Huit ans ▲ « Père, est-ce ainsi qu’il faut faire ? » Le bras plié, l’arc tendu, les yeux plissés, Sally-Ann se concentre sur la cible placée à une centaine de pieds d’elle. Son coude n’est pas sûr, il tremble et trahit l’effort que la fillette doit fournir pour tenir l’objet. La flèche est également de travers. Le paternel esquisse un sourire attendri. Sa petite dernière est la personne la plus précieuse qu’il ait au monde. Après trois fils, Henry Ryswell ne s’était pas attendu à avoir une petite fille ensuite. Chaque jour, elle lui prouve son courage et sa force. Elle n’a pas à envier les talents de ses frères car elle a les mêmes. Sally-Ann a, en plus, une douceur et une gentillesse qui font fondre toute personne lui adressant la parole. Son visage doux, sa politesse et sa bonne tenue font d’elle la fillette parfaite. Il ne peut rêver mieux. Le père s’approche de sa cadette et pose sa main sur son coude, le redressant. « N'oublies pas que ton bras doit être fort, ma chère enfant. Sans cela, ta flèche risque de toucher la mauvaise cible. » « Bien, Père. » Elle prend une inspiration, relevant le bras et se concentrant plus intensément. Elle ne veut pas décevoir son père. Il est important à ses yeux. En plus, ses frères sont à côté d’elle. Sally veut faire bonne impression et prouver que les femmes peuvent être aussi douées que les hommes. Elle redresse le menton. Sous l’impulsion de son père, elle relâche le doigt. La flèche s’échappe de l’arc et file droit sur la cible. Dans un sifflement, elle se fait un chemin dans l’air. Elle frappe soudainement le toile tendue, en plein dans le centre. Un cri de joie perce l’atmosphère. « Je l’ai eue, père ! J’ai réussi ! » Son père part dans un rire tonitruant. Oui, elle y est parvenu. Cette flèche sera la première d'une longue série.



Treize ans ▲  « Garam, comment allez-vous aujourd’hui ? » Un joli sourire se dessine sur les lèvres roses de Sally. Elle sait que le comportement de l’homme d’écurie a quelque chose de malsain mais elle ne peut s’empêcher d’être gentille avec lui. Elle se contente de se tenir éloignée le plus possible de lui quand ils sont au même endroit. Elle ne peut pas se résigner à en parler à ses parents. Son père serait capable de demander son renvoi et sa mère de l’empêcher de retourner aux écuries. Pour Sally-Ann, il est hors de question de lui retirer une de ses passions. Elle passe une main sur la crinière de son cheval brun. De toute manière, elle se pense assez forte. Elle a déjà vu ses frères se battre à l’épée et se chamailler. Elle saura se débrouiller toute seule si Garam se montre trop insistant. Elle en est convaincue. « Je vous remercie de vous enquérir de ma santé, ma dame. » Sa voix masculine est soudainement trop proche pour que Sally se sente en sécurité. Elle n’a pas le temps de se retourner qu’elle est frappée à l’arrière de la tête avec une vulgaire pelle. Lorsqu’elle se réveille, elle ne sait pas où elle est. Elle croit reconnaitre le chant des oiseaux, le vent dans les arbres mais elle ne reconnait pas le paysage qui s’offre à elle. Elle baisse les yeux pour découvrir la jument qu’elle caressait il y a peu. Devant elle, Garam monte également un cheval. Il lui tourne le dos mais tient une corde reliée au cheval de Sally. « Où m’emmenez-vous ? Que faites-vous ? Je vous en supplie, ramenez-moi chez mes parents… ils vous offriront de l’or… je vous en prie. » La tête de l’homme d’écurie se tourne, glaçant le sang de l’adolescente. Il n’a aucune envie de gagner de l’argent, comprend-elle. Il veut autre chose. Se sentant mal à l’aise, Sally détourne le regard. Il faut qu’elle s’enfuie. Elle ne peut pas rester en sa compagnie. Ses parents l’attendent. Ils doivent la chercher, la pleurer, s’inquiéter. Elle doit les rassurer. « Ne vous souciez pas de ce qu’il vous arrive, faites-moi confiance. » Il lui tourne de nouveau le dos. Il ne fait plus attention à elle. Prise d’une idée subite, Sally-Ann se jette de son cheval. Le sol amortit mal sa chute, la faisant atterrir dans un « boum » peu élégant. Elle grimace de douleur mais se sent soudainement libre. Elle se relève tant bien que mal et se met à courir. Loin. Le plus loin possible. Elle ne connait pas ces bois, elle ne sait pas où elle est. Elle souhaite juste s’éloigner le plus possible de son ravisseur. Elle se refuse à entendre le hennissement et les sabots des chevaux qui lui courent après, ainsi que les appels de Garam. Elle veut juste entendre le sifflement de l’air à ses oreilles, le sifflement de la liberté. Les branches lui griffent les bras, le visage, les chevilles ; elles s’accrochent à ses cheveux et la retiennent prisonnière à plusieurs reprises. Sally trébuche, peu habituée à courir dans les bois avec autant d’obstacles sur son passage. Elle sent le danger se rapprocher derrière. Et d’un coup, ses pieds se soulèvent du sol, tirés par la force de l’homme qui la jette sur son cheval, tel un ballot de foin. « Pourquoi avez-vous fait cela ? Je ne vous veux aucun mal. Je me vois contraint de vous attacher à votre cheval. Pour votre sécurité. » « Non, je vous en prie. Je veux retourner chez moi… » Son vœu ne sera jamais exaucé. Dans quelques années, lorsque la liberté s’offrira de nouveau à elle, Sally ne décidera pas de retourner dans sa famille. Elle continuera sa vie de vagabonde à sa convenance. Qui l’aurait cru ?



Quinze ans ▲ Le souffle du vent faisait flotter ses cheveux autour de sa tête, dessinant une auréole. Un sourire paisible se dessine sur son visage endormi. Elle dort. Le temps d’un rêve, elle oublie son calvaire. Elle oublie la douleur dans ses jambes, la douleur dans son dos, les mauvais traitements et l’emprisonnement qu’elle vit depuis deux ans. Elle s’imagine loin d’ici, dans le parc du château où elle a vécu. Elle se voit allongée dans l’herbe, les pieds nus, dans une belle robe comme elle avait l’habitude de s’en vêtir. Sally-Ann poussa un soupir de contentement. Elle s’y croirait presque. Elle a même le sentiment de sentir un animal ramper sur sa jambe. Monter, monter et encore monter jusqu’à sa cuisse. Lorsque l’insecte arrive à sa hanche, Sally se réveille en sursaut. Devant elle, Garam la regarde, avec des yeux gourmands. Son cœur se met soudainement à battre la chamade, tandis que la peur l’envahit. Elle tente de reculer mais la main du garçon la serre trop fort. « Garam… non, s’il te plait. » Un sourire sadique se dessine sur les lèvres de l’homme. Pas encore. Pas une nouvelle fois. Sally n’est pas certaine de le supporter encore. Des larmes montent et coulent sur ses joues, alors qu’elle sent le feu de la colère brûler en elle. Elle en a marre d’être une marionnette entre ses mains. Elle aimerait être assez forte pour s’enfuir. Elle n’en a pas encore trouvé le courage, ni la force. Mais un jour... un jour, elle y arriverait. « Tout ira bien, Sally. Tu me connais. »  Il se colle à elle, enfouissant son visage dans la nuque de la jeune fille. Elle recule, se débattant, tente de le repousser mais rien n’y fait. Elle baisse les bras, prête à affronter la torture régulière qu’il lui inflige. Elle referme les paupières et éloigne ses pensées de l’acte commis entre ses cuisses. Une jolie forêt, ses parents et ses frères, au pied du château lors d’une journée de chasse. Voilà sa porte de sortie imaginaire.  



Seize ans ▲ Lorsque l’on subit des sévices quotidiennement, que l’on vit caché, emprisonné pendant des années, un caractère se forge. Oubliées la douceur, la joie de vivre, la gentillesse. L’instinct de survie prend le dessus. Chaque occasion est une chance à saisir. Sally-Ann a essayé de s’enfuir à plusieurs reprises, subissant les conséquences violentes de ses tentatives. Chaque coup supporté était un coup pour forger sa carapace. Elle est devenue insensible à la douleur que cet homme lui fait subir. Elle est devenue imperméable à ses paroles. Elle est devenue une personne dénuée de sentiment. Une personne qui ne souhaite qu’une chose : la liberté. La nuit, Sally ne dort presque plus, à l’affut de la moindre occasion. Ce qu’elle compte faire est horrible, cruel. Elle ne l’aurait pas fait quelques années plus tôt mais le prix de ce crime sera sa délivrance. A ce stade de sa vie, elle est prête à tout pour goûter à cette liberté. Ce soir-là, le feu crépite. Ils se sont installés dans une grotte sombre et humide le temps d’une nuit. Le lendemain, ils sont censés trouver un autre lieu de bivouac. Mais il n’y aura pas d’autre jour. Sally ouvre les yeux et se couche sur le côté afin d’observer Garam. Elle ne le regarde plus qu’avec des yeux froids. A quelques pieds d’elle, l’ancien homme d’écurie dort à poings fermés. Il a pris confiance depuis trois ans. Il n’a pas peur que la jeune femme le tue. Il la voit encore comme une gentille fille inoffensive. Grossière erreur. Sally-Ann s’avance, rampant contre la pierre froide. Discrétion est le maitre mot. Elle retire doucement la lame glissée dans la ceinture de Garam. Elle n’a qu’un instant d’hésitation, sa nature ressortant. Juste une seconde. L’instant d’après, le poignard s’enfonce dans la chair de l’homme, l’éclaboussant au passage. Retirer. Replanter. Retirer. Replanter. Elle le fait plusieurs fois, utilisant Garam comme exutoire à toute la détresse et la colère accumulées ces derniers mois. Il a à peine ouvert les yeux quand elle a planté la première fois la lame dans son corps. Il n’a rien senti. Absolument rien. Quand enfin, Sally est certaine qu’il ne se relèvera pas, elle laisse tomber le poignard à côté du cadavre. Son corps est pris de tremblement. Elle a tué quelqu’un. Elle a tué Garam. Elle, la gentille Sally-Ann. Elle se choque. Elle ne se pensait pas capable et pourtant… pourtant elle est couverte de sang des pieds à la tête et elle a encore les doigts engourdis à force d’avoir trop serré le manche. Elle doit sortir d’ici, vite. Elle ne veut pas rester plus longtemps. Elle ne prend rien. Elle ne pense pas à la route qu’elle va devoir faire, ni à sa sécurité. Elle ne pense qu’à s’enfuir.


Elle marche depuis plusieurs jours. Elle ne sait pas combien exactement mais cela lui parait une éternité. La faim gronde dans son ventre. Ses jambes ne la portent presque plus. Ses pieds ne se soulèvent plus. Elle a l’impression d’être une coquille vide. Elle est perdue. Elle ne sait pas où aller, ne sait pas comment se nourrir. Et elle a peur. Des bruits qui l’entourent, des animaux qui apparaissent sans crier gare. Elle s’attend à voir sortir Garam d’un arbre pour la trainer jusqu’à la grotte. Là, elle croit entendre un ruisseau. De l’eau ! Cette simple pensée lui redonne de l’énergie ou, en tout cas, de l’espoir. Elle a tellement soif. Elle n’a pas bu depuis son départ. Elle a besoin de cela. Elle se traine jusqu’au ruisseau avant de tomber à genoux devant lui. Il est là, juste devant elle. Mais Sally n’a pas le courage de se pencher pour boire. Elle n’y arrive pas. Elle craint de ne pouvoir se relever. Elle tend une main vers le filet d’eau mais arrête son geste en voyant un homme se dresser de l’autre côté du cour d'eau. La peur passe dans le regard de la jeune fille. Elle ne souhaite pas revivre son calvaire. Elle ne veut pas…Elle n’aurait pas la force de revivre ces années d’horreur. « J-J-J’implore votre clémence… je vous en prie. » La force la quitte avec ces quelques paroles. Si l’homme décide d’abuser d’elle, Sally ne serait pas capable de se défendre. Cependant, l’inconnu ne semble pas lui vouloir du mal. Il a même quelques paroles réconfortantes qui parviennent difficilement aux oreilles de la jeune femme. Asileth, demi-elfe, est telle une apparition divine. Nourriture, eau, chaleur, il lui offre tout ce dont elle a besoin. Un nouveau départ est enfin possible.


Vingt-six ans ▲ Avez-vous déjà entendu parler de l’instinct du chasseur ? De ce moment où plus rien ne bouge, plus rien n’existe à part la proie que l’on chasse. Autour de Sally-Ann, le temps est en suspens. Elle ne respire presque pas. Son bras est plié comme son père lui apprenait quelques années plus tôt. La flèche est parfaitement droite. La corde est parfaitement tendue. Allongée et cachée derrière des grandes herbes et un tronc d’arbre, Sally guette. Elle sent sa victime proche, naïve, insouciante. Dans quelques instants, elle débarquera dans cette clairière à la vue de tous, elle ne réalisera pas son imprudence avant de sentir la flèche lui transpercer la peau. Dans sa profonde gentillesse, la chasseuse visera le cœur afin de réduire les souffrances de l’animal. Elle a faim, certes, mais ce n’est pas une raison pour infliger la torture à une pauvre bête inoffensive. Son carquois est posé à côté d’elle, plein à craquer de flèches. Elle a passé des heures à les confectionner. Taillées dans le bois, elles sont résistantes et pointues, avec des bords tranchants pour une meilleure pénétration de la peau. Soudain, la biche entre dans la zone découverte. Elle est là, majestueuse, magnifique. C’est presque cruel d’arracher pareille beauté de la surface de la terre. Sally-Ann la contemple, prenant le risque de la voir s’enfuir d’un moment à un autre. Puis son doigt relâche la corde. La flèche, libérée, fend l’air avec  son sifflement caractéristique, suivi par un craquement. La biche s’effondre sur le côté, remue les pattes avant de s’immobiliser. Sally sort alors de sa cachette, époussetant la mousse qui s’est collée à sa cape. Elle jette un regard Kelen qui lui répond par un sourire. Ils avaient décidé de partir à la chasse ensemble et ensuite, de déguster le fruit de leur chasse. Elle l’aime bien. Il est sympa et lui rappelle ses frères. D’ailleurs, elle le considère comme un membre de sa famille. Le chemin a été long avant qu’elle ne se sente de nouveau en confiance en compagnie d’hommes. Elle a dû apprendre à ne pas être sur ses gardes dès qu’on lui adressait la parole. Et voilà qu’elle compte aujourd’hui plus d’hommes que de femmes dans ses relations. « Belle prise ! » Le rire de la jeune femme résonne dans la forêt. Oui, elle est plutôt fière. Elle rejoint sa proie, Kelen à ses côtés. Elle s’agenouille et passe une main dans les poils de la biche. Elle se penche vers son oreille. Il ne fait aucun doute que l’animal est déjà mort mais Sally souhaite lui adresser des dernières paroles.  Elle lutte ainsi contre son sentiment de culpabilité. « Je suis navrée, on va prendre soin de toi. » Elle se relève après une dernière caresse. C’est terrible de devoir tuer de pareilles créatures juste pour se nourrir. Peut-être que Sally devrait se tourner vers une alimentation plus végétale et ne chasser que les personnes ou animaux ce qui posent problème. Une chose est certaine : cette biche va les régaler !

ɤ Pseudo/âge/sexe (f ou m) ; Marie, 20 ans et je suis une femme... enfin, je crois    ɤ Fréquence de connexion ; Tous les jours, normalement. ɤ Que pensez-vous du forum? ; C'est de la bombe ! J'ai hâte de rp dessus   . ɤ Comment l'avez-vous découvert ? Via Bazzart.  ɤ Code du règlement ; war will weather the souls of the lost. ɤ Célébrité choisie ; Ginnifer Goodwin. ɤ Credits (avatar, icon etc.) ; tumblr.