Nom et Prénom : Mora n'est qu'un substitut. Il n'existe aucune famille portant ce nom, et pour cause : il vient des abysses de l'imagination. Son nom, son vrai nom, est celui de Stormrage, appellation arrachée de ses viscères le jour même où sa famille devint son calvaire. On murmure encore le nom de Hermeus Stormrage, cousin de la Main du Roi, dont le destin funeste reflète à merveille la férocité avec laquelle les membres de cette famille sont capables de s'entre-déchiqueter. Âge : L'on ne sait guère s'il frôle la cinquantaine, ou si c'est le sel de mer, qui ravage son portrait. Contrée de naissance : Terremer. Allégeance : On pourrait dire la Confrérie, mais, allons, soyons francs, Hermeus ne sert que ses propres intérêts. Statut du sang : Dans son sang aux effluves de rouille coule la noblesse. Race : Humain. Statut civil : Célibataire (endurci – entendez par là qu'il ne s'encombre que de prostituées, et encore), tuteur d'une orpheline. Orientation sexuelle : Hétéro. Métier ou fonction : Fugitif à vie, écumeur à temps complet. Faction ou Guilde : La Confrérie des Pirates. Rang : L'un des sept maîtres de la Confrérie. Armes possédées : Hyène, son cimeterre sur le flanc droit, accompagné de Croc, le sabre d’abordage siégeant sur son flanc gauche. Le capitaine est ambidextre, est autant dire qu’il en use sans modération.
Du reste, son extrême méfiance et l’art ancestral de l’élimination coulant dans ses veines de Stormrage lui ont enseignés quelques ruses ; il cache une fine lame rétractable dans un étui de cuir gisant à son poignet droit – de telle sorte à ce qu’un mouvement brusque de l’avant-bras fasse surgir l’arme – et parmi ses quelques chevalières gisent deux en particulier dont il faut se méfier. L’une contient une dose de poison mortel à glisser dans n’importe quel gosier ou breuvage, et l’autre, plus traître encore, est une aiguille plongée dans du venin d’insecte. Il la tourne généralement à l’envers pour offrir une poignée de main … assassine. L’acte est si rapide que la victime ne se rend généralement pas compte d’être en sursis : s’il appuie suffisamment fort, le venin peut tuer. Sinon, il ne fait que paralyser.

ɤ Que pensez vous de la mort du roi ? L’héritier étant encore jeune, arrivera-t-il à gérer le royaume selon vous ? Il reste mutique. Autour de lui, les gens parlent. Ils en braillent comme des malheureux ou s‘en gaussent comme des bienheureux. Mais qui donc les écoute ? Qui donc en aurait quelque chose à foutre de ce qu’ils pensent ? Hermeus se tait parce qu’il sait. Il connaît le fruit pourri qui délie son parfum rance dans les boyaux de la cité et, plus au-dedans, à travers les moulures du trône. Le Roi est mort, oui … vive le Roi. Une pauvre âme à peine éclose qu’il sait inondée par l’haleine fétide de son cousin. La question ne devrait pas être si l’héritier arrivera ou non à gérer le royaume, mais combien de temps lui reste-t-il avant de se faire sucer le cerveau par sa propre Main. Sachez qu’entre vautours, les Stormrage se reconnaissent ; et il ne donne pas cher de la peau du jeune Roi. Si cela l’écœure ? Oui. Mais ne cherchez pas en lui une quelconque empathie pour cette marionnette. ɤ  A votre avis la garde des ombres a-t-elle encore lieu d'être ? Les Engeances ont-elles vraiment disparu ou la menace est-elle encore présente ? Il croit dur comme fer au concept ; oui, la Garde doit veiller. Sous quelle excuse devrait-on l’abolir si ce qu’elle surveille n’est qu’assoupi ? Cette Force a ravagé Kahanor, ce n’est pas un mur et de vieux sortilèges qui l’empêcheront, un jour, de s’éveiller. Autant Hermeus est certain de pouvoir rechaper aux abominations sillonnant la terre, autant les Engeances suscitent en lui un frisson anxieux. Il doute cependant de la crédibilité actuelle de la Garde des Ombres. Trop peu nombreux, trop dénigrés, moqués, une bande d’incapables selon certains et sa dureté aurait tendance à concéder un tel jugement. C’est, en un sens, l’histoire du serpent qui se mord la queue et si ça ne tenait qu’à lui, il irait écouler ses prisonniers à Forgenerg pour renflouer les rangs de la Garde. Un mal pour un bien. Parole de pirate.
ɤ Les mages ont été bannis sur une île près des côtes d'Alcahar, étant désignés coupables de tout le mal qui s'abattait sur le continent. A vos yeux était-ce juste ? La magie est elle une chose à proscrire ? La magie ne l’effraie pas, en revanche, son flair lui conseille souvent de se tenir éloigné des magiciens. Donnez un poignard à un homme et ce qu’il en fera définira la dangerosité de l’arme ; seule, elle est inoffensive. Le concept est le même. Il ne sait pas si ce bannissement était juste, et il ne sait pas si ces hommes et femmes sont mieux là où ils sont. Peut-être. Peut-être pas. Son opinion tangue comme la poupe de son navire. Quelque chose au fond – au fin fond de son être – est révoltée par cet exil. Mais il ne faut pas chercher bien loin l’origine d’une telle sédition. Il ne s’agit ni de bonté, ni d’altruisme, mais d’une profonde identification à ses propres chroniques.   ɤ  La forêt de sombrebois regorge de créatures plus infâmes les unes que les autres, vous sentez-vous en sécurité malgré le fait qu'il se passe des choses étranges non loin de là ? Le gouvernement devrait-il se préoccuper de ce qu'il s'y passe ? Le gouvernement devrait surtout se préoccuper de ses propres démons. Appelez donc ça de l’aplomb ou de l’imprudence, mais Hermeus ne craint pas ce que ses lames et ses canons peuvent pourfendre. Chair, écailles, qu’importe, rien ne sera jamais plus périlleux que la fourberie des hommes. Il sait pertinemment que la couronne ne pourra rien contre aucune créature infâme tant qu’elle n’aura pas réglé ses propres guerres intestines. Autant dire que le peuple court à sa perte, derrière ou en dehors des murailles de la ville. Mais le peuple n’est pas la préoccupation du Capitaine Mora. Loin s’en faut. ɤ Quelles ont été vos motivations à rejoindre votre faction/guilde plutôt qu'une autre ? Stormrage, constructeurs de navires depuis des générations. Faut-il en dire plus ? Oui, il le faut. Outre ses aptitudes indéniables à la navigation et au leadership intransigeant des Stormrage, la piraterie n’aurait pas été son choix premier si son chien de cousin n’avait pas piégé chaque parcelle de Kahanor pour récolter sa carcasse morte ou vive. Hermeus n’avait dès lors plus qu’un seul choix : prendre le large, au sens strict du terme. Voguer le plus loin possible de la côte et le plus vite possible avant que les subordonnés de Phineas ou que les Chevaliers de Thelsamar ne parviennent à le saisir. Mais l’on ne survit pas dans ces eaux immenses en tendant la main, non, on se la fait trancher par des brigands ou dévorer par de la poiscaille affamée. Le destin le mena dans des contrées reculées, là où il put poser pied à terre sans craindre l’ombre d’une lame d’assassin. A force de ténacité, roublardise, violence et manœuvres stratégiques, Hermeus parvint à se faire une place dans cette horde criminelle sillonnant l’horizon. S’enrichissant d’or et de biens, c’est en capitaine de navire qu’il revint hanter les eaux de Kahanor, et c’est en pirate, qu’il fit connaître son nouveau patronyme : Mora. Bien qu’exilé par le sang de son sang, il ne manquait pas à son appétence déjà vorace le goût pour le pouvoir. Un goût décidément ancré dans les gènes Stormrage et profondément inné – un instinct, dirons-nous. S’il ne pouvait plus conquérir la terre, alors il allait prendre la mer. Obsédé par sa rancœur et son esprit de vengeance, il se fit une place dans la Confrérie avec la même férocité d’esprit dont il avait usé pour se reconstruire jadis.
Dorénavant, lorsqu’il entend "Couronne" ou "Gouvernement" il ne pense pas au jeune Roi Halbarad II, ou à tous les innocents œuvrant avec obédience, non, il visualise la tête de son cousin Phineas Stormrage, et dès lors, une ire, plus impitoyable que la tempête elle-même, se met à gronder. Et gare aux barques qui croisent ses rafales. Rien ne peut l’arrêter d’atteindre la Main du Roi. Ou tout du moins, d’essayer.

C’est l’histoire de deux bêtes. Deux bêtes dans une cage trop étroite dont elles rêvaient de scier les barreaux. Chacune dans son coin, les créatures se mirent à aiguiser leurs canines pour pouvoir échapper à ce clapier. Toutes deux y parvinrent. Mais il semblait à la première bête que cette liberté tant attendue était bien trop précieuse pour la partager avec la seconde bête. Alors, au lieu de marcher côte à côte, la première bête proposa à la seconde de marcher derrière elle, dans son ombre. Ainsi prostrée, elle serait assurée de pouvoir cheminer en ce monde sous la protection de la première bête. Le problème, voyez-vous, c’est que ces deux créatures étaient de la même race, pire encore, le même sang coulait en elles. Unies par les gènes, mais aussi par cette soif féroce de liberté, il semblait impossible que l’une ou l’autre cède sa place. C’est donc naturellement que la seconde bête refusa le marché. « Nous pouvons très bien avancer ensemble, proposa-t-elle, le monde est assez vaste pour nous deux. » Mais la première créature ne l’entendait pas ainsi. Dévorée par un égocentrisme absolu, elle profita de cette utopique clémence pour planter ses canines –  si affutées – dans la gorge de la seconde bête. Ainsi à terre, gisant dans son impair, la créature vit son alter-égo s’éloigner dans l’horizon. Cet horizon dans lequel elle n’aurait dorénavant plus le droit de mettre les pattes. « Je reviendrai, murmura-t-elle, scellant de ce fait, une promesse sanglante, et ton monde, je le dévasterai ! » Ceci, mes chers amis, ceci fut hurlé aux quatre vents.


Voici venir l’aube de sa vingtième année. Après des mois entiers de négociations, d’alliances et de promesses, ses fiançailles avec Yselda Hammer sont officialisées. Quelle victoire, quel triomphe pour le jeune seigneur que de pouvoir enfin gravir les chemins sinueux de l’excellence. Son avidité est comblée, satisfaite jusqu’à ce qu’une nouvelle faim ne l’étreigne, mais, pour l’heure, viennent les festivités. Cette journée de mariage va sceller son destin, quant à l’amour ? Qu’importe. L’amour viendra avec le temps, ou peut-être bien s’arrêtera-il sur le palier de leur castel avec une sale grimace et un sombre grommellement : encore une union arrangée. Oui. Encore.
Une union qui étire les lippes d’Hermeus en une fière risette – d’aucuns la décriraient carnassière. Il a tant de projets et tant d’espoirs. Arracher le nom de Stormrage de l’ombre et le faire briller comme un bouclier lustré par les reflets du soleil. Fonder une lignée aux racines aussi pures que le cristal. Se hisser jusqu’au trône et chuchoter à l’oreille du Roi …
Mais de telles aspirations possèdent aussi un autre Stormrage.
Et pas le plus vertueux de tous.
Son cousin Phineas cavale sur la même piste, le même champ de bataille et ces fiançailles n’augurent rien de bon. Comment un Stormrage de la branche secondaire peut-il oser faire pareil ombrage ? Eh bien, Hermeus ose. Il ose en pleine conscience de ses actes et de la guerre intestine qu’il va déclencher. Mais son erreur, la voici : ne pas craindre son propre sang. Par orgueil, ou peut-être bien loyauté. C'est ainsi que le piège se referme la veille du mariage. Brusquement.
Le soir du banquet est parfait, selon lui. Yselda se montre – quasi – épanouie, les convives festoient avec bonhomie et aucun scandale n’éclate. L’alcool coule à flot. La nourriture jonche les tablées comme un parterre de mille et unes merveilles.
Et puis le néant.
Il ne se réveille qu’à l’aube, la bouche pâteuse et la tête meurtrie par un épais brouillard. Seul dans sa chambre et pourtant maculé de sang, un effroi orphelin l’étreint lorsqu’il entend un cri hystérique résonner dans le couloir. La camériste d’Yselda vient de constater une infâme tragédie. Lovée dans des draps suant l’hémoglobine, sa fiancée gît morte, poignardée à plusieurs reprises dans la panse et la poitrine. A ses côtés, un homme, tout aussi nu que sa présomptive maîtresse, et tout aussi criblé par la même lame. Une lame de dague qu’il ne reconnait que trop bien ; la sienne. L’arme est restée plantée jusqu’à la garde dans le cœur de l’inconnu, offrant l’ouvrage travaillé de son manche à tous les témoins du décor. Quel meilleur écriteau que celui-ci pour le designer comme seul et unique fautif d’un tel carnage ? Les quelques témoins présents le jaugent déjà comme le criminel avoué et avant même que la rumeur ne se répande, dans l’allée du château résonnent les pas terrassant d’une cavalerie de huit hommes venus l’arrêter. Il sait être innocent car il reconnaît là une machination bien trop savante pour être tout à fait réelle. Les faits l’accusent avec une exactitude parfaitement artificielle, mais, par dessus tout, il n’aurait jamais pris le risque d’occire Yselda. Encore moins par jalousie. Son visage se tord. Sur ses lèvres, un seul nom prononcé sans une salve de sonorité : Phineas.
Il n’a pas le choix. Il n’en a plus aucun. S’il veut survivre et pouvoir se venger, en cette sinistre matinée, il doit tout abandonner. Titre, famille, richesses, avenir, prospérité et honneur.
Il esquive ses assaillants à travers les couloirs du castel, court jusqu’aux écuries et éperonne son destrier à travers Terremer jusqu’à rejoindre la côte.


Les premiers mois sont durs. Infiniment plus durs qu’il ne l’aurait imaginé.
Il tente d’abord de subsister en offrant ses services à des pêcheurs ou des bateaux marchands, mais il lui est impossible de quitter les quais. Hermeus est persuadé de pouvoir arranger les choses, tout du moins, de prouver son innocence. Une naïveté qui ne lui est pas commune et qu’il sait être, au fond, une cause perdue. Deux semaines après sa fuite, les ruelles de Thelsamar soulignent son portrait sur des affiches placardées : ATTENTION, DANGEREUX FUGITIF, HERMEUS STORMRAGE, RECHERCHÉ POUR ASSASSINAT. Phineas n’en a pas terminé avec lui. Qui, parmi la population, aurait pu reconnaître le visage d’un noble que l’on n’a jamais croisé dans son humble vie ? Voilà que l’erreur est réparée. Malgré les traits grossiers – et à la limite de la caricature – esquissés sur les parchemins, sa figure est bel et bien divulguée. La paranoïa s’élève peu à peu chez le jeune seigneur et les silhouettes autour deviennent vite de possibles ennemis. Que faire ? Fuir plus loin ? Kahanor ne sera jamais assez grand pour échapper à son cousin, il est même persuadé que Phineas n’attend que ça ; le prendre en chasse comme on traque un gibier. Il ne peut vivre ainsi, dans la peur de se réveiller la gorge tranchée ou la folie de craindre chaque regard croisé : ce serait une mort en soi, une lente agonie. Un déclin.
Il s’y refuse. La rage gronde dans ses affects. Il décide d’embarquer clandestinement dans l’un des navires marchands du village de Durotar.
Quelques semaines passent sans qu’il ne se fasse remarquer. L’équipage est si dense que l’on ne constate même pas le matelot qui s’ajoute au reste du personnel. Toute la main d’œuvre est recyclée à chaque port d’attache, autant dire que la méfiance entre marins n’a pas le temps de s’installer. On fait ce pour quoi on est payé et on se tait …
C’est dans les eaux du nord que, à nouveau, les dieux s’acharnent sur son sort. En pleine nuit, le champ de canons à longue portée se met à vibrer dans la froide atmosphère et, aussitôt, l’ombre d’une frégate apparaît à travers le blizzard. Elle est lugubre. Elle est terrifiante. Et elle porte le pavillon noir.
Armé jusqu’aux dents, le vaisseau pirate ne tarde pas à donner l’assaut sur son butin ; les pertes sont lourdes. Une grande partie de l’équipage est tué – la plupart n’étant que de pauvres hères sachant à peine jouer du coutelas, les cales sont dépouillées de fond en combles, et rares sont les prisonniers. Mais il en fait partie. Il est bien portant et sait se battre ; il fera un parfait esclave pour le marché de Yelderhil. Les Arènes l’attendent et le Stormrage serre les dents derrière son masque de sang. Fuir la mise à mort pour en trouver une autre, voilà donc ce que lui réserve l’avenir ? Lui, si fier et si digne, terminer le nez dans la poussière comme un vulgaire chien de combat ?
Un peu plus encore, sa détermination gonfle derrière un profond instinct de survie.
Avant que l’Épouvante, bâtiment du Capitaine Karsen, n’atteigne les rivages de Yelderhil, il lui reste approximativement deux mois. Deux mois en mer durant lesquels il ne compte ni fuir, ni se rebeller, mais atteindre Elias Karsen comme il aurait voulu atteindre n’importe quel sieur de Kahanor. Par la ruse. Le mensonge. En flattant son égo, en maraudant sa confiance, et en prouvant sa valeur de flibustier aux détriment d’autres camarades. Il lui est nécessaire d’attirer dans ses filets certains gros poissons de l’Épouvante – de faire des alliances : il repère rapidement les plus fourbes et les moins loyaux, ceux qui se plaignent du Capitaine Karsen et ceux qui doutent. Ses paroles infestent bientôt les esprits et malgré l’ambiguïté de son statut – tantôt prisonnier la nuit, dans sa geôle, tantôt marin le jour, pour porter main forte – on l’écoute. Savant orateur, serpent des mers, Hermeus met en avant toute sa fourberie pour sauver sa dernière chance. Il reste un homme effrayé par ce qui l’attend, un homme prêt à tout pour s’en sortir.
Le soixante-deuxième jour de sa captivité, Yelderhil se profile dans le panorama nocturne. Si, cette nuit, tout échoue, il n’aura plus qu’à se résigner pour de bon, épuisé par ce combat harassant, lasse de devoir déjouer sa triste fortune. Mais malgré quelques premiers accrocs, la mutinerie se soulève dans les entrailles de l’Épouvante. L’on saccage le navire, élimine les récalcitrants et, par dessus tout, Elias Karsen est assassiné dans son sommeil. Hermeus s’en fait un plaisir. Quelque chose en lui éclot lorsqu’il discerne dans le regard effaré du capitaine cette crainte doublée d’une ire bafouée. C’est donc ça que l’on ressent, lorsqu’on s’empare du pouvoir ?
Quelle ivresse. Quelle jouissance.
Les corps sont jetés près des récifs et il s'auto-proclame nouveau capitaine. L’effectif est certes réduit de moitié par les "récents licenciements", mais ça tombe bien, l’Épouvante est aux portes de Yelderhil. Celui qui se fait dorénavant appeler Mora – Capitaine Mora – n’a plus qu’à recruter son nouvel équipage.
Les Arènes peuvent bien attendre. Stormrage n’a pas finit de faire hurler le vent contre ses voiles noires.


Fragments du Carnet de Bord du Capitaine Mora.
An 1594.


Les hommes sont nerveux.
Les provisions faillissent et la dernière tempête a éprouvé le navire. Le moral est au plus bas et je crains le pire. Je reconnais ces regards et ces silences. Je les reconnais comme je reconnaitrais l’ombre d’un Basilic serpentant entre les voiles. Les flots sont cruels et nous font dériver vers des eaux inconnues, je ne reconnais ni le cap, ni l’onde qui nous berce comme une mauvaise mère. Je prétends savoir où nous mènent les courants mais je suis, hélas, dépossédé de toute certitude. Je crains de ne pas pouvoir tenir encore longtemps. La mutinerie est proche, je la sens. Je la vois. Et je ne puis rien faire. Voilà bien une vérité qui m’avait échappée depuis de longues lunes : je ne suis qu’un homme. La fortune, jusqu’ici, m’a été bonne, mais l’on cherche à me l’arracher comme mes hommes seraient prêts à m’arracher les entrailles.



Ma blessure guérit mal. J’aurais dû me douter que Hector serait le défiant, comme j’aurais dû ne pas sous-estimer sa force. Je n’ai jamais combattu plus féroce adversaire que lui. Mes mains en tremblent encore. Ce fils de chienne aurait pu être un champion dans l’arène de Yelderhil si je ne lui avais pas tranché la tête. J’espère que l’équipage a compris. Je suis seul maître à bord et je continuerai de relever les défis pour entasser leurs crânes devant ma porte.



Si je meurs, ne brûlez pas mes écrits.
Quoi que j’ai pu faire, qui que j’ai pu être, je ne veux pas que l’on m’oublie. Souvenez-vous. Souvenez-vous de Hermeus Stormrage.



J’ai cru périr. Une violente fièvre a bien failli m’emporter si mon Quartier-Maître n’avait pas été là pour veiller sur ma carcasse. Contre toute attente, les hommes n’ont montrés aucun signe de sédition, mon Second prétend même qu’ils étaient inquiets, mais je n’en crois pas un traitre mot. La faim les a rendus faibles, tout comme elle peut épuiser des animaux blessés.
Une semaine s’est écoulée depuis l’attaque de mon mal et ma blessure paraît enfin vouloir guérir. Faut-il croire que je suis à l’image d’une mauvaise herbe, tenace et résistant. S'acharner à m'arracher les racines est une quête vaine, elles restent ancrées, quoi qu'il advienne et quand bien même elles appartiennent aux océans.



Terre en vue.
L’équipage est agité. Dans leurs yeux luit la barbarie.
Et je suis prêt à lâcher les fauves.


Tolglemyr.
La fameuse.
Je ne puis en cet instant décrire l’émotion qui a pu nous étreindre – et nous étreint encore – en comprenant sur quelle terre nous venions d’accoster. Les légendes disaient donc vrai. L’île existe et nos yeux fatigués en ont été les témoins. Mais nul mirage que voici et nous avons en cette soirée, des trophées pour le prouver.
Il nous a d’abord fallu cheminer à travers une épaisse jungle, qui, à aucun moment, ne nous a parue hostile. Jamais je n’ai vu pareilles couleurs ; de la végétation plus verte encore qu’aucune autre flore, des ruisseaux plus clairs que le plus pur des cristaux, des animaux et des insectes aux formes, courbes et camaïeux gracieux. Même les plus laids d’entre eux revêtent une aura des plus mystiques. Il ne fait ni chaud, ni froid, sous l’ombre des feuillages, tant et si bien que cette traversée a paru tranquilliser les plus nerveux de mes hommes.
Notre première rencontre a été un jeune-homme. Un visage fin, nobiliaire, dirais-je même, les yeux quelque peu tirés, comme tracés par des pinceaux et une taille aussi svelte que haute. Il nous est apparu, quelques temps plus tard, que le peuple de Tolglemyr est affublé de ces mêmes caractéristiques, variant plus ou moins entre les différents sexes et âges. Le jeune-homme en question n’a fait montre d’aucune hostilité à notre égard, et ce, malgré nos sales figures patibulaires. Sa gentillesse nous a tous surpris, d’aucuns ont même été méfiants, mais une fois les barrières percées, ma confiance a été acquise. Une chance qu’il parlait notre langue, quoi qu’un léger accent rendait la sonorité des syllabes quelque peu eurythmiques. Il nous a menés chez lui, en lisière de la jungle et nous a fait rencontrer le reste de sa famille : une mère et six frères et sœurs. Pas de père. Pendant que les hommes amassaient les vivres généreusement offerts, je me suis égaré plus au nord pour voir jusqu’où cette île pouvait aller.
J’y ai découvert une merveille que les mythes se sont bien gardés de préciser : Tolglemyr n’est pas seulement une île, mais aussi une cité. Je n’en ai vu qu’une brève ébauche à travers les arbres, mais j’ai décelé là une architecture aussi délicate que le paysage lui-même.
Demain, nous y reviendrons. Pour l’heure, il nous faut reprendre des forces. Les condiments hissés à bord ont su dérider le moral des troupes. J’entends les rires et les chansons embaumer comme jamais le navire, mais ce que je déchiffre plus particulièrement, c’est la foi qu’ils ont pu retrouver en leur capitaine. Même s’il s’agit là d’un hasard miraculeux et que je prétends tout le contraire.


Je ne ressens aucune culpabilité.
Le devrais-je ?

Notre forfait dépasse l’infamie, mais n’est-ce pas ce que nous sommes tous ? Des créatures affamées dépouillées de toute mansuétude.

Commençons par le début …

Nous sommes bien retournés sur les rivages de Tolglemyr. Mais cette fois, j’ai fait débarquer six chaloupes. J’ai eu comme une sale impression, non pas envers l’île, mais envers mon équipage. Cette impression que l’euphorie était somme toute passagère et que viendrait le temps des explications. Celle où il faudrait apaiser la meute famélique. Soulager leur appétit vorace pour le magot. Sans trop savoir ce qui nous attendait, il m’est apparu clair que cette journée serait une journée de bonne fortune. Avec ou sans le consentement de l’agglomérat vivant sur Tolglemyr …
C’est une troupe de quarante hommes armés qui s’est présentée chez le jeune-garçon de la veille et je gage que, s’il ne m’avait pas reconnu dans cette masse, son visage affable se serait transformé en masque d’inquiétude. Je lui ai fait comprendre que nous voulions rencontrer le régent de ces terres. Il nous a dès lors servit de guide jusqu’aux portes de la cité dans laquelle nous nous sommes engouffrés sans une ombre d’opposition. Notre venue a même été acclamée par certains citadins, comme si nos armes et nos intentions s’étaient moulées à leurs yeux en aura festive. Notre détachement s’est alors scindé et j’ai laissé le plus gros de mes hommes sillonner Tolglemyr tandis que je gardais mon Second et le Quartier-Maître comme escorte jusqu’au palais du régent.
C’est un seigneur qui s’est présenté à moi. Je ne saurais dire quel était précisément son titre, ni même sa race, mais il est indéniable qu’il se dégageait de lui une puissante impression de royauté. J’avoue avoir pu ressentir une sombre forme d'admiration qui ne m’avait pas épris depuis des lustres.
Hélas, notre discussion fut brève.
Et sur ce point, j’en suis fortement navré. J’aurais tant souhaité en apprendre sur lui, sur l’île et sur son peuple. C’est pourtant ma lame, qui s’est enfoncée dans son abdomen …
Tout a basculé lorsqu’un serviteur est venu prévenir le seigneur. Mes hommes venaient de faire éclater une belligérance des plus sanguinaires – conflit dont je ne connais toujours pas l’origine, et que je ne connaitrais certainement jamais – mettant à sac la cité en agressant, pillant et violant tout ce qui passait sous leurs pognes. Il m’a fallut prendre une décision d’urgence et assassiner le régent avant qu’il ne puisse clamer un quelconque ordre. L’heure n’était plus à la découverte, au partage et à l’échange – mais l’eût-elle seulement été depuis le début ? Au fond, nous attendions tous ce moment sans vraiment trop y croire. Quelle armée de quarante hommes aurait pu faire mainmise sur une citadelle de cette ampleur ? Nous n’aurions jamais imaginé tomber sur un peuple aussi pacifiste et aussi mal préparé contre de quelconques envahisseurs.
J’ai alors ordonné que l’on s’empare des richesses du palais. Que l’on emporte le maximum. J’ai tué le moindre obstacle se dressant sur ma route, hommes ou femmes, épris par une violente sensation, cette même ivresse ressentie à chaque saccage. Je ne peux l’expliquer. Aucun d’entre nous ne le pourrait. Il faut le vivre. Il faut le sentir. Et par-dessus les cris des victimes s’élève alors la mélodie du pouvoir. L’avez-vous au moins déjà ressenti ? Le pouvoir. Venin mortel. Mais venin addictif. Plus magnétisant que les sirènes elles-mêmes.
Nous allions repartir, les mains pleines et les visages crasseux de sang, lorsque dans l’un des couloirs est apparue une petite silhouette. Une fillette, si jeune, si perdue. Si belle. Elle est passée à deux doigts d’une dague que j’ai déviée avec mon sabre. Dans l’ébullition, et par pure sauvagerie, l’un de mes hommes, loin d’être le plus avisé, était prêt occire la gamine pour gonfler un peu plus le nombre de morts que nous allions laisser derrière notre sillage. C’est lui, que j’aurais du massacrer, mais je l’ai laissé filer avec le reste de la meute.

Je l’ai prise avec moi.
La fille.

Je crois qu’elle est l’enfant du chef de Tolglemyr, très peu de doutes subsistent. L’étoffe avec laquelle elle était accoutrée et l’endroit où je l’ai dénichée concordent avec mon hypothèse. Ce sont les seules choses sur lesquelles je peux me reposer car la gamine ne parle pas. Peut-être est-ce le traumatisme. Je l’ai arrachée d’un bain de sang dont peu ressortent psychologiquement indemnes. Il est donc de mon devoir de faire d’elle ma protégée et non pas ma prisonnière. A son jeune âge, il serait impensable de la vendre comme esclave, je m’y refuse …
… par tous les anciens et les nouveaux dieux, mais qu’ai-je fait.


Elle ne parle toujours pas. Voilà dix jours que nous avons repris la mer et la fille reste mutique. Je crains le pire. L’avons-nous brisée ? Non. L’ai-je brisée, serait la véritable question. Le monstre qui peut sommeiller en moi m’effraie, une fois le combat terminé, une fois les plaies pansées, une fois le souffle retrouvé et l’adrénaline tombée. Je crois pourtant que je me rattache à des chimères et les regrets en font partie. Si je continue sur cette voie, que subsistera-t-il de moi dans dix, quinze, vingt ans ? Est-elle mon remède ? Ma pénitence ? Sa présence adoucit mon cœur.
Je crois que j’éprouve de la tendresse. Une tendresse de père.


Anahita.
C'est son nom.
Elle me l'a murmuré au repas.
Je crois n'avoir jamais ressenti autant de joie à l'évocation d'un seul mot.
Et je crois aussi, qu'elle me fait revivre …

Anahita.
Mon salut.
Mon pardon.





Il y a quelques années, les mers de Kahanor ont vu débarquer dans leur horizon la silhouette d’une frégate. Et, lentement, sa réputation s’est installée ; de simple pavillon noir, elle est passée à légende maculée de récits suralimentés. Rumeurs, mythes ou affabulations, personne ne saurait dire. En revanche, si une chose est bien ancrée dans les esprits, c’est l’angoisse que le Salty Dog peut éveiller à sa simple formulation. Son équipage est redouté, craint pas ses ethnicités variées venues de lointaines contrées. Aux dires de l'adage, ce que l’on ne connaît pas effraie. L’on raconte des histoires de sauvages retenus à bord comme chiens de garde, de créatures marines œuvrant à la solde du Salty Dog, ou encore de capitaine rongé par une envie furieuse de carnage à chaque lune ronde.
Et croyez bien que ces calomnies ont bon vent … surtout pour ledit capitaine qui serait bien le dernier à étouffer pareilles médisances. C’est bon pour les affaires. C’est bon pour la notoriété et quoi de plus important que le renom dans la piraterie ? Il n’est pas rare que certains racontars viennent tout droit de son imagination débridée, tirant sur ses lèvres une morgue mutine.
Toutefois, il vaut mieux ne pas se méprendre : le Salty Dog est bel et bien dangereux et s’est avéré jusqu’ici un redoutable adversaire et une terrible nuisance pour la couronne. C’est que le capitaine Mora semble avoir une dent particulière contre tout ce qui se révèle être en lien avec le gouvernement de Kahanor : commerce, justice, maisons ralliées sous la bannière du Roi, s’il peut discréditer la couronne ou même endommager les rouages du Royaume, il le fait. Ennemi du Roi à bien des échelles, il semble pourtant ne rien revendiquer, ce qui aurait tendance à faire passer ses exactions pour de la plus profonde et archaïque barbarie.
Le monde de la piraterie le connaît tout aussi peu. Sa réputation le précède généralement assez pour qu’il n’ait pas à se révéler au-delà du dispensable. Il semble pourtant avoir agrippé la Confrérie des Pirates comme un rapace aurait enroulé ses serres autour de sa proie. D’abord simple membre, il en est rapidement devenu l’un des maîtres et il est clair pour tous les autres, que sa soif de pouvoir le mènerait bien plus haut si l’échelle ne s’arrêtait pas là. Néanmoins, il n’est pas rare que le Capitaine Mora rallie les voix sous son opinion lorsqu’il est question de votes. Autant dire qu’il n’est pas forcément apprécié de tous ses pairs. Mais ce ne sont pas les adversaires qui semblent effrayer Hermeus Mora.


Il est plutôt … : INTRÉPIDE • BELLIQUEUX • CUPIDE • RÉFLÉCHI • PROTECTEUR • INSTRUIT • TORRENTIEL • LEADER • ROUBLARD • DIGNE • MENTEUR • POSSESSIF • VINDICATIF • RÉSILIENT • CARACTÉRIEL • ENJÔLEUR • IMPITOYABLE • STRATÈGE.

ɤ Pseudo/âge/sexe (f ou m) ; Moriarty, j'ai dépassé la majorité depuis un certain temps. ɤ Fréquence de connexion ; 5/7 j'dirais, j'aime me laisser des jours de congés (a) ɤ Que pensez-vous du forum? ; Petite perle dont les lueurs ont attirées mon œil de pirate. ɤ Comment l'avez-vous découvert ? Grâce à un partenariat ( In Nomine Mens, connaissez ? ) ɤ Code du règlement ; Validation par Avalon ! ɤ Célébrité choisie ; Toby Stephens. ɤ Credits (avatar, icon etc.) ; Mhisélf & Tumblr.