« Il y avait dans le monde trois entités, le ciel, l’eau et la terre. La dernière modela, les hommes et les bêtes sauvages. Ils étaient fait pour vivre en harmonie, la cruauté de certains faisant place à la générosité de l’autre...tout cela pour préserver la paix et l’équilibre sur ce monde. De l’eau, naquit des peuples mythologiques qui bercèrent les contes de notre enfance, des créatures fabuleuses, dont la magie répand des étincelles dans nos yeux et dont les couleurs chatoyaient à l’éclat du soleil. Le soleil...troisième astre sacré après la Mère Terre et la Fille Lune. Un jour, la lune, envieuse de son confrère resplendissant et orgueilleux, se dévoila entière et nue au monde durant la conquête du Roi doré, plongeant les êtres dans l’obscurité profonde. Furieux de cet incident qui porta un coup à sa fierté, le Soleil, décida de créer des gardiens de la lumière. Des créatures reptiliennes mêlant dans leur sang la fantaisie du pouvoir et la réalité de la souffrance. Il y en eut trois. Les Trois Dahàks, qui, en se posant sur la Mère, exigèrent le sacrifice de la première princesse vierge de tous les temps. Celle-ci fut tuée, un jour d’éclipse solaire, où la Fille se laissa de nouveau emporter par sa vanité, et offerte à ces Dieux vivants. En échange de ce sang qui coula de leur gueule béante, ils offrirent la flamme sacrée, et éternelle, qui se logea dans le cœur du roi, et protégea le peuple des ténèbres qu’engendrait la colère de la lune. C’est ainsi, que tous les jours d’éclipse, une jeune fille vierge est donnée à ces Dragons immortels, pour que le feu et la chaleur règne toujours sur le continent prospère... »

Une odeur...un parfum venant des gouffres infernaux s’incrusta dans sa chair et dans ses poumons, la pourrissant au passage, eux si purs et délicats. N’ayant gouté jusqu’alors, qu’au gout sucré de la gourmandise orientale et aux fines épices, voluptueuses poudres enchantées, ses lèvres embrassaient à présent l’amertume d’un sang mortel qui l’écœurait et l’attristait. D’une rivière rougeâtre, qui, dans sa course effrénée, se jetait de la falaise, de cette petite plaie qui entaillait sa délicieuse peau consumée par le majestueux Soleil. Et devant ses yeux cristallisés, on pouvait voir l’horreur de la vision, comme dans le plus beau des miroirs. Des flammes, autres que protectrices, violaient les corps et engloutissaient goulument des vies si précieuses pour la jeune princesse. Le vin du peuple s’écoulait sur la terre, redonnant à la Mère ce qu’elle leur avait offert. Des existences partaient...des femmes et des hommes tombaient sur le sable chaud d’une ville pillée et déshonorée. Des montagnes ornèrent sa propre enveloppe, un frisson de terreur ravagea son échine, dans sa chevauchée mortuaire glaça ses pensées et son être, lorsqu’elle aperçut cette dense fumée grisâtre s’élever vers les cieux. Des âmes innocentes voguaient dans cette rivière funèbre, guidées par la Faucheuse, rejoignant dans la beauté d’un Eden irréel, leurs proches que les Protecteurs avaient transformés en Constellations. Un bruit la fit sursauter, du haut de sa tour royale, son gardien l’arracha de la peinture dramatique, pour l’emmener loin, loin de ce cauchemar. Dans un bourdonnement qui ne parvint pas tout à fait à la raison embrumée de la jouvencelle, il lui expliqua les ordres de son roi. Ils iraient vers le Nord, où un autre continent les accueillerait et où ils leur offriraient l’hospitalité. Là-bas, elle se devait de plaire au gouverneur pour qu’il aide sa nation à se reconstruire. Ou qu’il l’aide à reconstruire une nouvelle nation...une nouvelle ère. Et dans la folie meurtrière qui avançait jusqu’aux pieds du palais aux milles désirs et merveilles, la nymphe orientale, se réfugia une dernière fois, auprès des Drahàks, assassinés par le désastre qui touchait les habitants de ce paradis plongé en enfer. La vitesse des évènements l’effraya, la dérouta, elle en oublia les exigences et attrapant la dague sacré du sacrifice, entaillant la peau écaillé de l’ainé des Dragons. L’or rouge en découla et sans tarder, elle plaqua sa bouche à la blessure aspirant les dernières forces du gigantesque animal. Le liquide brûla sa gorge, ruissela dans son être, ne faisant qu’un avec son âme et son sang. Embrassant ce dernier, caressant, et comme de la mousseline, que les danseuses de Shéhérazade enflammaient de leurs courbes voluptueuses, se mouvait dans ses veines avec grâce et force. Par ce dernier geste impérial et désespéré, par cette lame qui trancha la respectueuse bête agonisante, et par ce festin funèbre qui découla de sa gueule humaine, tâchant la soie de ses habits et les ornements de ses bijoux, elle s’assura d’être pour toujours liée au divin...au céleste. A présent, dans ses veines serpentait un doux alcool honorable mais aussi, l’amour vénérable d’un peuple, aux allures de celui de la merveilleuse cité qu’était Atlantide, qu’elle chérissait depuis sa plus tendre naissance, et qu’elle perdit en une effroyable et sanglante journée.




Ses pupilles se dilatèrent, arrachant au grenat de son âme, à l’extraordinaire don de faire fuir les démons, son pouvoir innocent. Ses narines s’écartèrent, la senteur de viande fraichement tuée, du sang animal qui se mouvait sur la sombre terre, venant réveiller et charmer ses sens primitifs, approchant pour endormir la raison qui la berçait. Il y avait ces fantômes, qui hier encore, chantaient leurs complaintes à celle qu’ils pensaient pouvoir les sauver...Hier encore, elle avait été perturbée par ces cris silencieux qui lui volait, de force, des murmures incompréhensibles, des « pardons » évanescents se perdant dans la dense forêt aux lamentations bien belles. Si seulement les astres auraient été présents sur cette nouvelle terre...si seulement...ils avaient été spectateurs de la tragédie pathétique dans laquelle leur princesse jouait le rôle de la martyre. Dépouillée de son droit de naissance, de son trône majestueux enveloppé de la douce lumière du Dieu Soleil, de sa couronne qui ornait son visage de muse si somptueusement. Elle avait dans une main le fouet, pour l’autorité, et de l’autre la rose rouge de sa féminité. Mais à ce jour, elle n’avait même plus son serpent, son Khàa, qui aimait s’enrouler, comme un bracelet aspirant à la fois le respect et la crainte, sur son bras, remontant en des millions de petits baisers jusqu’à son cou, sa chair si tentatrice aux yeux du nouveau monde. Elle devait se douter que dans la vie, les belles valses n’arrivaient que par chances, et que le reste du temps, on se trainait comme des misérables dans la boue, essayant d’atteindre cette lumière qui nous éblouissait jadis. Bestiale...elle était la « sauvageonne » au milieu de ces paysans, la bohémienne de la nature mêlant en son âme, obscur fantasme et rayonnante pureté, la tombe d’un continent. Prisonnière de ces humains, animal de foire, et danseuse orientale, elle a le gout mielleux d’un rêve de mousselines et la fièvre d’une haine rongeant son esprit si paisible...autrefois.