«  La solitude, l'enfermement, la peur de manquer d'air. Voilà de maux qui hantent depuis longtemps l'Humanité. Et par Humanité, j'entends bel et bien les êtres humanoïdes, tels les nains ou les elfes, et pas seulement les Hommes. Ne vous êtes-vous jamais réveillé en sursaut, cauchemardant d'un lieu clos dont vous ne pourriez vous extraire ? Tel un cercueil, ou une cave ? Un lieu où vous auriez beau taper sur les parois, beau hurler de tout votre soûl, personne ne vient, et personne ne vous entends. Plus que la peur de manquer d'eau ou de nourriture, la première chose qui vous vient à l'esprit est la peur de manquer de souffler, de mourir atrocement entre ces quatre murs dont vous ignorez tout. La peur de perdre si inutilement votre vie, sans que quiconque ne sache où vous êtes. Malgré votre mort, l'on médirait sur vous. « Il nous a abandonné », « Il est parti refaire sa vie ailleurs », « Il s'est enfui avec sa maîtresse », ou bien d'autres choses peu louables, sans que personne ne se doute un seul instant de la triste vérité. Mais, tout ceci ne s'arrête qu'à de simples songes, malgré la terreur remontant le long de votre être, une fois réveillé et votre souffle retrouvé, peu à peu, cette crainte se dissipe. Enfin, lorsque vous décidez d'éclairer votre chambre, vous constatez que tout est on ne peut plus normal, et que vous n'avez plus rien à craindre, si ce n'est de continuer cet horrible rêve. Mais, certains d'entre vous ont-ils déjà imaginés ce qu'il se passerait si cette situation leur arrivait en vrai ? Que feraient-ils ? Comment réagiraient-ils ? Céderaient-ils à la panique ? Finiraient-ils par se laisser mourir à petit feu, ou bien se battraient-ils jusqu'à leur dernier souffle pour la survie ? Quitte à se déchirer les ongles, se briser les doigts ou les poings. Il me semble que l'instinct de survie qui habite chacun de nous nous dicterait cette option là mais … Qui sait ce que vous, vous feriez. Ainsi, dans cette optique, il me semble avoir une petite histoire à vous raconter, celle d'Äzghabâl Zìräk.

« Mais qui est donc cette être au nom imprononçable ? » s'exclameront sans doutes certains d'entre vous, hé bien … Laissez-moi vous expliquer tout cela. Äzghabâl était un nain. Non pas un humain de petite taille, dont la Nature se serait montré ingrate avec lui, mais bel et bien un représentant du peuple nain. Vous savez, les tout petits avec des poils de partout et de gros nez ? Que l'on dit impossible à suivre dans une tournée de tavernes ? Oui, je vois que cette référence vous parle vous là-bas. De fait, vous voyez tous de quoi je parle, du moins je l'espère. Sinon, hé bien vous n'avez qu'à vous retirer. A cette époque de l'Histoire, il était l'un des seuls représentants de la maigre poignée restante de son peuple, occis par les Engeances lors du premier Enclin. Bien trop jeune pour l'avoir vécu, ses parents eux, subirent cette guerre horrible, voyant les leurs se faire décimer peu à peu, jusqu'à voir leur cité, leur merveilleuse cité se faire prendre par ses êtres abjects. Tout deux s'étaient retirés, et, des décennies plus tard donnèrent naissance à un enfant. Äzghabâl était issu d'un clan reconnu pour la forge auprès du peuple nain, ainsi, son père lui enseigna les rudiments de ce métier, espérant transmettre tout son savoir à sa descendance, pour que le clan Zìräk perdure et continue à créer des œuvres d'arts. De son côté, sa mère lui apprit à se battre. Oui, sa mère. Cette dernière avait combattu les engeances du mieux qu'elle put, et fut l'une des rares survivantes lors des batailles directes. Elle lui enseigna le maniement de l'arme qui représentait le clan : le marteau de guerre lourd. Une arme que seul de rares humains pouvaient manier correctement, et avaient l'idée de le faire, tant est que les marteaux nains étaient pesant. C'est ainsi que commença sa vie, avant de partir sur les routes, voyageant, devenant une sorte d'aventurier prenant tout ce qu'il lui tombait sous la main, pour enfin forger à ceux qui y mettaient le prix. Le nain était au moins connu pour trois choses, son chapeau si particulier, son expertise dans la conception d'armes en Sombrefer, et son penchant pour les endroits peu fréquentables par ceux disposant d'un certain sens de l'honneur. Comprenez ici les bordels et les tavernes en tout genre. Car oui, Äzghabâl était un fervent admirateur de la beauté féminine, ne se gênant jamais pour admirer tout ce qui dépassait. Une bonne chose d'être un nain dans ces cas là, il était pile à la bonne hauteur pour que, en regardant face à lui, tout était parfaitement visible. Peut-on reprocher à quelque de regarder devant lui ? Bien sûr que non.

Ainsi, notre ami nain, forgeron de son état, partait régulièrement dans les mines des Tranchantes, dont les nains faisaient partis des rares à pouvoir s'y faufiler. Ces fameuses mines étaient spéciales, et uniques, car, elles étaient le seul endroit du continent où l'on pouvait extraire du Sombrefer, ce fameux métal bien plus solide que le fer, bien plus noble que ce dernier, faisant des armes exceptionnelles, à l'allure unique. Le nom de ce métal était dû à sa couleur si particulière de gris foncé, qui tendrait presque vers le noir. Dans ces dites mines, il y trouvait de quoi faire valoir des prix exorbitants à de riches seigneurs ce qui, soit dit en passant, lui permettait de mener une vie bien remplie de débauche durant de longs moments. Moments qui, bien entendu, il ne se souvenait pas tout le temps.

Cependant, cette fois-là, quelque chose d'étrange, d’inattendu se produisit. Bien entendu, l’artisan savait très bien que ces tunnels étaient fragiles, que certains endroits pouvaient s'effondre à chaque instant s'il ne faisait pas bien attention, c'est d'ailleurs pour cela que, lors de sa première visite, avant de piocher la roche, Äzghabâl s'était mis en quête d'un couloir qui semblait sûr, afin de prendre le moins de risque. Malheureusement pour lui, le risque zéro n'existe pas, et, encore plus dans pareille situation. En effet, alors qu'il tentait d'extraire ce métal si rare, non loin de lui le tunnel céda, bloquant ainsi le chemin. Bien entendu, étant un grand chanceux, le tunnel s'effondra devant lui, et non derrière -sinon, ce serait pas marrant, comme il le disait si bien- le bloquant ainsi dans ce lieu sombre. Sa première réaction fut de regarder perplexe en direction des rochers tout en se caressant sa moustache si bien entretenue. A ce sujet, je me permet une petite pause, pour parler succinctement de cette fameuse moustache. On la disait belle, bien entretenue et soyeuse. Pour un nain, il en allait de leur honneur que de porter une pilosité faciale, mais pour lui, sa moustache était sacré et l’entretenait régulièrement. Il aimait aussi d'ailleurs qu'on l'entretienne pour lui, si bien qu'à chacune des jeunes femmes qui venaient à partager sa couche, il leur demandait de la brosser et de l'enduire d'une huile dont lui seul avait le secret. Enfin, on ferme la parenthèse. Pensif, il regardait l'amas de roche face à lui, avant de penser tout haut, de ses mots si poétiques.


Un grand poète comme l'on n'en fait plus. Décidément coincé, une seule idée lui passa par la tête. Le genre d'idées qui lui passait régulièrement par là, notamment lorsqu'il était en mission et qu'un ennemi, un groupe d'ennemi, ou encore une quelconque embûche se dressait devant lui : passer à travers. Et … Ma foi, il faut bien avouer que cela marchait raisonnablement bien. Je dirais même que, notre ami nain était même des plus doués pour ce genre de chose. C'est donc avec conviction qu'il se saisit de sa pioche naine -comprenez par là, un truc qui ressemble vaguement à une pioche, une pointe si large qu'elle passerait presque pour une claymore, et, l'autre bout ressemblait plus à un marteau de guerre qu'à autre chose- pour se diriger vers l'amas gênant. Là, il se mit à frapper comme un sourd, dégageant quelques éclats de pierre, s'en prenant quelques unes dans le nez. Chose qui n'était d'ailleurs pas surprenante avec la taille générale de ceux-ci chez les nains. De nombreux grandes phrases et proverbes existent d'ailleurs à ce sujet, comme, pour n'en citer que peu « La première chose que l'on voit chez un nain et son nez, peu après le reste de leur corps arrive aux yeux. » ou encore une célèbre phrase prononcée par un chasseur elfe face à un nain errant sur son territoire « Vous respirez si fort, qu'il m'est possible de vous entendre à des lieues d'ici ». Mais … Une fois de plus je m'égare, excusez moi. C'est donc après avoir reçu de nombreux éclats parsemés sur son visage, et plus précisément sur son nez que, le forgeron s'arrêta, vociférant des jurons dans sa langue natale dont je ne me permettrai pas de vous traduire. Malgré tout, cette petite pause lui permit d'entendre un bruit peu rassurant : le tunnel tremblait, et, quelques pans semblaient s'être effondrés non lui de lui. Ainsi, il put très vite comprendre que cette idée n'était pas des meilleures. Insultant ainsi la roche, sa famille -oui, notre ami nain disposait d'une imagination débordante- et ses descendants en des termes que, une fois de plus, je ne vous traduirai pas, il finit par laisser tomber son outil pour s'asseoir à ses côtés et tenter de trouver une bonne idée Car, mine de rien, il lui arrivait de réfléchir -quelques fois- avant d'agir, et, dans cette situation, l'idée de la réflexion ne lui sembla pas mauvaise. Après de longues minutes de réflexion intense, une chose finit par le frapper : l'air commençait à lui manquer. En plus de quoi, rappelons-le, les nains ont un nez des plus gros, et de fait, aspiraient bien plus d'air que leurs homologues humains, malgré leur petite taille. C'est alors que la panique le prit, l'idée de récupérer sa pioche, hurler comme un damé et cogner de partout lui vint, mais … Très vite il se résigna. L'idée même de mourir enseveli par sa propre faute ne lui plaisait guère, d'autant plus que ses aïeux se moqueraient sans gène de cette mort stupide. Une nouvelle fois, il jura. Son esprit finit par s'égarer, repensant à tout ce qui l'attendait dehors, bière, or, femmes, forges. Mais … Une chose, une seule chose finit par le remettre sur pieds, déterminé à sortir de ce piège stupide.

La Morrigan en question se nommait en fait Morrigan Storm. Une fort belle demoiselle dont il avait fait la connaissance quelques années auparavant. A ses petits yeux, le plus beau représentant de l'espèce humaine, mais ce titre, elle le devait sans doutes à l'armure de cuir qu'elle portait lors de leur rencontre, armure qui fit retourner l'esprit de notre camarade emprisonné qui fantasma longuement sur ce que tout cela pouvait cacher. Ils se rencontrèrent lors d'une mission de la jeune femme, un camp de « bestioles » selon ses dires, que lui voulait piller pour l'or, et dont elle voulait raser pour la sécurité des autres. Trouvant un allié de fortune, ils finirent par s'apprécier et faire route ensemble, devenant peu à peu de bons amis. Äzghabâl finit même par lui fabriquer des dagues finement ouvragées, dont la lame était en Sombrefer. Des armes dont il passa plusieurs jours dessus afin de les rendre parfaites. Un cadeau que, dit-on, la bâtarde gardait précieusement. Malgré ces quelques fantasmes et ces jeux étranges qu'ils faisaient dès qu'ils se recroisaient, le nain tenait vraiment à la jeune femme, et pas seulement pour ses formes … Intéressantes.

Rechargé à bloc, le moustachu récupéra son outil de travail et arpenta longuement les tunnels sombres des mines. Fort heureusement la nature faisait bien les choses, et, le peuple nain avait l'étrange faculté de voir dans la nuit. Pas comme en plein jour certes, mais il voyait à une poignée de mettre devant eux, sans pour autant vraiment percevoir les couloirs. Capacité fort utile quand on vit sous terre, encore plus utile quand on y est coincé. Il resta bien coincé une journée entière là-dedans, se trompant sans cesse de tunnels, finissant toujours par arriver sur un endroit bouché. Malgré sa déception et ses jurons continuels, la pensée de son amie, et accessoirement de la bonne cuite qu'il se prendrait en sortant le firent avancer, et sortir de cette fameuse grotte. « Libération me voilà ! » tels furent ses mots. Du moins, la version littéraire. Tout juste sorti, il tint la promesse qu'il s'était faite à lui-même : aller boire comme un trou pour oublier cette « foutue journée de merde ». Quoiqu'il en dise, quoiqu'il pouvait en laisser paraître, jamais il n'eut aussi peur de toute sa vie. Affronter une horde de « bestioles » ? Pas de problèmes. Lui, tant qu'il voyait le danger en face, il y allait, mais là … Partir à l'aveuglette, sentant peu à peu le désespoir prendre possession de lui … S'en était beaucoup. Pour ne rien vous cacher, cette session à la taverne était bien plus dans l'espoir de faire passer cette mésaventure pour un mauvais rêve, mais … Jamais il n'y parvint. »