le cercle des mages, octobre 1 612.

« Eladan, ne fais pas ça ! » s'exclama le Templier, le souffle court. Le jeune mage se figea et fit volte-face, les traits déformés par le doute et la peur. « N'avance pas ! » s'écria-t-il d'une voix aiguë. Thyron serra les dents. Derrière Eladan se trouvait une des brèches créée par le démon qui avait dévasté une partie de la Tour. Ses intentions étaient claires, il voulait comme tant d'autres, profiter du chaos que cela avait provoqué pour tenter de quitter cet endroit. Mais les ordres du Templier étaient clairs, il n'avait pas le droit de le laisser faire. « Eladan, écoute, arrête ça maintenant, je n'en parlerai à personne, mais tu ne peux pas sortir d'ici, » tenta-t-il de le raisonner, les doigts fermement repliés sur la poignée de son épée. Mais il ne l'écoutait déjà plus. L'aura de puissance magique qui entourait Eladan n'augurait rien de bon et Thyron pouvait aisément le sentir. Mages et Templiers n'entretenaient pas de bonnes relations et pourtant, les deux hommes avaient réussi à s'entendre, il pouvait même affirmer qu'il appréciait le jeune mage. Mais il n'avait pas le droit de le laisser partir. « Elad... » Il s'interrompit en voyant les gouttes de sang qui tombaient sur le sol, provenant de la paume du mage. Son regard s'assombrit. « Qu'as-tu fait ? » souffla-t-il d'un air navré. « Laisse-moi passer, Thyron ! » s'exclama le mage d'un ton menaçant.
« C'est hors de question, et tu le sais, » répondit le soldat sombrement. Il savait ce qu'il devait faire. Les techniques qu'il avait acquises durant sa formation devaient être utilisées dans ce genre de situation. Mais il ne l'avait encore jamais fait et espérait n'avoir jamais à accomplir une telle chose. Hélas, Eladan ne lui laissait pas le choix. Le mage fut plus rapide et l'onde de choc qui le frappa de plein fouet lui fit perdre l'équilibre et relâcher son épée. Sonné et déstabilisé, le jeune homme parvint néanmoins à se relever à temps pour se jeter sur son adversaire et ainsi l'empêcher d'atteindre la brèche. Entamant la litanie sacrée qu'on lui avait enseignée, Thyron tenta de sceller les pouvoirs du mage, pour l'empêcher de s'en servir et de lui nuire à nouveau. Furieux, Eladan se débattit de toutes ses forces hélas, le Templier était mieux entraîné que lui. Concentré sur sa tâche, le Templier n'entendit pas les bruits de pas qui se rapprochaient d'eux. « Thyron ! » s'exclama une voix et il sentit deux bras puissants le tirer en arrière, tandis que deux autres de ses compagnons se saisissaient du mage. Il ne tarda pas à comprendre ce qu'ils avaient l'intention de faire et écarquilla les yeux. « Attendez ! » souffla-t-il d'une voix rauque mais déjà, Eladan se tordait de rage et de douleur. Il avait seulement eu l'intention de sceller la magie du jeune homme afin de l'empêcher de nuire le temps que ses supérieurs prennent une décision, pas d'en venir à de telles extrémités ! « Qu'est-ce que vous faites, attendez ! » s'écria-t-il en essayant de se débattre, mais son compagnon le tenait fermement. Les yeux révulsés, le mage poussa un cri déchirant tandis que son essence magique était aspirée hors de son corps. « Ce sont les ordres, Thyron, » murmura l'homme derrière lui. Agité de soubresauts, Eladan cessa complètement de se débattre et retomba mollement contre les deux Templiers qui le soutenaient encore, le regard complètement vide. « Les... les ordres ? » balbutia Thyron en se dégageant de la poigne de son camarade. Tremblant et nauséeux, il se retourna pour faire face à une dizaine de ses frères qui rassemblaient des jeunes hommes et femmes dont le regard était tout aussi vide que celui d'Eladan. Privés de leur essence magique, c'était comme si leur âme avait été aspirée, elle aussi. « Qu'est-ce que... » murmura-t-il d'une voix brisée. « Nous devions les arrêter, Thyron, c'était ça ou la mort, » affirma l'autre Templier qui semblait tenter de se convaincre lui-même. En quoi était-ce différent d'un massacre ?

pestebois, octobre 1 612.

Le sang. Les cris. Les larmes. Havoc regarda autour de lui, le souffle court. Le grognement monstrueux d'une bête résonna à ses oreilles et le chasseur cessa de respirer. Il resserra sa prise sur sa hache et se tourna vers un loup énorme, dont les crocs reflétaient les pâles rayons de la lune. La gueule ouverte, laissant s'échapper un souffle nauséabond, les yeux du monstre luisaient d'une lueur malsaine et d'épais filets de bave et de sang s'échappaient de son horrible trogne. Le loup bondit, prêt à déchiqueter Havoc qui esquiva ses énormes crocs de justesse avant d'abattre sa hache sur le sommet du crâne de la bête. Déstabilisé par l'attaque, il ne fit qu'entamer une oreille de la créature qui grogna de douleur. « Havoc ! » S'écria une voix familière et l'homme se retourna, apercevant les yeux écarquillés de terreur de son épouse. Elle tenait fermement la bride de leur cheval qui piaffait d'impatience, visiblement effrayé par les monstres qui ravageaient le village. « Myranda ! Mets-toi en selle, tout de suite ! » cria l'homme pour couvrir les hurlements des loups et des villageois. S'écartant de la créature qui tentait toujours de le dévorer, il lui asséna un violent coup au niveau de la patte avant. Un craquement sinistre résonna, suivi de près par un grondement de l'animal. Profitant de la nouvelle faiblesse de son ennemi, il planta sa hache dans la tête du loup qui retomba lourdement à terre dans un dernier soubresaut. De la plaie béante s'échappait un sang noir et épais. « Viens avec moi ! » le supplia sa femme, les yeux humides de larmes. Il voulut répliquer, mais il vit le regard de Myranda s'emplir d'effrois et se jeta à terre à temps, évitant ainsi de finir décapité par un autre loup géant.
« Va-t'en, TOUT DE SUITE ! » s'écria-t-il en se relevant, prêt à en découdre avec ce nouvel ennemi redoutable. Ce n'était pas la première fois que Havoc affrontait ces créatures, mais jamais autant d'un coup et encore moins dans de telles conditions. Déjà éprouvé par ses précédents combats, le guerrier ne parvint pas à esquiver un coup de patte énorme. L'une des griffes entailla profondément sa cuisse, une blessure qui aurait très bien pu le priver totalement d'une jambe. Obligé de mettre un genou à terre, Havoc leva sa hache afin de se défendre. « Rends-toi à Pastoria, préviens les Blackwood, OBÉIS ! » dit-il d'une voix rauque. Le cœur brisé, Myranda voulut répliquer, mais elle savait qu'elle n'avait pas d'autre choix. Avec un dernier regard désespéré, elle sauta sur la selle de sa monture et la talonna pour qu'elle galope le plus loin possible de son village natal. Soulagé de savoir qu'elle serait loin d'ici lorsqu'il ne pourrait plus retenir ces monstres, Havoc enfonça sa hache dans la gueule ouverte du loup géant. Il glapit de douleur mais finit par s'effondrer à son tour. Mais le guerrier n'était pas dupe. Sa blessure était profonde et déjà, l'odeur de son sang attirait d'autres bêtes.