C'est quoi être une princesse ? Dans les premiers âges, ce statut que j'avais eu par le sang était une véritable bénédiction. Comme s'il m'était dû, être fille de roi était une évidence. Des robes plus belles les unes que les autres, des parures étincelantes, des parfums envoûtants, des jouets à n'en plus compter ... J'avais tout ce que je voulais à la minute où je le désirais. J'ai ouvert les yeux pour la première fois avec une cuillère en argent, si ce n'est d'or dans la bouche. On m'avait appris à vivre dans l'opulence et j'y avais pris goût si bien que j'en fusse devenue capricieuse et exigeante malgré mon jeune âge. Parce que mes parents régnaient, j'étais donc princesse. Système qui me parut bien étrange en prenant de l'âge. Au début, je ne me posais pas de question bien trop jeune pour comprendre. J'aimais simplement ce style de vie pleine de soies et d'ors, petite fille se plaisant dans son palais. Les contes, et les belles chansons m'accompagnèrent toute mon enfance m'enfermant sans que je ne m'en rende compte dans une bulle certes merveilleuse, mais irréaliste. La princesse était toujours belle, aimer de tous. Épousant un merveilleux prince, elle avait une vie de rêve et j'étais cette princesse. À mes yeux mon destin était tout tracé, je vivais réellement dans un conte de fées. Ignorante petite fille protégeait par les murs de son château. À l'heure d'aujourd'hui en y repensant, j'en ai honte. Honte de celle que j'étais.

Cependant dans ce paysage idyllique il y avait une tâche, une grosse, du nom de Halbarad. Le prince héritier. Mon frère aîné. Arriver après lui, l'attention était sur moi et point heureux de ma venue il me fit bien comprendre que je n'étais pas la bienvenue dans son monde. Sentiment réciproque, je n'aimais guère qu'on lui porte tant d'attention sous prétexte qu'il allait devenir roi à son tour. J'étais quelque peu jalouse. Il était prince, j'étais princesse. N'étions-nous pas égaux ? Haute comme trois pommes, je n'avais pas encore l'âge de comprendre que ce n'était pas le cas. On pouvait m'orner de tous les titres, c'était lui l'héritier. Aucune affection entre nous, le seul lien à part le sang qui nous unissait était un jeu, dangereux oui mais amusant. Poussant toujours un peu plus loin les limites, les défis que nous nous lancions devenaient de plus en plus dangereux et sans que l'on s'en rende compte, fier et orgueilleux aucun ne lâcha prise jusqu'à ce fameux jour. « Euphemia, petite froussarde je suis sûre que tu es incapable de sortir de l'enceinte du château toute seule ! » Certes je n'étais pas née homme, mais j'étais aussi courageuse qu'eux ! Fermer le clapet de mon frère était une autre raison de le faire. « Je ne suis pas une froussarde ! Tu vas voir ! » Sans avertir qui que ce soit, mes pas me menèrent jusqu'au cercle inférieur de la ville. J'aurais dû être plus discrète, mais affublé de cette manière il était évident qu'on allait me remarquer. Attirant l'intérêt de vieux soulards, ils me dérobèrent mes bijoux, mais ne me laissant pas faire mon visage reçu plusieurs preuves de leur colère. Arrachant de force mes vêtements, je compris. Je n'avais que treize ans, mais je savais ce qu'ils voulaient. Oui j'étais courageuse, mais là, la peur me prit m'enlaçant vicieusement de ses bras. J'étais sans défense. Que faire contre plusieurs à part crier à en perdre haleine ? Je n'étais pas l'enfant royal à qui on avait appris à se battre. J'étais celle qui savait coudre ... La belle affaire dans ce genre de situation. L'espoir, je l'avais perdu. Je me voyais déjà gisante dans la boue, déshonorer et déshonorant par la même occasion ma famille, quand un homme mystérieux surgit et vint à mon secours. Tuant les mécréants, leurs corps parsemaient le sol, leur sang caressant chaudement la terre. M'enveloppant de sa cape, il me ramena saine et sauve au château « Une personne telle que vous ne devrez pas franchir les murailles de son château. La vie, le vrai est brutal, sale et moche. » Me laissant à deux soldats de la garde royale, il finit par partir. J'ai été miraculeusement sauvée. Mon frère écopant d'une sévère punition.

Après cet événement, je pris conscience de deux choses : être princesse n'était pas tout rose loin de là. Pire, être une femme était synonyme de faiblesse. Quand on regardait les choses sous un autre angle, à part coudre, danser et chanter qu'est-ce que je savais faire d'autre ? Certes, j'avais là tous les outils pour vivre à la cour. Mon travail était de charmer mon entourage après tout. Et ? Je ne pouvais franchir les murs du château sans qu'on ne me tienne la main. A part sourire quand on me le demandait, je ne servais à rien. Je réalisais également que le monde était bien plus compliqué, plus brutal comme me l'avait dit l'homme mystérieux. Qu'il y avait à l'extérieur des murs du château un monde bien plus sombre que le mien. La réalité me gifla de pleins fouets. Pourquoi c'est moi qui étais princesse ? L'infortune aurait pu commencer dès ma naissance et j'aurais vécu de manière bien plus modeste ... Mon seul souci était de porter 'la' robe qu'il fallait, pour être la plus belle quand d'autre vivait dans la misère. Mon cheval était mieux nourrit que certain et cette constations ne me laissait pas de marbre. L'opulence, j'en avais toujours eu bien trop quand d'autre n'avait rien. Vivre de cette manière m'avait mis des œillères, et ce traumatisme m'avait - enfin - fait ouvrir les yeux. Cet incident changea également ma relation avec Halbarad à mon plus grand étonnement. Devenant bien plus protecteur avec moi, peut-être trop, le grand frère imbuvable qu'il était devint bien plus agréable. Cette stupide rivalité disparue complètement pour laisser place à une relation bien plus solide, plus sincère. Le découvrant sous un nouveau jour, le monstre devint un frère, mon frère. Celui à qui je raconte tout, celui qui me soutient et inversement. Ironique, d'abord détestable il devint précieux à mes yeux. Quant à l'homme mystérieux, malgré l'espoir de le revoir, il n'est jamais réapparu à mon grand dam. Le remercier, c'est tout ce que je voulais. Je n'en ai jamais eu l'occasion malheureusement. Il était le symbole du chevalier dans mes chansons.

« Le roi, votre père est mort. » La mort. Le roi était mort et un autre fut à l'instant couronner. Mon frère. Cet homme si bon avait quitté ce monde, la faucheuse était bien cruelle. La princesse était peinée de perdre un si bon roi, mais la jeune fille elle, était malheureuse abattue par cette terrible nouvelle funeste. Malheureuse elle avait perdu bien plus qu'un roi, elle avait perdu son père. Même si son statut lui conférait des obligations il avait toujours été là pour moi. Un bon roi, et un bon père. Peu d'hommes assimilaient les deux. Les larmes parsemèrent mon visage plusieurs jours et ma mère me consola jusqu'à ce que je me rende compte - ou plutôt qu'elle me fasse la remarque - d'un détail : mon frère était le roi. « Votre frère est maintenant sur le trône, on doit tout faire pour qu'il le reste ... » Âgé de dix-sept ans seulement, j'étais inquiète pour lui. Allait-il être à la hauteur ? Je ne doutais pas de lui au contraire, après tout il ne pouvait avoir meilleur modèle que notre père. Il était le digne fils de Halbarad Premier de la maison Hammer. Cependant, j'étais assez anxieuse pour ne pas dire apeurer. Mon frère avait l'âge d'être un homme certes, mais il était tout de même jeune. La cible parfaite pour des personnes malveillantes.

J'ai appris qu'il y avait des choses horribles et des personnes pas plus recommandables au-delà des murs du château, mais j'ai également pris conscience que dans l'enceinte même de celui-ci il y avait des personnes dotées de mauvaises intentions. Le monde n'était pas tout rose comme je le croyais au début, non. La cupidité, la soif de pouvoir, les manigances, ... Tant de choses qui ont toujours été là et que je n'avais pas remarqué plus tôt. Devenir forte. Protéger ma famille. Soutenir mon frère. Honorer ma maison. De bonnes résolutions, mais comment m'y appliquer ? Je n'étais pas une intrigante, loin de là. Fallait-il que j'en devienne une dans ce cas ? Je ne savais pas tenir correctement une épée et encore moins me battre. Fallait-il que j'emprunte la voie de la lame ? Je n'avais aucun poids politique. Fallait-il que je me fasse une réputation ? J'étais une simple ignorante au milieu de tous ces requins en aucun un atout pour ma maison. Voilà, ce qu'était la cour, une mare de noble gens attendant au tournant leur heure et bien capable d'évincer mon frère. Plutôt que de choisir bêtement des robes, il me fallait apprendre et vite ... « Jouons au jeu des trônes. »