Retour sur l’océan. Ils étaient restés beaucoup trop longtemps en Yelderhil à cause d’un membre de l’équipage ayant reçu un mauvais coup lors d’un abordage. Ils avaient bien failli le perdre si Hendrik n’avait pas viré de bord pour les amener sur leur terre d’adoption. Lucian n’avait rien eu à dire son second avait deviné avant même qu’il ne prononce le moindre mot. C’était ce qu’on appelait une magnifique connexion entre les deux hommes. Ils avaient mis pied à terre pensant ne rester que quelques jours avant de repartir en mer, au final, ils étaient restés une semaine. Sept jours, cent soixante-huit heures, dix milles quatre-vingt minutes et autant de secondes. Ça avait été insoutenable pour Lucian qui ne supportait pas rester trop longtemps sur la terre ferme. Au bout de trois jours, il avait commencé à tourner en rond. Il avait bien essayé d’aller voir Freyha, mais elle refusait de le voir pour le moment prétextant un trop plein d’esclaves à s’occuper et il ne pouvait pas non plus aller discuter avec Kazhan sous peine de se faire tuer par un esclave qui n’avait pas trop apprécié la manière dont son équipage et lui l’avaient traité alors depuis le pirate errait sans but dans Yelderhil. Hendrik lui proposa plusieurs fois d’aller oublier sa peine dans du rhum, mais pour une fois, le capitaine n’en avait pas envie. Dès qu’il se retrouvait un peu trop longtemps sur la terre ferme, il commençait à ruminer de sombres pensées. Il repensait toujours à Edwina et à son père. Cet homme. S’il le voyait, il le tuerait. Un bon coup de lame dans le cœur. Il le méritait tellement. Ça ou il le ferait écarteler sur son navire puis il donnerait les restes aux poissons carnivores du Grand Line. Au bout de cinq jours, Lucian était allé s’isoler sur son navire, incapable de supporter plus longtemps les beuveries et le peuple de Yelderhil. Il avait laissé le soin à Hendrik de surveiller l'équipage et de l’avertir lorsqu’ils pourraient lever l’ancre. Il était allongé dans un hamac et s’était endormi lorsqu’à la lueur du septième jour il entendit le rire moqueur de son second. Lucian ouvrit un œil avisant le jeune homme au crochet. « Oserais-tu te moquer de ton capitaine ? » Le pirate se redressa et attrapa la bouteille de rhum qu’il lui tendait. Il en but une longue gorgée avant de lui rendre. Du rhum tôt le matin était le meilleur moyen pour se réveiller complètement. Lucian se leva. « Quelles sont les nouvelles ? » Hendrik lui expliqua que leur camarade allait pouvoir reprendre la mer. Lucian sourit. « Parfait. Rassemble l’équipage, nous n’allons pas rester une minute de plus en Yelderhil. Bien des bateaux ont du passer en notre absence, nous devons nous rattraper et leur souhaiter la bienvenue comme il se doit. » Être un véritable pirate lui manquait atrocement. Hendrik hocha la tête et disparut.

Il fallut un petit moment pour que tout le monde retrouve le chemin du bateau pirate. Ils avaient un peu trop profité du rhum et des femmes et n’avaient plus vraiment la tête à la piraterie. « Allons camarades ! Nous sommes restés bien trop longtemps ici, il est temps pour nous de reprendre la route et de piller ceux qui nous ont échappés. Tout le monde à son poste, on lève l’ancre. » Le gamin blessé semblait bien faible aux yeux du pirate, Lucian le surveillerait de près pour éviter qu’il ne perde connaissance. Le capitaine remonta jusqu’à la barre et se plaça aux côtés d’Hendrik. « Fais-moi grincer ce bateau, camarade. » Ils attendirent que les voiles se gonflent avant de faire tourner la barre à tribord. Le bois craqua légèrement procurant un sentiment de bonheur au capitaine du navire. Il commença à fredonner le chant des pirates bientôt accompagné par Hendrik.

Cela devait faire deux bonnes heures qu’ils avaient repris la mer. « Nous avons oublié quelque chose capitaine. » Lucian fronça les sourcils. « Quoi donc ? » Il vit le pirate en face de lui devenir blême. « Nous ne pensions pas reprendre la mer avant un p’tit moment. Le p’tit semblait tellement fatigué qu’on s’était dit qu’on pouvait rester plus longtemps en Yelderhil et… » Le pirate sentait que la suite n’allait pas lui plaire. Il fronça encore plus les sourcils incitant silencieusement à l’homme de poursuivre. « Du coup, on a pas rempli les stocks, capitaine. On a plus rien. » Lucian pencha la tête sur le côté essayant de savoir s’il était sérieux dans ce qu’il disait ou non. « Plus rien du tout ? Pas même du rhum ? » Il vit le pirate hocher négativement la tête. Le capitaine se tourna vers Hendrik semblant aussi désespéré que lui. Ils allaient devoir faire un arrêt sur leur plage préférée, celle qui gardait précieusement quelques-unes de leurs provisions. Lucian grimpa sur la rambarde en bois. « Nous allons toucher terre pour quelques minutes le temps de faire le plein, les amis. » Il cachait soigneusement la colère qui montait en lui pour éviter d’exploser et de leur dire deux ou trois petites choses qui n’allaient pas leur plaire. Deux heures plus tard, ils avaient mis le pied à terre encore une fois. Hendrik posa une main sur l’épaule de son capitaine. « C’est l’affaire de quelques minutes, ça ira vite t’inquiète pas. » Il n’y avait que lui pour comprendre son désir de ne pas rester trop longtemps sur la terre ferme. Ils aimaient l’océan de manière égale. Lucian hocha la tête en pinçant des lèvres et descendit les marches pour atterrir sur le pont et observer son équipage s’occuper de ramener les vivres à bord. Un mouvement sur la gauche attira son attention. Deux marins avaient sorti leur sabre, un autre courrait vers lui. « Capitaine… c’est la demi-elfe, celle qui part toujours sans payer. » Celle qui l’avait sauvé une fois jadis. « Charmante surprise. J’arrive. » Lucian sauta sur le sable et se dirigea vers les trois personnes. En voyant la jeune fille, il sourit. « Comme ça faisait longtemps. De passage dans la région petite elfe ? » D’un geste de la main, il fit baisser les armes de ses marins. « Excuse-les, tu les mets à cran à ne jamais payer tes voyages. » Il sourit encore plus.

Mains sur les hanches, il observait la demi-elfe… enfin ils se toisaient. L’un attendant la réponse de l’autre qui ne tarda pas à venir. « Je ne vois pas de quoi tu parles. » Lucian laissa échapper un léger rire. S’il prenait ça sur le ton de la rigolade, ce n’était pas le cas de ses pirates. Ils regardaient tous d’un air mauvais la jeune fille. Les autres s’affairaient à charger les dernières provisions et passant à côté d’eux avec une large caisse, il vit la demi-elfe jeter son sac juste au-dessus. Il entendit un de ses hommes se mettre à grogner de mécontentement marmonnant dans sa barbe que le capitaine devrait arrêter d’embarquer n’importe qui. Le pirate fronça les sourcils en se disant qu’il ne le louperait pas à la prochaine escale. De quel droit osait-il critiquer les décisions de son capitaine ? « Et en effet, je suis de passage car j'avais besoin d'un talentueux navigateur pour me rendre à Yelderhil. » Ils venaient tout juste de quitter la côte, la demi-elfe n’espérait pas qu’il fasse un demi-tour pour lui faire plaisir au moins ? Il savait que l’embarquer sur son bateau était risqué à moins qu’il ne la fasse surveiller par Hendrik tous les jours pour éviter qu’un marin trop tendancieux s’approche d’elle d’un peu trop près. Pas qu’il avait peur pour la dignité de la jeune fille, non, c’était plus pour le marin en question qu’il avait peur. Il savait que les elfes étaient des êtres qui n’avaient peur de rien pour la plupart (et qui n’avaient pas un grand sens de l’humour selon lui) alors si jamais un de ses hommes avait des envies perverses à son égard, il ne donnait pas cher de sa peau. Puis avec un blessé à bord, il avait déjà fort à s’inquiéter. Soudain, son cerveau termina de faire les dernières connexions, si la demi-elfe voulait passer, elle allait l’aider à finir de soigner son jeune matelot. Lucian la toisa un instant croisant ses bras contre sa poitrine. Il se mit à tourner autour d’elle pour l’évaluer, comme il avait l’habitude de faire quand on lui amenait de futurs esclaves qu’il irait revendre à Freyha.

« C’est Yelderhil qui t’intéresse ? Tu sais que j’en viens et que je n’ai pas spécialement envie de faire demi-tour pour tes beaux yeux et je sais que tu ne paieras pas non plus tes nombreux retards. » Lucian s’arrêta pour se planter pile devant elle. Il se mit à sa hauteur et poursuivit. « Vois-tu, tu sembles bien me connaître et tu sais déjà que je ne te laisserai pas ici puis tu as déjà fait embarquer tes affaires avant que j’ai pu dire un seul mot. Seulement c’est pareil pour moi, je commence à cerner qui tu es. Si tu veux monter sur ce bateau, tu vas devoir accepter deux choses. » Il lui donna une légère tape sur le nez avant de se redresser. Elle était probablement bien plus vieille que lui et il devait avoir insulté un bon nombre de lois elfes, mais il s’en moquait. Personne ne pouvait le faire plier, il suivait ses propres lois. Lucian se redressa et baissa un premier doigt. « Tu devras soigner un de mes hommes, il a été blessé, nous sommes restés plusieurs jours sur la terre, mais il a du mal à recouvrir la santé. » énonca-t-il. « Tu as le choix. Soit tu embarques pour un périple qui va durer plusieurs jours, soit je te fais simplement traverser pour te déposer de l’autre côté du Grand Line, mais ça ne sera pas Yelderhil. Nous y sommes restés bien trop longtemps, il est temps pour nous de rattraper notre retard. » Finit-il en esquissant un sourire carnassier. Le retard qu’il évoquait c’était simplement des navires qu’ils n’avaient pas pu piller et des batailles qu’ils n’avaient pas pu mener. Ils avaient beaucoup de choses à faire et Yelderhil ne serait pas à eux avant de longs jours voire semaines. Lucian s’était dit qu’il était temps de ramener quelques esclaves à Freyha ; trop de jeunes hommes et femmes dans la fleur de l’âge encore en liberté à son goût, il fallait intervenir un peu dans tout ça. « Alors que choisis-tu ? » Il savait qu’elle avait beaucoup de mal avec l’océan et que son choix serait vite vu. Il ne l’aurait pas pour longtemps dans les pattes, son blessé pourrait de nouveau tenir sur ses jambes et ses hommes n’auraient pas à égorger la demi-elfe pendant son sommeil. Tout le monde y trouvait son compte.