Une vue interminable sur l’horizon. Des routes, des arbres, toujours cette même vision qui ne s’efface jamais. Ce paysage plat et monotone, c’est tout ce dont se rappelle Irina. Fille de marchands, qui eux même avaient des parents marchands, la petite tête blonde n’avait toujours connu que les routes. Elle ignorait même où elle était née. Ses parents lui avaient dit qu’elle avait vu le jour sous la douce brise chaude de Tameriel bien qu’ils n’avaient pas encore atteint la frontière. Elle avait sûrement dû naître dans une auberge au bord d’une route, ou quelque chose du genre. Assise au bord de la charrette, les pieds dans le vide, Irina avait ce regard mélancolique, presque vide. Ce manque de repaire l’avait toujours déstabilisée à contrario de son frère jumeau, Seth. Lui, il adorait être sur les routes, se rendre dans des villes nouvelles, découvrir Kahanor en somme. Mais pour la petite fille, c’était bien différent. A peine avait elle eu le loisir d’apprécier un endroit qu’on la remettait dans la charrette et que l’on se rendait à l’autre bout de la contrée. Ses parents étaient des marchands itinérants, des gens de voyage. Ils étaient impensable pour eux, et pour toute la caravane, de se poser quelque part et d’ouvrir un commerce. Ils n’auraient pu toutes ces belles choses exotiques et extraordinaires qu’ils pouvaient vendre dans d’autres contrées. Se poser quelque part, ça serait la mort de leur commerce et ils ne pourraient plus vivre. Irina devrait mettre son mal être de côté et s’habituer à la vie que ses ancêtres lui ont offert. Une vie de voyage, de rêverie et d’une envie qui ne sera jamais assouvie.
Elle continua de scruter la cime des arbres, perdue dans ses pensées et rêves de grandes villes, quand on lui tira le bras et qu’elle se retrouva alors à terre. Une autre tête blonde lui fit face, un sourire jusqu’aux oreilles s’affichaient sur son visage
« Arrête d’être dans la lune petite sœur ! » Seth avait ce côté agaçant, toujours enjoué et prêt à faire n’importe quelle bêtise. Il avait beau être l’aîné, il était le plus turbulent des deux. Il n’y avait aucun doute possible pour leurs parents, les jumeaux étaient le jour et la nuit. Seule leur ressemblance physique pouvait rappeler qu’ils étaient frère et sœur. Face à la remarque de son frère, Irina n’essaya même pas de se justifier ou de trouver quelque chose, de toute façon Seth ne l’écouterait pas. Et pour preuve, il lui attrapa le bras et l’entraina avec lui
« Aller viens, j’ai quelqu’un chose à te montrer ! » Il commença à courir mais il dût rapidement lui lâcher le bras car avec une robe, la jeune fille ne pouvait pas rivaliser avec son frère. Elle attrapa le bas de sa robe pour se dégager les jambes et se mit à courir pour essayer de rattraper son frère. Au loin, elle entendit sa mère crier qu’ils ne devraient pas trop s’éloigner et Seth lui dit qu’ils n’allaient pas loin. Irina essaya de le rattraper. Elle courut le plus vite possible, au point que ses cuisses la brûlèrent. Elle avait l’impression que ses jambes allaient se dérober sous elle avec cette vitesse, ou alors qu’elle finirait par s’envoler. Une fois en haut de la colline où son frère l’attendait, Irina reprit alors son souffle. Elle posa ses mains sur ses genoux, totalement épuisée. Seth était aussi essoufflé qu’elle et entre deux respirations, il réussit à lui dire
« Regarde Irina. » Il avait levé le bras et montrait du doigt quelque chose au loin. La petite fille se redressa difficilement et elle eut le souffle coupé en remarquant le paysage. Au loin, une immense cascade trônait dans la petite vallée, alimentant une rivière paisible. Cette vision était magnifique, chimérique. Aussi rêveuse qu’elle pouvait être, Irana n’aurait jamais pu imaginer qu’un endroit comme celui là pouvait exister. Seth s’approcha de sa sœur et lui dit
« C’est pas dans tes villes qu’on aurait vu ça ! » Et effectivement sur ce point, il avait raison. L’avantage de voyager, c’est qu’on a la possibilité de voir des choses magiques et que lorsque l’on est cloitré derrière des remparts, on ne les verra jamais. Seth lui prit à nouveau la main et Irina lui sourit, heureuse. Sans avoir à se parler, ils se mirent à nouveau à courir et se ruèrent sur la rivière. Seth y entra sans se poser la moindre question. Il avança jusqu’à ce que l’eau lui arriva aux genoux puis il se retourna vers sa sœur, restée sur le rivage. Il lui demanda alors pourquoi elle n’était pas dans l’eau et timidement, Irina lui répondit
« Mère ne va pas être contente si je salis ma robe. » Seth arqua un sourcil et lui répondit
« Tu ne peux pas la salir puisque tu vas dans l’eau. » Logique enfantine implacable. Avec l’approbation de son grand frère, Irina le rejoignit, se plaignant que l’eau était froide. Et pour la réchauffer, Seth n’eut d’autres idées que de lui jeter de l’eau et il ne fallut pas longtemps pour qu’ils commencent à se battre littéralement, se retrouvant trempés de la tête au pied. Leurs parents, inquiets, arrivèrent en haut de la colline et ne purent qu’admirer le spectacle. Un spectacle rythmé par les rires innocents des enfants. Leurs parents sourirent et leur mère finit alors par dire
« Allez les enfants, on repart ! » Ils durent à contrecœur quitter la rivière et ils suivirent alors leurs parents. Irana allait sûrement retrouver sa place habituelle dans le chariot. Ils remontèrent la colline. Arrivée au sommet, la petite famille continua son chemin pour rejoindre le reste de la caravane tandis qu’Irina resta quelques instants en haut. Se retournant pour jeter un dernier regard sur la cascade. Elle si dit intérieurement que Kahanor n’était pas si mal, après tout…
Plusieurs hivers passèrent et la vie d'Irina ne changea absolument pas. Elle était toutefois devenue une adolescente beaucoup plus enjouée. A défaut de pouvoir rêver de se poser quelque part, elle essayait de profiter de plus en plus de la vie de voyageuse. Et il faut bien avouer que c'était grâce à son frère que ce changement s'opéra. Avec les années, les jumeaux s'étaient encore plus rapprochés, devenant quasiment inséparables. Même lorsque quelqu'un souhaitait discuter avec un des deux en tête à tête, l'autre arrivait toujours à s'immiscer dans la conversation et d'être aux côtés de l'autre. Plus que jamais ils étaient devenus proches, même si une grande différence, qu'ils gardèrent secrète, s'était installée entre eux. Ils avaient pris l'habitude depuis plusieurs années de se battre durant les voyages. Un simple bâton pour épée de fortune et le duel était lancé. Même si elle était une fille, Irina adorait se battre et surtout gagner contre son frère, du moins quand elle le pouvait. Car lors d'une fin d'après midi, alors que le soleil entamait sa descende pour aller se réfugier derrière les montagnes, Seth et Irina s'étaient adonnés à un petit combat au bord d'un lac. Ils étaient à l'abris de tous et profitant du léger contre bas, la jeune fille réussit à déstabiliser son grand frère qui tomba dans l'eau ou presque. Alors qu'il aurait dû s'affaler dans le lac, un bras d'eau le retint et l'empêcha de tomber. C'était comme si l'eau s'était mise à son service, qu'elle avait cessé d'être un simple élément pour devenir une entité à part entière. Irina resta bouche bée devant ce spectacle et Seth n'était pas mieux. Ils essayèrent de comprendre ce qui venait de se passer et quand le jeune garçon fit mine de retomber à nouveau, une réaction similaire se reproduit. C'est alors qu'Irina se rappela de bribes de conversation qu'elle avait entendu durant leur voyage. La magie existait, le contrôle de certains éléments étaient possibles. Elle souffla alors, abasourdie.
« Seth… Tu es un mage ! » Autant dire qu'il était le premier de la famille et puis très peu d'humains avaient cette chance. Tandis que Seth ne savait ni quoi dire ou penser, Irina était toute excitée par cette découverte. Et elle se mit alors à rêver à voix haute
« Si tu es un mage et que nous sommes jumeaux… Moi aussi je suis magicienne ! » Elle se rua alors dans l'eau et comme son frère l'avait fait quelques minutes plus tôt, Irina se laissa tomber, l'espérant qu'un siège aquatique la retienne. Mais rien n'y fit. Ni cette fois là ni les dizaines de tentatives qui suivirent. Irina tombait toujours dans l'eau, inlassablement. Elle se rendit alors à l'évidence, elle n'avait sûrement aucun don magique. Sentant la colère montait en elle, elle claqua ses poings à la surface du lac
« Pourquoi les Dieux t'ont préféré toi ?! Tu es le garçon et tu es magicien ! C'est pas juste ! » Elle sortit de l'eau comme un furie, n'écoutant pas son frère qui l'appelait.
Mais il ne fallut pas longtemps à Irina pour accepter le fait que son frère était mage et pas elle. C'était sur le coup de la colère mais elle ne pourrait jamais en vouloir éternellement à Seth. Cette nuit là, autour d'une bougie, ils se jugèrent de garder ce secret, de ne jamais rien révéler à personne. Entre frère et sœur, ils avaient toujours eu des secrets mais là, c'était le premier aussi important. Seth réussissait à contrôler ses pouvoirs et personne dans la caravane ne remarqua jamais rien, jusqu'à cette après midi. Ils étaient quelque part dans la contrée de Sermar. Seth et Irina étaient partis de leurs côtés afin de vendre quelques produits aux passants, discutant avec quelques un d'entre eux, réussissant à faire parfois quelques affaires. Seth s'approcha de sa sœur et lui dit
« Souris un peu, ça attirera plus de clients. » Irina regarda alors son frère et lui rétorqua
« Dis comme ça, j'ai l'impression d'être une fille de joie... » Seth pouffa de rire et continua de taquiner sa sœur
« Impossible, les filles de joie sont toutes jolies. » Profondément vexée, Irina poussa son frère qui ne pouvait s'empêcher de rire. Ils continuèrent leur tour dans les rues de la ville. Le soleil était encore haut dans le ciel quand ils avaient fini de tout vendre ou presque. Ils décidèrent de profiter un peu de la ville, longeant les immenses remparts. Seth brisa le silence, tout en ayant les yeux fixés sur la forteresse
« Je ne comprends pas que tu veuilles vivre dans un lieu comme celui là. Tu serais renoncée à ta liberté ? » Irina regarda son frère, étonnée. Cela faisait longtemps que leur divergence d'opinion à ce sujet n'était pas revenu sur le tapis. La jeune fille lui répondit alors
« Tu trouves vraiment qu'on est libre ? » Son frère pouffa et lui répondit
« Et ça serait quoi pour toi la liberté sinon ? » Sa sœur n'eut pas le temps de répondre qu'un groupe d'hommes peu enclin à la négociation arriva et poussa Seth. Ils avaient l'air visiblement énervé
« C'est toi qui m'a vendu ce couteau à beurre ! Rends moi mon argent espèce de sale voleur ! » Seth avait beau lui expliquer qu'ils ne vendaient aucune arme, seulement des étoffes et des produits originaires de chaque région mais les armes ne faisaient pas partis de leur commerce, l'homme avait décidé que c'était lui qui lui avait vendu le coutelas de très mauvaise manufacture. Ils commencèrent à le frapper, Seth essayant de se protéger comme il put. Il tomba à terre et apparemment agacé, l'homme se retourna vers Irina, maintenu par un de ses acolytes.
« Ta dulcinée sera peut être plus bavarde... » Il posa la lame sur la joue, prêt à lui balafrer le visage. Irina avait beau se débattre, rien n'y fit, elle était sous l'emprise de ces barbares.
« JE T'INTERDIS DE LA TOUCHER ! » Une énorme bourrasque de vent s'éleva et repoussa les hommes. Seth se releva, sa colère prenant forme avec le vent, pourfendant les assaillants sous les yeux ébahis des autres habitants. Irina s'approcha de son frère et lui prit le bras pour l'emmener loin de cet endroit. Ils se dépêchèrent de rejoindre leur convoi qui était quasiment prêt à partir. Toutefois ils n'eurent pas le temps de se mettre en route que la garde rappliqua, expliquant que l'utilisation de la magie était interdite qu'il fallait envoyer à la Tour, là où on pourrait le contrôler sans problème. Evidemment personne n'était d'accord et les soldats durent utiliser la force pour arrêter Seth et ils l'emmenèrent sous les pleurs et les cris d'Irina. Le plus dur jour de sa vie.
Autant dire que l'enlèvement de son frère, Irina ne l'a jamais su le digérer. On lui avait pris tout ce qui comptait pour elle, son frère jumeau. Il était elle comme elle était lui. Une partie d'elle s'en était allée quand Seth a été envoyé dans cette Tour, à l'abri de tous. Ou plutôt tous à l'abri de lui. Elle se sentait seule, désemparée avec une douleur au ventre qui s'en allait jamais. Plusieurs fois, elle s'était éloignée de la caravane, prenant un bout de bois et frappant de toutes ses forces sur la première chose venue, souvent un tronc d'arbre. Elle avait besoin d'extérioriser cette colère incessante, insatiable. Elle n'avait qu'une idée, se rendre à la Tour et aller le chercher. Evidemment tout le monde lui dit que c'était la pire idée qu'elle pourrait jamais émettre. Personne ne sortait de cette Tour, trop bien gardée par les Templiers. Et Irina ne pourrait rien faire. Elle savait à peine tenir correctement une épée, contre des soldats parfaitement entraînés, autant qu'elle se jette tout de suite d'une falaise qu'ils disaient. Mais la jeune fille ne pouvait pas abandonner et quand leur route les amena à Alcahar, non loin de la Tour du Cercle, Irina était obligée de se rendre là bas. Sans prévenir personne, elle attrapa un cheval et galopa jusqu'à ce qu'elle aperçut cette grande tour noire au milieu d'une île. Un seul accès permettait de s'y rendre et évidemment il était bien gardé. Peu importe. Elle galopa jusqu'au pont alors qu'elle mit pied à terre, elle courut pour l'emprunter mais les gardes étaient là pour l'accueillir et ils la repoussèrent. Pas la peine de se servir d'une arme pour rejeter une adolescente en pleurs.
« Vas t'en petite ! Ton Seth ne reviendra pas ! » Elle hurlait le prénom de son frère
« Je te le jure Seth, je te ferai sortir de là ! » Evidemment cela faisait bien rire les Templiers. Ils la poussèrent à nouveau
« Remonte sur ton canasson et qu'on ne te revoie plus ! » Irina n'eut d'autres choix que d'obéir. Jetant un regard à cette immense bâtisse noire, un endroit terrifiant. Elle imaginait son frère au fin fond d'un cachot, lui qui rêvait de liberté, on venait de mettre un oiseau en cage... D'un coup de talon, le cheval se mit à trotter et sur le chemin qui la ramenait auprès des siens, elle se jura qu'elle le libérerait, qu'elle le ferait sortir de cette prison. Et qu'elle les massacrerait tous, jusqu'au dernier.
Les années passèrent et l'espoir de pouvoir sortir son frère s'amenuisait même si elle y pensait toujours. Elle s’entraînait toujours seule dans cette optique de le faire sortir de là. Avec cette envie de vengeance persistante, Irina n'eut pas vraiment le temps de penser à autre chose. Elle était devenue une femme, aux yeux de ses parents, il était temps pour elle se trouver un mari et de fonder une famille à son tour. Mais il faut bien avouer que de se marier n'avait jamais été dans ses plans. Ses parents avaient pourtant bien pensé à quelqu'un. Un jeune homme de son âge, le fils d'une autre grande famille de marchand. Ca aurait pu lui convenir à merveille mais Irina s'y refusa. Elle ne souhaitait pas se marier et cet homme ne changerait rien. Ses parents s'insistèrent pas et acceptèrent le choix de leur fille, se disant qu'elle devait encore trop penser à leur fils. Et ces entraînements ne la rendaient pas plus féminine. Mais malheureusement tout cela ne les sauva pas. Longeant une forêt au bord de la route, le convoi avançait paisiblement jusqu'à ce qu'une flèche se planta dans la gorge du meneur. Et là ils sortirent tous, profitant de la confusion générale pour attaquer. Ils étaient tous masqués, couteaux tirés. Ils saccageaient les marchandises, fouillant ce qui semblait être intéressant, tandis que les autres égorgeaient, frappaient les voyageurs. Un véritable bain de sang de barbarie et de violence. Apeurée, Irina n'arrivait pas à se battre. C'était beaucoup plus facile face à son frère que contre une personne qui veut vraiment vous tuer. Elle ne réussit pas à prendre la moindre arme, totalement pétrifiée. Sa mère s'approcha d'elle et lui dit de s'enfuir. Elle devait partir avant que son tour n'arrive. Irina refusa de s'en aller mais sa mère la poussa presque dans la forêt et là elle prit les jambes à son cou, aussi lâche qu'elle était. Les larmes coulaient le long de son visage mais sa raison lui disait de ne pas s'arrêter, de ne pas se retourner. Entourée des arbres et des feuillages, elle n'entendait plus les coups d'épée mais ils raisonnaient tous encore dans sa tête. Encore et encore. Elle zigzagua entre les arbres, changeant souvent de direction pour ne pas se faire repérer. S'ils la voyaient, elle aurait couru pour rien et sa mère ne sera pas morte en se disant qu'elle avait sauvé sa fille. Ce n'est que le lendemain qu'Irina se considéra comme sauve. Elle courut alors jusqu'au premier village et elle demanda alors à tout le monde de l'aide. Expliquant que la caravane s'était faite attaquée. Mais personne ne bougea. Personne ne dit rien, ni la regarda. Aux yeux de tous, elle ne devait être qu'une pauvre folle qui raconte n'importe quoi. Et si c'était vrai, ce n'était pas leur problème. Face à cette nouvelle solitude, elle maudit les Dieux de tout lui prendre. D'abord son frère maintenant ses parents et ses amis. Pourquoi elle ? Pourquoi est ce qu'elle survivait à tout ça ? Ils ne pouvaient pas arrêter de jouer et s'amuser de la faire souffrir encore davantage. Elle erra ainsi seule, sans aucune raison de vivre. Appelant la mort comme elle pouvait sans jamais réussir à croiser son chemin. Elle s'était amaigrie, devenue sale, le regard vide. Une véritable coquille vidée de tout espoir.
Rien ni personne ne bougea. Personne ne se souciait du destin d'une pauvre fille que personne ne connaissait qui allait virer soit fille de joie soit au fond du caniveau. Un choix s'offrit rapidement à elle, soit elle se laissait mourir soit elle se reprenait et elle allait se battre pour survivre. Et c'est la deuxième solution qu'elle choisit. Sa solitude aurait pu avoir raison d'elle mais elle avait quelque chose à faire, une raison qui la gardait en vie, une promesse à honorer. Irina continua à errer avant d'arriver à mettre la main sur un arc de fortune. Elle avait beau essayer de manier l'épée, son physique ne l'avantageait pas. Face à un homme, elle n'aurait jamais la force de réussir à tenir au corps à corps. Toutefois avec un arc, elle pourrait éliminer toutes menaces potentielles avant même que ces dernières ne soient arrivées à sa hauteur. Une arme parfaite pour elle. Elle ne comprenait pas qu'elle n'y avait pas encore pensé. Elle commença alors un entrainement loin des villes, de toute façon personne ne l'aiderait. Ses premières cibles étaient principalement des arbres, ou autres objets inanimés où elle pouvait prendre son temps pour améliorer sa technique et comprendre les mécanismes du tir à l'arc. Mais la faim justifiant les moyens, elle dût rapidement se tourner vers des cibles vivantes. Ne travaillant pas, elle n'avait donc pas d'argent et ne pouvait pas acheter de quoi manger, il fallait donc qu'elle aille directement à la source. Elle avait toujours acheté de la viande, elle n'avait jamais chassé ou dépecé un animal. Rien qu'à l'idée, elle trouvait cela répugnant et dégouttant mais lorsque l'on est tiraillé par la faim, on remet vite ses principes dans sa poche et on part chasser pour survivre. Et étrangement, sauter des repas ne l'enchantait pas et Irina se donnait à fond pour avoir quelque chose à se mettre sous la dent. Cette vie à l'état sauvage la renforça plus qu'elle ne l'aurait cru et elle pensa pendant un moment d'être mercenaire. Cela l'aiderait sûrement à s'approcher de son but.
Elle n'avait toutefois jamais tué personne, excepté des lapins, jusqu'au jour où elle n'eut pas le choix. Enfin pas le choix... La forêt était devenue son habit naturel, elle marchait tranquillement quand elle entendit des bruits bien trop familiers pour elle. Elle se précipita pour aller voir, le cœur battant craignant de trop bien comprendre. C'est alors qu'elle les vit. Des voleurs attaquaient un convoi exactement comme celui de son enfance. Les cris, les images jaillirent dans sa tête, revivant tout ce vécu ce jour là. Mais aujourd'hui, elle ne fuirait pas. Elle avait trop de vies à venger. Elle profita des arbres pour se cacher, bandant son arc pour faire sa première victime. Au début les autres voleurs n'avaient pas leur d'y prêter attention et quand la confusion fut trop grande, elle n'eut qu'à les abattre. Changeant de position pour ne pas se faire repérer. Elle tirait machinalement, sans réfléchir, sans se rendre compte qu'elle était entrains de tuer des humains, des personnes. Elle n'avait que ses cris qui lui vrillaient le cerveau, qui lui cassaient les tympans. Elle voulait que ça s'arrête, ne plus y penser, oublier ce qu'il s'était passé. Et lorsque tout fut terminé, elle n'entendit plus rien. Son cœur continua à tambouriner quelques instants, le temps de reprendre ses esprits, avant de reprendre doucement un rythme plus lent. Elle l'avait fait, ils étaient vengés. Elle regarda un instant le chariot, certains marchands étaient morts mais la majorité était encore en vie. Elle soupira et se releva pour reprendre son chemin. Toutefois un homme s'approcha d'elle. Elle encocha une flèche mais son attitude n'avait rien à voir avec celle des voleur. Il avait tout vu et il commença à lui expliquer qu'il était assassin et qu'il voulait la prendre comme apprentie, pour améliorer sa technique, ce genre de chose. Apparemment elle avait un potentiel. Elle assassin ? Il y a quelques années, elle aurait ri au nez de celui qui lui proposait, elle n'aurait jamais su prendre la vie de quelqu'un mais aujourd'hui, tout était bien différent. Elle regarda à nouveau les lieux du combat, ses victimes allongées sans vie. Elle ne savait pas ce qu'elle allait devenir, elle n'avait qu'un seul objectif et les Sombrelames pouvaient peut être l'aider. Elle regarda à nouveau Eremir, c'est comme ça qu'il s'appelait, et elle hocha la tête. Un simple oui. Pas besoin d'en dire plus. Il reprit sa route et elle le suivit. Et depuis c'est toujours comme ça. Il est devenu son maître et elle son apprentie, lui donnant trois ans de sa vie. Elle fait officiellement partie des Sombrelames et espère réussir son Ahn-Ju pour être membre à part entière. Quoique... Cela voudrait dire qu'elle devrait quitter son maître et ça, elle aura beaucoup mal. Elle sait qu'elle ne devrait pas mais elle s'est énormément attachée à lui. Il avait été là au bon moment, au bon endroit; Alors que tout c'était écroulé autour d'elle, il était devenu son pilier. Sa raison de croire à nouveau à quelque chose, avec Seth, il est le seul à lui totalement confiance et pour ça, elle ne le remerciera jamais assez.. Elle ferait n'importe quoi pour lui, s'il lui demandait de sauter, elle lui répondrait à quelle hauteur. Mais plus le temps passe, plus elle se rapproche de la limite à ne pas franchir et s'en éloigner la fait autant peur que de foncer. Depuis peu, son maître a eu une lubie, il a acheté une auberge et depuis, elle vit dans une chambre en attendant que son maître lui dise quoi faire. Allongée sur son lit, regardant les étoiles, Irina se mit à penser que c'était la première fois qu'elle avait réellement un toit au dessus de sa tête, repensant alors à la dernière conversation qu'elle avait avec Seth. Elle avait peut être finalement la réponse à sa question. Elle ferma les yeux et soupira
« La vraie liberté, c'est quand on a un endroit où l'on pourra toujours revenir... »