Le soleil caressait délicatement son visage qui, tourné vers l‘horizon, semblait paisible. Le brun était assis sur un énorme tonneau de rhum, une choppe à la main, le dos appuyé contre le mur d’une vieille bâtisse qui faisait face au port. Ses pieds étaient posés sur un autre tonneau plus petit et ses bras croisés sur sa poitrine lui donnaient un air nonchalant. Surplombant du haut de son tonneau les marchants qui vaquaient à leurs occupations sur le port, le second regardait ses matelots réapprovisionner leur bâtiment. Ils reprenaient la mer dans la soirée et leur capitaine était en ville pour affaires, Hendrik devait donc surveiller le bon fonctionnement de la transaction. Mais il savait qu’ils pouvaient faire confiance à leurs matelots. Ils étaient de bons pirates, obéissants et sanguinaires, et n‘attendaient qu‘une chose, c‘était de repartir en mer, piller et saccager îles et autres bateaux. Ainsi Hendrik, en se replissant une énième choppe de rhum, se permit à porter son attention sur autre chose. Tournant la tête vers la droite, il regarda arriver depuis la grande artère centrale de la cité libre de nombreux marchants, vagabonds et autres ruffians. Etouffant un grognement, il secoua la tête et la tourna de l’autre côté, là ou la cité laissait place au désert. Peu de gens arrivaient par là, et souvent étaient ceux qui ne voulaient pas d’ennuis, ou de questions trop audacieuses. C’est ainsi que, les sourcils levés, Hendrik vi apparaitre la tête d’un cheval, suivit d’une jeune femme qui le tenait par la bride.
Ah ! Un peu d’action ! Si la jeune femme était là, ce n’était certainement pas pour faire du tourisme. Il accentua ainsi son attention sur elle, la regardant s’avancer vers lui sans le voir. L’observant, il aperçu une jolie bourse d’or qui tintinnabulait au rythme de ses pas, et qui, accrochée dans les plis de sa robe, se couvrait et se découvrait à chaque enjambée. Tiens, peut être que l’après-midi qu’il pensait passer là à boire et prendre le soleil allait prendre un tout autre tournant.
Il jeta un coup d’œil vers le bateau, où, concentrés et assidus, les pirates réparaient ce qui était abimé par les tempêtes et embarquaient les vivres. Rassuré, le brun reporta son attention sur la jeune femme qui arrivait à sa hauteur. Du bout de son long sabre, il alla titiller la bourse de cette dernière qui, surprise, leva les yeux vers lui.

« C’est une bourse bien pleine que voilà ! »

Il sauta à terre face à elle, un sourire en coin collé au visage. Il ne désirait pas la voler, simplement passer un peu de bon temps, et ce petit divertissement ne lui ferai pas de mal. Rangeant son sabre dans le fourreau accroché à sa ceinture, il commença à lui tourner autour, comme un prédateur.

« Je me demande ce qu’une jeune femme comme toi a à cacher, ou plutôt d’assez secret pour passer par le désert … »

L’impatience se lisait sur le visage de la jeune femme, et le pirate était heureux de la tournure que prenait ce divertissement. En voilà une qui mordait directement à l’hameçon. Bon nombre de jeunes femmes préféraient ignorer le jeune pirate, et certaines encore, non mécontentes qu’on leur porte de l’attention, se mettaient à jouer ouvertement de leurs charmes pour un allé simple dans la calle du second. Mais celle-ci était différente, farouche et sauvage, et regardait le brun d’un air torve.
Le tutoiement ne sembla pas la charmer, et les soupirs d’impatience qu’elle ne cessait de lacher le confortèrent dans l’idée qu’il l’ennuyait profondément. Bon. Voilà un bon point, le pirate avait réussi à atteindre un premier résultat : elle était contrariée, mais lui portait une attention suffisante pour qu’Hendrik puisse la tenir entre ses griffes assez longtemps pour se distraire. Il était un pirate après tout, et s’il s’ennuyait, alors il se servirait des gens pour se distraire. Ainsi allait la vie.

« Et je me demande bien ce qu’un homme tel que vous peut bien vouloir à une jeune femme comme moi » Ses paroles étaient comme du venin qu’un serpent fielleux vous injecterait dans les veines. Le brun sourit. « J’ai préféré passer par le désert afin d’éviter d’abimer un joli minois tel que le votre » ajouté à cela un sourire joueur, et le brun comprit qu’il venait de tomber sur une adversaire de choix. Il n’allait pas la laisser partir comme ça. « Maintenant, je n’aurais pas le cœur de vous priver d’avantage de la chope de rhum à laquelle vous semblez assez attaché pour en avoir pris l’odeur » La jeune femme tenta une esquisse, mais le regard que lui portait le pirate la dissuada de faire le moindre mouvement.

« Joli minois ? » reprit-il en s’arrêtant devant la jeune éleveuse. « Me trouverais-tu à ton gout chère beauté ? Ou bien le mystère et la fourberie qui entoure l’image du pirate que je suis t’intrigueraient-ils au point de ne plus pouvoir reculer ? » Il avait avancé vers la jeune femme, se rapprochant comme un prédateur, positionnant son visage à seulement quelques centimètres du sien. Il aimait jouer avec les femmes, et celle-ci était particulièrement réceptive à son petit manège.

Le cheval qui était attaché au bout de la bride que tenait la jeune femme commençait à s’énerver. Si le brun ne le calmait pas, il allait tout faire capoter. La vie dans la rue et le vol lui avaient apprit beaucoup de choses, notamment à calmer les chevaux pendant qu’il volait dans la carriole de leur maitre. Toujours aussi proche du visage de la jeune femme, il tourna simplement le regard vers l’animal et, d’une main plus tendre que ce dont on pourrait croire venant d’un pirate, posa celle si entre les deux yeux de la bête, et la fit glisser lentement vers ses naseaux. Il répéta se geste, observant la monture se calmer docilement.

« Pardonne mon impolitesse ma jolie, je n'ai pas eu la délicatesse de te demander ton prénom » Il passa sa main pleine de bague près de la joue de la brune, effleurant son visage, un regard pénétrant braqué dans les pupilles d’un bleu azur de la jeune femme.

La jeune femme souriait d’une façon que le pirate connaissait pour l’employer à chaque fois qu’il voulait s’amuser.

« J’ignorais que les pirates savaient aussi bien lire les pensées des femmes. Mais cela me fend le cœur de devoir vous dire que, bien que votre visage ne me déplaise pas, je n’ai aucune intention de le suivre dans son bateau. » Hendrik lui rendit son sourire. Les événement se déroulaient exactement comme il le voulait. Un jeu de séduction et de fourberie, de quoi lui faire passer une jolie après-midi. Il ne cessait cependant de jeter des coups d’œil à ses matelots qui continuaient gentiment à s’activer. « On m’appelle Kira et puis-je connaitre le votre ? »

Tant de politesse de la part d’un femme qui semblait extrêmement farouche lui sembla trop simple. Soit la jeune femme s’était laissée aller, soit il avait réussi son petit jeu rapidement. A vrai dire il n’en savait rien, mais la réaction de la jeune femme par rapport à son geste le sortit de ses réflexions.

« Puis-je vous demander, où est-ce que vous avez appris à amadouer mon cheval ? » Ah. Un nouveau souffle d’action allait secouer leur discussion. Le brun fit comme s’il n’avait rien entendu et avala une gorgée de rhum d’une seule traite.

Il leva le regard vers le ciel et, laissant les rayons du soleil caresser son visage, se racla la gorge avant de répondre à la jeune femme.

« Mon prénom ? Hendrik. C’est comme ça qu’on m’appelle, par delà les mers. » Il approcha une nouvelle fois sa main du visage de la brune. Il se saisit alors de son menton, et planta son regard perçant dans celui de sa partenaire de jeu. Il n’y avait plus aucune once de séduction, de jeu dans son regard, rien de tout cela à part une impénétrable lueur de défi. « Et pour mon nom de famille il va falloir se montrer un peu plus convaincante ma chérie, ou faire une croix dessus. Quant à savoir comment j’ai apprit à amadouer les chevaux, je peux simplement te dire que tu n’aurais pas aimé être à ma place, ça non. »

L’ascenseur émotif. Une des pratiques préférée du jeune homme dans ses jeux de séduction. Paraitre dans un premier temps abordable et joueur, puis tout renverser en montrant une facette plus sombre. Venait ensuite …

« Tu disais tout à l’heure ne pas vouloir me suivre dans ma cale. Tu es sur que ce bâtiment ne t’attire pas ? » Il s’était reculé subitement, son sourire en coin de retour sur sa face, pointant du pouce la Black Roger qui se dressait derrière lui. Le navire au pavillon noir était le plus imposant de tout ceux amarrés au port et le second se tourna à nouveau vers la jeune femme avec un franc sourire aux lèvres. Il l’a faisait devenir chèvre, à jongler avec sa personnalité comme si son caractère n’était qu’un océan capricieux et indomptable.