Il y a parfois de ces situations qui vous semblent inextricables, vous vous débattez pour pouvoir garder la tête hors de l'eau, vous nagez dans des eaux troubles et tout ce qui vous entoure vous effraie, et pourtant vous continuez. Encore et encore, sans jamais vous arrêter, qu'importe les embûches, et ce même si le monde vous juge durement. Vos oreilles sifflent à chaque fois que l'on pose un regard sur vous, les regards se détournent, les commissures de leurs lèvres se fendent d'un sourire moqueur ; et là, dans une accusation collective on vous montre du doigt. C'était là ce que Alceste vivait, elle se battait contre un monde entier, un monde qui n'avait pas la moindre envie d'ouvrir les yeux sur cette situation qui faisait son quotidien. Elle pouvait traverser le pays entier, mais à chaque fois la réponse était la même, « pas assez de preuves », « pas assez de temps », « pas assez de troupes », tant d'excuses qui se faisaient écho et qui commençaient à lui faire perdre espoir d'un jour trouver ne serait ce qu'un peu d'aide.

Alors, la mort dans l'âme, et fatiguée de n'avoir pas même su trouver le réconfort auprès de son souverain, elle avait fini par reprendre le chemin de sa forêt maudite. Le seul réconfort avait été ce curieux tournois qui avait manqué de tourner à la catastrophe, mais elle y avait fait de biens charmantes rencontres et d'autres bien moins appréciables. Néanmoins cela l'avait conforté dans l'idée que la cour royale et ses suivants n'étaient pas faits pour elle, qu'elle n'était pas vraiment capable de se fondre dans le décors et qu'elle n'avait pas les mêmes préoccupations que les demoiselles, plus jeunes qu'elles, qui siégeaient à la cour. Elle préférait de loin les belles contrées froides du Nord, là au moins on ne venait pas vous juger sur la beauté de vos toilettes ou sur votre éducation pas assez maniérée. Les gens étaient certes un peu plus rustres, plus brutaux, mais cela faisait parti de leur éducation, plus il faisait froid, plus il fallait se battre pour mériter sa vie, et on laissait de coté bien nombre de choses que l'on jugeait inutile. Les détours et les coquetteries de langage faisaient parti de ses choses dont on se passé volontiers, évitant ainsi les longues discussions pour arriver sans ambages à la volontiers première. C'était peut être là l'erreur qu'elle avait fait en arrivant dans le sud, elle en avait presque agressé le roi, et même si au fond d'elle, elle n'en éprouvait pas la moindre honte, elle savait que cela n'avait certainement pas joué en sa faveur. Elle n'était pourtant pas faite de pierre, la douceur faisait même partie intégrante de sa personnalité, mais ses devoirs de régente la forçait à abandonner ses principes pour en suivre d'autres.

Derniers cahots, et la coche s’arrêtait pour mieux la libérer du carcan de ces assises qu'elle avait dû subir durant tout le voyage. Sagement, sans plus de distraction que quelques broderies qu'elle détestait tant, et des paysages à regarder sans que jamais cela ne prenne fin. Mais elle était enfin revenue à son point de départ, et les jambes un peu engourdie par le manque de mouvements, elle s'était maladroitement extirpée de sa voiture. Elle avait alors espéré pouvoir respirer une bonne bouffée d'air frais tout droit venu des montagnes, rêvant un instant que le problème qu'elle avait abandonner quelques jours s'était évanoui comme par magie, mais l'odeur pestilentielle qui envahissait l'air ne laissait aucun doute sur la présence de la malédiction. Elle lâchait alors un soupir de désarroi avant de monter les marches du château de Pastoria, reprenant son statut de régente, revêtant de nouveau ses vêtements d'impuissance.

Alors qu'elle s'enquérait de tous les changements majeurs qui étaient survenus durant son absence, regardant avec horreur le nombre de plaintes qui explosé malgré les avertissements et les interdictions d'entrer les bois, un jeune palefrenier était entré tout penaud et essoufflé par la course qu'il venait de faire. Surprise la dame des lieux avaient cessé, sur le champ, tout mouvement, et son bâtard d'oncle avait alors demandé ce qui amené le garçon a entrer ainsi en trombe sans être annoncé. Et la nouvelle était tombée, Lady Oaken était arrivée à cheval et attendait qu'on la reçoive. Sans se faire prier Alceste avait abandonner toutes les affaires qu'elle avait a traiter pour accueillir sa seule alliée dans la famille régnante des terres du nord.

Aussi rayonnante que Alceste pouvait être sombre, Aliénor se trouvait là. Elle avait plus de prestance que la régente des Blackwood n'en aurait jamais, et quelque chose de doux émanait d'elle, là où cela pouvait sembler si dur chez Alceste. Mais cela se comprenait, toutes deux n'avaient pas eu la même éducation, et en tant que femme dans une lignée comportant des hommes elle n'avait jamais eu à endosser un quelconque rôle masculin. Pourtant, en dehors de ces quelques différences les deux jeunes femmes s'entendaient particulièrement bien, et en attestait cette étreinte qu'elles échangeaient en gage de salutation. Courte étreinte à laquelle Alceste mettait déjà fin, en tirant par la main son amie vers l'intérieur de sa demeure ; mieux valait ne pas trop rester à l'extérieur ni respirer trop longtemps cette air empuanti. « Le voyage fut certes très fatigant, mais ce n'est pas tant la fatigue que la perte de temps que fut ce voyage qui me désole. ». Continuant son chemin, donnant l'ordre qu'on apporte quelques victuailles et de quoi désaltérer la belle Aliénor Oaken. « Je crains que l'avenir de ces terres soient bien sombres, et l'aide attendue, si les choses continuent à aller à ce train, ne viendra jamais à temps. ». Elle prenait une longue inspiration tout en ouvrant la porte qui menait à un cabinet très féminin dans cette demeure plutôt austère.