« La mort. Qu'est-ce que réellement la mort ? Là où certains voient un renouveau, une nouvelle vie, une aspiration à s'approcher enfin des Dieux, certains ne voient-là que le néant. Après tout, qui peut prétendre savoir ce qu'il se passera une fois notre dernier soupir poussé ? Certains penseurs diront sûrement que tout ce qui touche à la religion n'est là que pour rassurer les vivants. Qu'importe la vie misérable qu'ils auront eues, ils vivront auprès des Trois, ou … Des neufs. Soyons honnêtes, pour de rares habitants de ce Monde, la religion n'était en fait qu'un monumental bordel. Après tout, comment pouvait-il y avoir plusieurs religions différentes ? Qui avait raison ? Qui avait tort ? Comment cette nouvelle religion est-elle arrivée ? Un homme a-t-il été touché par la grâce de l'un des Trois, lui ordonnant d'agissant en son nom et de bannir à jamais l'ancienne religion ? J'en doute fort. Cette nouvelle religion a de nouveau entraîné la mort, alors que, celle-ci ne devrait-elle pas inculquer la paix ? Non, la mort est présente de partout. Elle est d'ailleurs l'une des rares choses qui unit chaque être vivant. Elle est aussi la seule chose capable de rassembler des ennemis. Devant l'effroi de perdre la vie, l'incertitude de ce qu'il se passerait après, cet instinct qui nous garde en vie, chaque Homme est prêt à de nombreux sacrifice. La mort laisse un trou, béant, sanglant. Une cicatrice douloureuse qui ne se refermera sans doutes jamais réellement. Qu'importe l'être qui finit par mourir, son ultime souffle ne fera que se muer en un vent de tristesse sur ses proches. L'on parle souvent de la mort telle qu'elle, mais, qu'en est-il de leur proches ? De leurs amis ? De leurs femmes ? De leurs enfants ? L'histoire ne se souvient que guère des ravages causées par la mort des grands hommes.

Sans doutes avez-vous déjà entendu parler du roi Halbarad premier. Celui qui perdit la vie durant son sommeil dans de mystérieuses circonstances ? Oui, vous voyez, mais, vous êtes vous déjà questionnés sur son entourage ? Son peuple ? Comment l'avaient-ils vécus ? Laissez-moi vous conter un pan de cette histoire, à travers celle de Dezial Rivers, que je ne présente désormais plus.

La scène se déroule le jour de l'enterrement du fameux homme. Retrouvé il y a peu dans son lit, inerte, sans la moindre trace de blessure, de lutte, ou de poison. A ce sujet, un examen approfondi fut demandé, mais, nulle trace ne fut trouvée, et pourtant … Certains étaient sûrs que sa mort n'avait rien de naturelle. Comment un homme en parfaite santé pouvait-il perdre ainsi la vie si soudainement ? Le cœur qui s'arrête ? Voyons, cela est fort peu probable. Du moins telle avait été la déduction du maître d'armes du dit-roi. Croyant dur comme fer à un empoisonnement, il ne pouvait décemment pas laisser cette version se propager sans rien faire. Comme vous le savez sans doutes, l'homme n'était pas un simple maître d'armes, il était aussi membre du Conseil des Sombrelame, ayant ainsi derrière un large réseau de personnages doués pour agir dans l'ombre. Lui était devenu un personnage connu, il ne pouvait enquêter continuellement sur tout cela. Il le ferait tant qu'il le pouvait, mais, seul, il ne ferait rien. Ainsi, très vite, l'idée de constituer une équipe pour enquêter à ses côtés lui apparut. Bien que le premier membre de l'équipe -Morrigan Storm- semblait évident, le reste lui demanda quelques réflexions. La jeune femme était devenue une personne de confiance. De grande confiance même. Ne pouvant se déplacer librement jusqu'aux réunions du Conseil, la belle était devenue son émissaire. Chacune des missions délicates et secrètes étaient pour elle. Ainsi, un travail d'enquête, et gérer une équipe, tout cela lui irait parfaitement. Quant aux autres membres, le bâtard n'était pas encore fixé, mais … Pour l'heure, il y avait bien d'autres choses à penser.

L'enterrement de son roi, son ami, son beau-frère. Tout cela ne pouvait que l'émouvoir, bien que solide et respecté, la perte d'un membre de sa famille était tel lui arracher un membre Malgré tout, la principale raison de ses yeux humides n'était autre que sa sœur. Pourquoi me diriez-vous ? La raison est pourtant évidente. Sa sœur était sans nul doutes la personne qui comptait le plus pour lui, ainsi, la savoir plongée dans un tel chagrin sans pouvoir ne rien y faire lui déchirait le cœur. Malgré tout, il fallait penser à plus important -car plus important il y avait- et il fallait agir vite. Le principal suspect de cet empoisonnement était la Main du roi. Dezial lui reconnaissait la folie des grandeurs, se doutant vouloir bien plus que ce qu'il n'avait déjà. Simple Main ne lui suffisait sans doutes pas, et, la mort du roi était un premier pas vers tout ceci. Pourquoi ferait-il ça ? La raison était simple, l'aîné était encore jeune. Grandement malléable et manipulable. Si Phineas arrivait à le mettre sur le trône et à l'utiliser tel une marionnette, il serait ainsi roi à la place du roi. Il fallait donc se méfier de cet homme comme de la peste, et, la reine se devait d'être au courant, malgré le chagrin qui devait l'affubler en cette journée atroce.

Passant discrètement devant ses appartements, il glissa une missive au garde royal qui veillait sur la porte, demandant de lui remettre celle-ci le plus tôt possible. Le message contenant quelques mots, auxquels était ajoutée une fleur du jardin. Une référence aux fameux messages qu'ils s'échangeaient dans leur adolescence pour se retrouver en cachette. Quelle époque bénie. Tout était simple, tout était prétexte à rire. Désormais, tous étaient adultes, avec des responsabilités, des secrets, et de nombreuses choses à défendre au péril de leur vies.

Le maître d'armes n'eut pas à attendre bien longtemps dans les jardins. La reine arriva dans son dos relevant la référence précisée précédemment, tenant même à préciser les chevauchées clandestines. Dezial ne put que sourire, nostalgique de cette époque, mais, pas seulement. La seule voix de sa sœur, sa seule présence suffisait à le réconforter. Cette sœur fut la première à l'accepter en tant que tel, à l'aimer, à s'occuper de lui. Lui qui n'était rien, trouva en arrivant au château un ange gardien, lui apportant tendresse, nourriture, réconfort et un bon feu. Jamais il n'oublia cette image, cette joie. Jamais son amour pour elle ne tarit. Lui qui n'était pas garde royal, lui qui ne pouvait pas prétendre à tel poste s'était promis ce jour-là de veiller sur elle, tel un ange gardien. Un ange de la mort qui abattrait ses démons sur quiconque lui voudrait du mal. Qu'importe qui est-ce que cela serait, qu'importe les preuves contre lui, il le ferait. Qu'importe le regard que porterait sa sœur sur lui après un tel événement, il le ferait.

Se rappelant nostalgiquement de leur enfance, la veuve éplorée se permit un sourire, confiant qu'elle aimerait désespérément retourner à cette époque où rien n'allait mal. Son frère se mit à sourire tendrement à son tour, s'approchant d'elle, pour lui emprisonner avec douceur ses mains au creux des siennes.


Tendrement, le jeune-frère sourit, les yeux humides, tout en tapotant avec tendresse les mains tremblantes de sa reine. Son sourire s'estompa peu à peu, pour prendre un air plus sérieux, plus sévère, qui ne semblait habiter que peu le visage de cet homme, habituellement si chaleureux. Se rapprochant d'elle, il susurra des mots dans le creux de son oreille.


Une larme se mit à perler le long de la joue du maître d'armes qui s'était arrêté quelques instants pour souffler.

A nouveau il prit une pause, resserrant son étreinte, tandis que son souffle s’accélérait, et que sa voix devenait tremblotante.


Se séparant enfin de cette proximité, la reine eut l’opportunité de voir les yeux de son frère, pourtant si fort en temps normal, humides, semblant prêt à verser quelques larmes. La seule idée de perdre sa très cher sœur le terrorisait et le blessait au plus profond de son être. En parler était des plus douloureux, mais … Il fallait la mettre en garde, protéger son fils pendant que lui allait s'occuper de l'assassin. »

« Frère et sœur avaient toujours été proches, présent et à l'écoute l'un pour l'autre, et ce, en tout temps. Il est vrai que, durant une longue période, c'était Dezial qui allait chercher du réconfort dans les bras aimant de celle qui devint la reine. À chaque peine, à chaque larmes, elle savait quoi dire, quoi faire pour l'aider et le refaire sourire. À dire vrai, qu'importe ce que la jeune femme pouvait bien dire, tant que cela venait d'elle, l'enfant retrouvait le sourire. Dans ce monde nouveau qu'était la noblesse, elle fut la première à aimer ce bâtard, et ce, dès les premiers regards. L’innocence de l'enfance sûrement mais, cela, jamais il ne l'oublia. Ainsi, en ce jour, alors que la situation était inversée, le maître d'armes ne put s'empêcher de relâcher un sourire attendri. Malheureusement, lui, ne pourrait rien faire pour apaiser sa souffrance, sécher ses larmes, du moins, pour l'instant. Tant que la tête de Phinéas ne serait autre part que sur ses épaules, le chagrin ne diminuerait pas.

Sans vraiment prendre de gants, le Sombrelame exprima ses doutes au sujet de la Main du Roi, sa certitude quant à son implication dans la mort du roi, mais aussi qu'il enquêtait sur lui afin d'être certain. Bien entendu, Dezial ne mentionna pas qui faisait partie de son groupe, ni comment ils récoltaient les informations, mais, l'idée était là. Aussi, la promesse de ramener la tête fut faite. La veuve semblait d'accord avec tout cela et même bien plus. Elle avoua avoir parlé des changements chez cet homme à son défunt époux, de faire plus attention. Malheureusement, il ne l'écouta pas, et, la vie lui fut ôtée. Dans d'ultimes mots de souffrance, la reine vint trouver refuge entre les bras de son frère qui, l'étreignit avec une infinie tendresse, tout en lui caressant l'arrière du crâne, se voulant rassurant.


Se permettant un rire doux au même moment qu'une larme chaude qui vint s'écrase sur le front de sa sœur, le maître d'armes resserra son étreinte.

A nouveau il sourit, l'écoutant parler d'un futur peu radieux, parlant de la promesse de son époux d'être toujours-là, de franchir toutes les épreuves ensembles, mais, il n'était plus là désormais, et, elle devrait les affronter seule. Touché, le maître d'armes lui baisa avec tendresse le front, soufflant un « courage », avant de reprendre la parole.


La discussion finit par se détourner sur l'attention toute particulière qu'elle devait avoir maintenant que son époux était mort. S'il s'agissait bien de Phinéas, ce meurtre ne serait pas un cas isolé. Si l'on en croyait ce que Dezial pensait, le but du meurtrier était bel et bien de s'approcher du prince pour le former comme il le voudrait. Peu à peu, ils grappillerait plus de pouvoir jusqu'à tout obtenir. Et, dans cette quête, la reine serait un obstacle gênant, il fallait donc qu'elle fasse attention. Oui, si elle … Si ELLE, venait à mourir, sans nuls doutes que le bâtard finirait par mourir de chagrin. Il fallait veiller sur elle, tant pour sa survie que celle du royaume. Malheureusement, la veuve ne semblait pas de cet avis, préférant augmenter la sécurité des enfants plutôt que la sienne. Ils étaient plus importants selon ses dires. Une mère aimante et courageuse.

Eleonore finit par s'approcher de son frère pour lui caresser la joue, lui demandant de promettre de s'occuper de ses enfants plutôt qu'elle, rajoutant que s'il venait à arriver quelque chose à l'un d'eux, elle ne survivrait pas. Avec amour, le soldat se saisit de sa main et sourit. Il ne pouvait refuser pareille chose.

Un dernier sourire gêné avant de prendre une mine un peu plus sérieuse.


Souriant, gêné, il ne pouvait en dire guère plus à sa sœur. Ces compétences étaient bien entendu des aptitudes de Sombrelame. »

« Dezial aimait profondément sa sœur, cela était de notoriété publique. Tout ce qu'il a toujours fait dans sa vie avait pour unique but de soutenir sa sœur et sa famille. La reine a toujours été prioritaire sur tout, et ce, depuis qu'il est gamin. S'il a appris à se battre c'était bel et bien pour la protéger le jour où il le pourrait. S'il a si longtemps arpenté les routes, c'était uniquement pour se faire reconnaître, afin qu'un bâtard comme lui puisse se tenir auprès d'elle sans la traîner dans le déshonneur. S'il a rejoint les Sombrelames, c'est uniquement pour gagner plus de force, plus de puissance, et ce, pour ne veiller que mieux sur elle et sa famille. Ainsi, la voir si triste, si déchirée, au plus mal, et sans pouvoir faire quoi que se soit, son cœur semblait exploser à chaque battement de cœurs. Que pouvait-il bien faire après tout ? Son mari aimant lui avait été arraché de la plus sordide des façons, et lui, n'avait rien pu faire, qu'importe ses mots, il n'arrivait pas à la rassurer. Il avait beau lui dire qu'elle devait chérir ses souvenirs, ses moments de joie à ses côtés, la veuve n'y prêtait pas la moindre attention, gageant que la situation ne pouvait être pire, que ses enfants avaient perdus leur pères, et que son jeune fils étaient désormais la proie des nombreux prédateurs que la cour abritait. L'on pouvait sentir la détresse dans sa voix, une colère contagieuse. Oui, Dezial avait déjà une haine profonde pour l'assassin, mais, de voir sa sœur dans cet état .. Cela ne faisait qu'amplifier celle-ci.


L'homme tentait de se montrer convainquant dans ses propos, et ce, malgré sa voix tremblotante, la tristesse dans ses yeux et la colère dans ses poings. Si elle pouvait être le roc sur lequel pouvaient s'appuyer ses enfants, lui serait celui de sa sœur. Elle, l'avait été pour lui jusqu'à maintenant, il était heureux d'endosser à son tour ce rôle, même si la situation n'avait rien d'enviable. La reine, toujours au plus mal, se mit à penser tout haut. Même si le chagrin venait à disparaître … Que se passerait-il si l'un de ses enfants venaient à mourir. Son cœur se brisa, une fois de plus. Cette tristesse était si profonde … Cela lui aurait presque donné envie de vomir tellement son ventre le faisait souffrir. Mais, il devait se montrer plus fort que cela, et, assumer son rôle de … Roc.


Plus tard, lorsque la reine demanda à son demi-frère de veiller sur son fils plutôt qu'elle, lui ne put qu'accepter, ému de la force et du courage que celle-ci faisait en ce moment. Il ne pouvait gâcher cela, ni même l'effacer. La force que pouvait montrer une mère pour protéger ses enfants pouvait être effrayante, et, selon lui, il n'y avait pas de sentiment plus pur que cela. Malgré tout, elle le remercia, sincèrement. Lui renchérit sur le fait qu'elle était aussi une cible, et que si une chose était sûre, c'est que lui ne survivrait pas si, à son tour elle se faisait tuer. Alors, avant de déposer un baiser sur la joue de son frère, la reine lui avoua penser qu'il ne lui accordait que trop d'importance. Cela le fit rire un bref instant.


Sa main vint se poser sur son cœur, agrippant peu à peu le tissus qui le séparer de sa peau jusqu'à le tordre avec force, tandis qu'une larme venait couler le long de sa joue. Redressant le regard, il la regarda, le second œil humide, prêt à couler, lui aussi.


A nouveau des larmes se mirent à couler.


Même en enfer. Telle était sa pensée. Oui, sa sœur était son soleil, la raison de sa survie jusqu'ici. Sans elle il n'aurait été rien, il ne serait pas devenu un si grand combattant, il n'aurais jamais été maître d'armes, il ne serait personne. Ainsi, pour préserver sa famille et la santé mentale de sa sœur, il devait aussi songer à protéger sa nièce, mais pas seulement en veillant sur elle, en lui apprenant à se battre, quitte à lui apprendre quelques petits trucs de Sombrelame. Attaquer dans l'ombre, s'y dissimuler, et y être encore plus forte. Lorsqu'il lui proposa, la reine accepta, se rendant sûrement compte du danger. Elle se permit même une petite boutade sur son avenir en tant que chevalier. Il rit à son tour, mais, avant de pouvoir dire quoi que se soit, les cloches se mirent à sonner, signant là le départ de la reine. En partant, la veuve remercia son frère, ce qui le fit sourire.

Sur ses mots, il partit à son tour, se rendant lui aussi aux obsèques, mais là où était sa place : avec le peuple. »