difficile qu'elle n'aurait pu le penser. Il est curieux de voir comme on peut s'attacher terriblement vite à quelqu'un. Que dit-on dans ces cas-là ? Que peut-elle dire ? Peut-être serait-ce sot et artificiel de mettre des mots sur ce qu'elle ressent, ce qu'elle redoute ? L'incertitude peut se lire dans ses prunelles sans qu'elle cherche à la dissimuler. Elle ne doute pas de ce qu'elle éprouve à l'instant. Elle craint l'avenir imprévisible. Elle voudrait être de nouveau à la veille, dans ses bras, le sommeil les encerclant. Les mots se heurtent dans son esprit sans vouloir sortir de sa bouche. Recommandations inutiles, interrogations stupides, besoin d'être rassurée. Elle ne dit rien, et se résigne. Elle ne peut pas le retenir sur terre. Il a des responsabilités, des gens qui comptent peut-être (sans doute) sur lui. Et elle-même a un devoir à accomplir. L'égoïsme n'a pas de place entre eux deux. Et quand bien même ils voudraient l'être qu'ils ne le pourraient pas. Qu'ils ne le pourront pas, même.

Elle a une dernière chose à lui donner. Immatérielle cette fois. Non, pas son cœur, arrêtez donc d'être aussi bornés que les rosières de Cahoridie. Ses lèvres se séparèrent finalement, elle déglutit de nouveau. Hésite un instant. Ancre ses yeux dans ceux du brun. La main qui ne tient pas le laisser-passer des flibustiers grimpe de nouveau dans les airs pour venir caresser la joue rêche et barbue du capitaine. Sourire doux, bien que peiné. « Va. Retourne à ta frégate et à tes hommes. » Elle accompagne ces mots d'un dernier baiser. Passionné, mais à la fois retenu. Pas contre lui, mais contre elle. Elle s'est attachée trop vite et elle craint ce phénomène. Et pourtant, elle lui a quand même promis de le retrouver tôt ou tard. Elle le congédie sans rudesse, espérant peut-être encore sottement qu'il se décide à rester tout en sachant pertinemment qu'il n'en fera rien. La mer l'appelle. Elle a beau n'avoir jamais vogué dessus, elle peut comprendre. « Au fait…, elle hésite, et reprend alors que leurs regards se croisent encore une fois. Alizarine. C'est comme ça que mes parents ont cru bon de m'appeler. Tâche de ne pas l'écorcher, la prochaine fois qu'on se verra. »
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MessageSujet: Re: notre aube fut rouge. (alizarine)   notre aube fut rouge. (alizarine) EmptyLun 3 Mar - 18:29

Les Dieux. Elle en parle avec conviction. S’il pouvait croire, naguère, aux Neuf, son exil lointain l’a néanmoins écarté de ces démiurges. S’il faut prier, le capitaine s’en remet aux idoles païennes venues des lointaines contrées, ou bien que l’on croise à la Cité Libre sur les lippes froissées par le sel marin. Des entités qui n’ont ni visages, ni dénominations, hissées du cœur des mortels par la rengaine primitive d’une foi sauvage. L’important, après tout, est de croire en quelque chose. De savoir vers qui se tourner lorsque les doutes gonflent comme une gangrène nauséabonde, ou lorsque la peur dévore la raison. Lui, s’en remet à la mer. Qu’Elle ait un nom céleste inconnu de tous ou qu’Elle soit la création d’un Plus Grand, c’est à Elle, et à Elle seule, qu’il s’abandonne. Parfois, il l’aime comme aucune autre âme ne serait capable de l’adorer. Avec une dévotion sacrificielle. Mais il sait aussi la haïr, la damner, la maudire en hurlant son courroux à travers les tempêtes déchaînées et ne souhaiter dès lors qu’un havre de paix fait de terre et d’arbres sur lequel il pourrait marcher de longues lieues sans s’arrêter. En cet instant, il se sent honnir les flots et vouloir rester à jamais aux côtés de l’alleresse pour fouler ensemble le sol de l’existence.

Elle entrouvre sa paume et il y discerne l’éclat doré confiné entre. Elle accepte et les globes oculaires de Mora se perdent un court moment dans leur contemplation.
« Je ne sais pas quand, et j'ignore dans quel port et comment, mais je viendrai. »
Le menton se redresse et les regards s’agrippent avec une loyauté farouche. La promesse est scellée dans le silence frais de la chambrée, bercée de peu par un soleil froid. Les corps finissent par se retrouver, pourfendus d’une carence déjà violente : celle de l’Autre. Morsures tendres et langoureuses qui ne peuvent à elles seules balayer la peine éprouvée par chacun. Si la température ambiante est cupide, leur chaleur à eux n’est qu’ivresse. Les lippes se dérobent – il y met fin de manière quasi brutale – et la carrure du crasseux seigneur se relève avec empressement, décidé à quitter cet endroit sans plus un regard qu’il craint devenir imbibé de chagrin. Les bottes se mettent déjà à marteler le plancher qu’elle l’arrête subitement. Il hésite. Parce qu’il devrait déguerpir avant d’enfoncer le sel du tourment dans la plaie de leurs adieux.
Ses épaules se détournent et il la regarde faire, elle et son corps de muse dévêtue. Comme elle est cruelle, d’ainsi le torturer ! S’il le pouvait, il irait reconquérir les contrées charnelles qui se prélassent sous ses yeux …

« Ce n'est pas aussi utile que ce que tu m'as donné, mais sait-on jamais. » Revenue vers lui, ses fines pattes déposent un objet dans le creux de sa pogne. Il mire le joyau et un éclat amusé traverse son regard. Quand bien même il l’épargne d’un remerciement flasque, elle sait avoir – encore un peu plus – fait accroître la tendresse du brigand à son encontre.
Et puis, à l’unisson, ils se taisent. On ne sait plus quoi se dire, ni comment se quitter. Les pieds deviennent des racines qui refusent de s’arracher et les regards s’amarrent avec opiniâtreté. Finalement, une patte féline se hisse aux abords de sa falaise rugueuse pour venir répandre une douceur appréciée par l’homme dont les paupières s’abaissent un court instant avant de se rouvrir sur des calots perçants. Il serre à s’en faire pâlir la carne l’effigie dans sa main.
« Va. Retourne à ta frégate et à tes hommes. »
Un baiser pudique pour les désunir. Chacun retient les rênes d’un feu qui brûle encore de mille soifs. Les faciès parviennent à enfin à s’éloigner et alors qu’il enserre ses phalanges autour de la poignée de l’huis, elle s’accapare à nouveau l’attention du capitaine. Il vrille la tignasse mais la porte s’entrouvre déjà dans un grincement sinistre ; cette fois, il ne reviendra pas, il se l’interdit avec la même sévérité dont il peut faire preuve envers ses chiens galeux.
« Alizarine. C'est comme ça que mes parents ont cru bon de m'appeler. Tâche de ne pas l'écorcher, la prochaine fois qu'on se verra. »
Il reste quelques deux ou trois secondes déconcerté, avant que son portrait ne se fende d’un masque lumineux. Ses rides soucieuses et son air patibulaire se brisent comme de la roche sous un marteau en fonte pour ne laisser qu’une bienveillance redevable couler sur ses ridules.
« C’est promis. »
Il n’écorchera rien. Et il y aura une seconde fois.  
Oui, c’est promis.

Sa stature disparaît en laissant Alizarine seule comme une femme bafouée par un lendemain cruel. Mais si les regards curieux de l’auberge peuvent rire d’une telle conclusion hâtive, les deux amants savent n’avoir rien volé l’un à l’autre.
Enfin …


THE END.
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